BDS
Ronni Kasrils,
vétéran de la lutte
contre l’apartheid sud-africain :
« Opposez-vous aux tentatives
d’interdiction du BDS »
Adri Nieuwhof
Samedi 25 juin 2016
Le
vétéran de la lutte contre l’apartheid
sud-africain, Ronni Kasrils, estime que
les tentatives d’interdiction du
militantisme pour le boycott, le
désinvestissement et les sanctions (BDS)
contre Israël sont « absolument
grotesques » et que les militants
doivent s’opposer à de tels efforts.
Par : Adri
Nieuwhof – Article 1 Collective
Ronni
Kasrils, au Tribunal Russel
Le
vétéran de la lutte contre l’apartheid
sud-africain, Ronni Kasrils, estime que
les tentatives d’interdiction du
militantisme pour le boycott, le
désinvestissement et les sanctions (BDS)
contre Israël sont « absolument
grotesques » et que les militants
doivent s’opposer à de tels efforts. Le
mois dernier, j’ai eu un entretien avec
Kasrils à propos de ce qu’il pensait du
BDS et de l’apartheid, lors de sa venue
à Amsterdam.
Pendant des décennies, Kasrils a lutté
contre l’apartheid en tant que membre du
Congrès national africain (ANC) et du
Parti communiste. Il a participé à des
opérations de la branche militaire de
l’ANC, Umkhonto we Sizwe (Fer de lance
de la nation). Après la chute de
l’apartheid, il a servi comme
vice-ministre dans plusieurs
gouvernements.
Kasrils est né à Johannesburg en 1938,
petit-fils d’immigrants juifs de
Lituanie et de Lettonie qui ont fui les
pogroms tsaristes pour l’Afrique du Sud
à la fin du 19e siècle.
Le BDS
a contribué au changement
« Il a
œuvré brillamment », s’empresse de
répondre Kasrils à ma question si le BDS
contre le régime d’apartheid
sud-africain avait eu un impact.
« Le BDS a rendu les Blancs en Afrique
du Sud vraiment furieux. Mais vous les
avez épuisés avec le BDS. Il est arrivé
un moment où ils ne pouvaient plus le
supporter, et ils ont voulu que ça
change ».
Un membre du Parti national au pouvoir a
dit à Kasrils que la décision de la
banque britannique Barclays de se
retirer d’Afrique du Sud en 1988, –
après une présence de plus de 150 ans –,
« a été la dernière goutte qui a fait
déborder le vase ». Il rappelle que le
militantisme international pour le BDS a
commencé par un boycott des fruits par
les consommateurs, comme les oranges,
les raisons et les pommes Outspan. Dans
les années 1970, Peter Hain en
Grande-Bretagne a commencé à perturber
les jeux de sport. Avec un groupe, il
est descendu sur un court de tennis à
Bristol et il a bloqué l’équipe
d’Afrique du Sud. « Cela s’est propagé
comme une traînée de poudre et est
parvenu à d’autres pays ». Le boycott
était ouvert à une interprétation
créatrice et il est devenu un moyen
important pour toucher et attirer les
populations.
Puis, des régimes de retraite d’Églises
et des syndicats à travers le monde en
sont venus à se désinvestir
d’entreprises sud-africaines ou
d’entreprises qui avaient investi en
Afrique du Sud. Ce qui a eu un gros
impact.
En 1985, en Amérique, les travailleurs
de Kodak ont pris conscience de
l’ampleur de la souffrance imposée aux
Sud-Africains noirs. Le peuple
afro-américain a été pour beaucoup dans
la mobilisation anti-apartheid. Grâce à
ses sénateurs et représentants au
Congrès, le lobby noir a commencé à
faire peser une pression énorme sur les
entreprises et les banques. La Chase
Manhattan a été la première banque à
rompre ses liens avec l’Afrique du Sud.
Interdire le BDS est grotesque
Kasrils dit qu’il soutient le
militantisme du BDS contre Israël à cent
pour cent. Et il ajoute qu’il faut
s’opposer aux tentatives visant à rendre
illégal le BDS aux États-Unis, au
Canada, en France et au Royaume-Uni.
« Il est absolument grotesque que des
gouvernements doivent utiliser une loi
pour mettre fin au droit à la liberté
d’expression des populations pour
lesquelles le BDS constitue un moyen
pacifique pour apporter de l’aide et une
solidarité au peuple palestinien.
