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Opinion

Les dérives médiatiques de Kamel Daoud

Abdellali Merdaci*

 

Mardi 23 décembre 2014

Une insensée et ruineuse campagne de promotion

Que l’appel d’un imam déjanté aux tribunaux de la République pour juger et infliger une lourde sentence de mort à un écrivain perçu comme blasphémateur envers l’Islam, religion de la majorité des Algériens, soit un fait inhabituel dans notre histoire littéraire, il ne devrait pas moins inviter à réfléchir à ce qui apparaît comme une violente et insupportable campagne de promotion dans les médias français d’un livre et de son auteur aux effets détonants et imprévisibles en Algérie. Kamel Daoud appartient à cette terrible catégorie d’écrivains qui poussent leur carrière sur les flots de scandales et d’imprécations constamment renouvelés. Il aurait pu laisser sa première œuvre minimaliste aller vers les lecteurs et s’inscrire dans la durée, la seule sanction respectable de la littérature, mais rien ne semble le préoccuper que de la pousser au gré de provocations répétées, qui le maintiennent sous une brûlante lumière. Voilà un chroniqueur-écrivain en mal avec la syntaxe, soucieux d’un management de choc de ses maigres débuts dans la littérature, propre à la société numérique, utilisant insidieusement ses infinies ressources.

            Le récit qui l’a fait connaître en France Meursault, contre-enquête (Alger-Arles, Barzakh-Actes Sud, 2013-2014) est une œuvre à la fois mimétique et de circonstance, commencée – selon ses déclarations – en 2010 dans la foulée du cinquantième anniversaire de la disparition de l’écrivain colonial Albert Camus (1913-1960), publiée, la première fois, en Algérie, en marge du centenaire de sa naissance. Jamais une œuvre de seconde main, comme c’est le cas pour Meursault, contre-enquête, cousue dans les mots étroits de la sordide mise en abymes de L’Étranger, en en restituant dès l’incipit les topoï, n’aurait connu un tel succès en France, sans l’activisme de mauvais aloi de son auteur. Le « Meursault » de Daoud n’est pas le fruit de son imaginaire comme l’Ulysse (1922) de James Joyce (1882-1941) l’a été dans une transcription actuelle d’un mythe consomptif de l’humanité. Plusieurs centaines d’adaptations originales et de dialogue avec des œuvres classiques peuvent être citées, ici, mais ce n’est pas le lieu d’un tel débat. Je m’en tiendrais aux exemples récents nés de la confrontation à Camus et à son œuvre. Sur le thème strictement « camusien » trois écrivains Hamid Grine (Camus dans le narguilé, Paris, Après la lune, 2011), Salim Bachi (Le Dernier été d’un jeune homme, Paris-Alger, Flammarion-Barzakh, 2013) et Salah Guemriche (Aujourd’hui, Meursault est mort, édition numérique, Amazon, 2013) ont proposé des récits d’une qualité littéraire supérieure à Mersault, contre-enquête, édités en France, sans grand retentissement. Il ne leur est jamais paru légitime de faire reconnaître leur œuvre et leur art dans un délire querelleur sur l’Algérie, qui fait toujours recette dans l’ancienne puissance coloniale.

Kamel Daoud prolonge, au service de son œuvre, cette détestable mise en scène de l’écrivain-trublion, courue, depuis les années 1950, par quelques écrivains algériens qui ont vite assimilé que leur réussite littéraire se mesure, en France et en Occident, à l’aune d’un acharnement douteux dans leurs académies et dans leurs médias contre leur pays et son système politique. Les champs littéraire et médiatique français ne pouvaient pas ignorer un censeur aussi débridé et échevelé que le chroniqueur oranais qui a exercé son humeur délétère sur le président de son pays, les Palestiniens et l’Islam, sujets, il est vrai, houleux. En conséquence, l’écrivain a été adoubé pour la course aux prix littéraires nationaux français et la question du mérite de son œuvre, qui réécrit à contre-sens L’Étranger, sans une réelle créativité littéraire, n’a jamais été posée.

Trois cibles, remarquablement exploitées, ont porté sur le pavois médiatique et littéraire parisien le chroniqueur-écrivain.

1) Le président de la République-candidat. La campagne électorale pour l’élection présidentielle du printemps 2014 révèle un chroniqueur vibrionnant dont les saillies lui valent un brevet d’impertinence auprès de la presse parisienne, attribué par une critique littéraire du « Point ». En vérité, Kamel Daoud n’a jamais excellé dans le débat d’idées pourtant coutumier au « Quotidien d’Oran » qui l’emploie. Contre le candidat, président-sortant, il s’attache plus à la caricature qu’à l’analyse des faits : plutôt qu’à une politique décriée, il a choisi de s’attaquer à l’homme et à sa chaise roulante. Cette démarche irrévérencieuse, enveloppée dans un discours de la dérision, plutôt dérisoire, ressassé et lassant, envers la personne et la fonction présidentielle ne peut être tenue pour une charte éditoriale éthique ; elle n’est ni vertueuse ni courageuse parce qu’elle est tolérée, peut être même étrangement consentie par le système ombreux et ses maréchaussées. Dans l’effervescence d’une campagne électorale présidentielle funambulesque, le chroniqueur ne s’autorisait que d’une vacuité du champ politique algérien pour apparaître dans les salles de rédactions parisiennes comme une sorte d’héraut, bataillant contre un système politique abhorré.