« Ces gouvernements doivent aider le
processus dans son ensemble. Et ensuite,
il y aura plus de calme et de paix pour
la population de Palestine et d’Israël,
et de tout le Moyen-Orient. Israël est
une puissance nucléaire avec un nombre
considérable d’armes nucléaires, et des
gens de l’extrême droite qui le
gouvernent. La population demande du
sang, pas seulement le sang des
Palestiniens, mais aussi celui des
peuples de la région, et de gens comme
Omar Barghouti qui simplement parlent du
droit au BDS ».
« Israël est un pays qui présente les
pires formes d’injustice, de meurtres,
qu’on a vues depuis très longtemps. Il
est de ces pays qui, à propos, sont
souvent désignés comme fascistes ».
Pire
que l’apartheid
Kasrils s’est rendu en Israël et en
Palestine à plusieurs reprises. Quand je
l’ai interrogé sur ses expériences, il a
répondu : « Il existe de façon certaine
des similitudes ». En 1984, le Conseil
de Sécurité des Nations-Unies a approuvé
la définition qu’avait adoptée
l’Assemblée générale en 1966, selon
laquelle l’apartheid constitue un crime
contre l’humanité. La Convention de
l’Apartheid ne dit pas « l’apartheid
sud-africain », elle est plus large,
observe Kasrkils.
La définition de l’apartheid fait
mention d’actes inhumains commis en vue
d’instituer ou d’entretenir la
domination d’un groupe racial d’êtres
humains sur n’importe quel autre groupe
racial d’êtres humains et d’opprimer
systématiquement celui-ci. Vous devez
mettre en application cette définition
pour établir si Israël est en train de
mettre en œuvre un apartheid.
Tout Sud-Africain qui s’est engagé dans
la lutte pour la liberté et qui s’est
rendu en Palestine et en Israël dit, «
C’est comme l’apartheid », poursuit
Kasrils. « La séparation des
populations, les mesures utilisées, ces
files d’attente aux check-points,
l’humiliation, sont comme l’apartheid. »
L’archevêque Desmond Tutu et de
nombreuses autres personnes ont dit
qu’en réalité, c’est même pire que
l’apartheid.
« Nous avons rarement vu l’apartheid
larguer des bombes sur les gens ou
pénétrer dans les ghettos noirs avec des
chars d’assaut et des tirs d’artillerie
lourde comme à Gaza. En Afrique du Sud,
nous avons vu des massacres atroces et
nous avons eu des situations où l’état
d’urgence a été déclaré, où le mouvement
du peuple noir a été contrôlé, avec des
sièges comme à Soweto. Cela durait
quelques semaines. Pas année après année
comme en Cisjordanie ou à Gaza », se
souvient Kasrils.
Le
changement aura lieu
Beaucoup de gens doutent qu’Israël
changera et qu’il respectera les droits
du peuple palestinien.
Cependant, Kasrils est certain qu’il
changera : « Israël est un exemple
d’État colonial qui subsiste, qui s’est
emparé de la terre du peuple
palestinien, l’a dépossédé de sa terre
et de ses droits, a utilisé les méthodes
les plus épouvantables tout au long de
l’histoire d’Israël. Nous,
Sud-Africains, nous sommes passés par un
processus atroce sous l’apartheid. Nous
reconnaissons que c’est ce qu’il se
passe pour le peuple palestinien. Nous
nous tenons résolument derrière lui en
solidarité, et nous appelons les
gouvernements à se mettre en conformité
avec les résolutions des Nations-Unies.
Ce qui signifie : la fin de
l’occupation, la fin du siège de Gaza,
le droit des réfugiés à revenir. La
seule façon pour que les juifs d’Israël
puissent être sûrs de vivre en sécurité,
c’est qu’ils reconnaissent les droits de
leurs semblables, ceux du peuple
palestinien ».
Il a été un temps où les gens sentaient
qu’il pourrait y avoir une fin à
l’apartheid en Afrique du Sud, poursuit
Kasrils. L’État blanc avait été très
fort. Il a eu d’énormes ressources, et
le soutien de l’Occident, notamment de
ces mêmes pays qui soutiennent Israël
aujourd’hui.
Il s’en est allé à vau l’eau, parce que
les gens en Afrique du Sud ont été
déterminés. Pour réaliser un changement,
il faut l’unité, la détermination, de
bons dirigeants, la bonne stratégie, une
vision pour l’avenir. Finalement, le
résultat pour une juste cause est
certain, quel que soit le temps qu’il
faut. L’Afrique du Sud a prouvé cela.
https://www.article1collective.org/2016/06/resist-efforts-to-outlaw-bds-says-anti-apartheid-veteran-ronnie-kasrils/
Traduction : JPP pour BDS France
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