2) La Palestine. Le mot « solidarité » (précisément envers les victimes des bombes israéliennes à Ghaza) étrangle le chroniqueur. Cette connivence avec le sionisme éclate au cœur d’un été meurtri et la presse parisienne salue cette distance calculée, accablant ceux qui expirent dans l’effroi du feu et de la grenaille. L’indifférence, brutalement réaffirmée, envers le malheur des Palestiniens, suscite pour le chroniqueur une saisissante empathie des médias parisiens. Leurs colonnes et leurs plateaux lui sont, dès lors, ouverts pour accueillir les positions inaccoutumées, toujours surprenantes, d’un Algérien qui ne condamne pas le sionisme et qui le comprend, même à demi-mot.

3) L’islam. À la télévision, chez Ruquier (« On n’est pas couché », France 2) et à la radio chez Finkielkrault (« Répliques », France culture), Daoud, le vent en poupe, excitant sa transformation d’islamiste en contempteur de la foi, passant d’un extrême à l’autre, déverse sa haine de l’Islam, sans aucun respect pour ses compatriotes musulmans. Là, encore, le trait est grossi, volontairement caricatural. Car est-il seulement envisageable de s’attaquer, dans une opération de promotion sauvage, à une grande civilisation universelle, humaniste et éclairée, et à ses fondements religieux, dans l’intention de faire mousser un court et pitoyable exercice de style, qui ne vaut pas tripette, tout en cautionnant une cabale glauque contre l’Islam dans une France, politiquement et culturellement déchue et acculée, dont un des  cadors médiatiques veut « déporter », le terme est troublant, cinq millions de musulmans ?

            La seule réaction, abondamment commentée, aux propos incendiaires de l’écrivain-chroniqueur sur l’Islam est venue d’un remuant imam de banlieue qui est son double, friand d’Internet et de réseaux sociaux. Curieuse gémellité qui s’habille de mythologie si elle ne tourne à la piètre comédie de boulevard ? Les proclamations télévisées de l’imam Abdelfatah Hamadache, qui sont la marque d’une inamendable casuistique bédouine, ne s’adressent pas à des spadassins barbus, tapis dans leurs sous-bois, pour les inciter, comme jadis, à tuer l’auteur de Meursault, contre-enquête. Fait fondamentalement nouveau qui n’a pas été relevé, le télé-imam assigne cette mise à mort à l’institution judiciaire dans une télévision privée qui émet avec l’accord tacite de l’État. Du sombre minbar d’une mosquée des tréfonds du pays aux sunlights des plateaux de télévision, il y a un changement de lieu d’énonciation, qui marque une évolution notable de la communication intégriste islamiste et de la diffusion de ses décrets moyenâgeux. On s’y tromperait : l’imam geek recourt à la justice et à ses appareils contre celui qu’il considère comme un apostat injuriant l’Islam, ce qui est paradoxalement dans la forme (au-delà des motivations profondes de la saisine) une valeur citoyenne et constitutionnelle. Habile adaptation, en vérité, aux mutations sociopolitiques présentes d’un discours salafiste exterminateur qui, lui, ne change pas et reste dans ses principes condamnable.

Cependant l’écrivain-chroniqueur et l’imam constituent dans leur singulier face-à-face l’envers et l’avers d’une même histoire tragique. Qui oubliera en Algérie l’heure des fetwa mortifères, leurs cortèges de deuils irrépressibles et de douleurs rémanentes ? Kamel Daoud était du côté de ceux qui décrétaient dans les années 1990 des mises à mort, autant solennelles que radicales, contre des artistes, intellectuels et syndicalistes, des membres des services de sécurité de l’État et des Algériens de toutes croyances et conditions. Et, il doit s’en souvenir, car il a été intimement et émotionnellement proche de cette horde barbare qui a emporté des milliers de vies, condamnées pour des convictions républicaines qui n’étaient pas les siennes, ni celle de l’imam Hamadache qui appelle, aujourd’hui, contre lui les foudres funestes et vengeresses de la justice.

Après avoir, en maintes occasions, proféré des discours clivants, qui heurtent les Algériens au motif affligeant de vendre son récit et son image sarcastique de trouble-fête, Kamel Daoud entend tirer tout le profit de la menaçante riposte de l’imam et de sa providentielle fetwa. À l’évidence, la sortie d’Abdelfatah Hamadache a été rendue possible par ses propos iconoclastes sur l’Islam et il n’a pas tardé à l’instrumentaliser. Elle lui permet d’entretenir une posture victimaire à la Salman Rushdie, sans en avoir ni le talent ni l’œuvre, dans une bouffonnerie de promotion médiatique qui tourne à l’inconvenant outrage, encouragée par le philosophe-guerrier français (fomentateur de « printemps arabe ») Bernard-Henri Lévy et une cohorte de lobbyistes sionistes parisiens. Peut-on aussi s’inquiéter de l’agitation éhontée de ceux qui se dressent dans la presse francophone algéroise, en rangs serrés, comme les soldats d’une ambition égotiste d’auteur, le soutiennent en imparables et prétentieux donneurs de leçons, qui attentent à la liberté d’expression en désignant à la vindicte, dans la semblable rhétorique insinuante de l’imam banlieusard, ceux qui ne pensent pas comme eux ? Jamais débat n’a été aussi vicié, souillé par un terrorisme intellectuel de salonards repus et de folliculaires embusqués, au service d’un auteur qui n’a encore rien prouvé, qui n’a pas pris le temps de forger une vraie œuvre littéraire, qui ne peut se prévaloir que d’une indécente rage de gloire, qui est prêt à tout raser sur son chemin pour y parvenir.

Écrivain-universitaire. Professeur de l’enseignement supérieur. Dernier ouvrage paru : Une histoire littéraire déviée. La réception critique de la littérature algérienne de langue française d’avant 1950, Constantine, Médersa, 2014.

 

 

   

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Source : Ahmed Halfaoui

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