Algérie
Le hirak, la main de l’étranger
et ses vérités des ténèbres
Abdellali Merdaci*
Samedi 11 juillet 2020
Dans une recension de l’ouvrage
d’Ahmed Bensaada « Qui sont ces ténors
autoproclamés du hirak algérien ? »
(Alger, Apic Éditions, 2020), j’ai fait
état d’une locution d’un autre temps, la
pittoresque « main de l’étranger », qui
a chaviré le bon sens et mis en charpie
le cœur d’un chroniqueur chamarré, un de
ces « forgeurs de conscience » de la
presse privée dite « indépendante ». À
sa décharge, l’universitaire oranais
n’utilise pas cette formulation, mais
elle s’impose clairement à la lecture de
son enquête. Dire que le hirak algérien
a été, à son origine et dans ses
évolutions diverses, otage de décideurs
de l’ombre n’est pas mettre en cause une
demande de démocratisation de la société
qu’il a remarquablement exprimée, qui
reste actuelle.
Comme beaucoup d’Algériens, j’ai
longtemps marché avec des membres de ma
famille pour un changement radical et
nous en prenions date dans une
déclaration publique, le 1er avril 2019,
au lendemain de la formation d’un
gouvernement de transition. Contre la
prétention à un cinquième mandat du
président Bouteflika, formellement
absent, contre les dérives prédatrices
de son clan encore actif, le hirak
pouvait incarner une révolution
populaire, hors et contre les censures
institutionnelles. Il aurait fallu, sur
ce plan-là, mettre en œuvre un principe
fort de la démocratie et désigner
d’authentiques représentants du hirak,
investis de la confiance des marcheurs
et, surtout, d’une autorité et d’une
parole publiques. Mais le hirak ne
savait pas qu’il ne s’appartenait pas.
Des puissances occultes et déterminées
encadraient, déjà, sa généreuse geste et
ses cris d’espoir.
Le 14 mars 2019, le
sociologue français d’origine algérienne
Lahouari Addi, mandaté par des parties
jusqu’alors inconnues, refusant la
possibilité d’une structuration du hirak,
faisait l’injonction à un gouvernement
déboussolé, aux chefs de l’Armée et aux
marcheurs de s’en remettre pour le sort
de l’Algérie à un triumvirat composé de
l’avocat Mostefa Bouchachi, des chefs de
parti Zoubida Assoul (UPC, agréé) et
Karim Tabbou (UDS, non agréé). Dans le
même ordre du jour, quasi-martial,
recueilli par le journal en ligne de
droit français « Le Quotidien
d’Algérie », il traçait le cahier de
charge de cette instance collégiale
appelée à exercer l’autorité suprême de
l’État. Il ne pouvait s’agir pour lui
d’orienter pour son propre compte, à
partir de Lyon (France), un mouvement
populaire inédit dans l’espace politique
algérien depuis l’indépendance,
rassemblant de centaines de milliers de
manifestants, dans toutes les régions,
villes et campagnes du pays. Au nom de
qui interpellait-il les Algériens, qui
l’a autorisé à préfigurer une chefferie
d’un mouvement spontané de marcheurs
pour en faire un mouvement
insurrectionnel avec l’objectif précis
d’une prise de pouvoir ?
Lahouari Addi et
autres agents de la « démocratisation »
américaine
Un des résultats
les plus pertinents de l’enquête d’Ahmed
Bensaada est de dire aux Algériens à
partir de quel lieu le Français Lahouari
Addi se prévalait – et se prévaut
toujours avec le même entrain – de
guider la marche libératrice du hirak et
à en tirer de (grosses) ficelles et de
quelles coteries secrètes et
parfaitement efficaces il est le
délégataire. Conviendrait-il de
subodorer les preuves à charge
patiemment recherchées et
alignées contre lui dans le travail de
Bensaada ?
À quel titre, en
effet, un universitaire français, fut-il
d’origine algérienne, sans aucune
attache établie avec le pays dont il a
abandonné la nationalité au plus fort de
la sanglante guerre civile des années
1990 que ses amis islamistes, d’hier et
d’aujourd’hui, ont imposés au peuple et
à l’État algériens, peut-il décider de
l’avenir de l’Algérie, de lui assigner
une présidence triumvirale de
transition ? Convient-il de rappeler que
lorsque, le 14 mars 2019, Addi donnait
les noms de ses triumvirs, Abdelaziz
Bouteflika était encore le président élu
de la République algérienne démocratique
et populaire, nation indépendante et
souveraine ? Dès la fin février 2019,
les Algériens avaient marché dans les
rues, non pas pour installer une
transition mais pour s’opposer à un
cinquième mandat d’un président, dont la
maladie, l’impotence et la captation de
son pouvoir constitutionnel par son
frère Saïd et ses amis, menaçaient la
sécurité de la nation. L’intervention du
14 mars 2019 de Lahouari Addi est acte
délictueux envers l’Algérie et son
gouvernement.
Ahmed Bensaada
énonce clairement la pernicieuse entente
de l’universitaire lyonnais avec des
organismes publics et privés,
gouvernementaux et non-gouvernementaux
américains, chargés de la
« démocratisation » des pays arabes dans
le cadre d’un programme dédié au Moyen
Orient. Sauf à prendre tous les
Algériens pour des crétins, comment
comprendre que Addi passe du statut
revendiqué de chercheur publiant des
articles dans des revues du NED à celui
de donneur d’ordres au hirak algérien ?
Cela est désormais su : le sociologue
français, qui s’adresse aux foules de
marcheurs algériens, se réclame d’une
double investiture : la caution des
Américains, initiateurs d’un projet de
changement « démocratique » forcé des
républiques arabes (notamment par le
biais de « révolutions printanisées »)
et la proximité des partis islamistes
dont il pouvait théoriser les effets
morbides prévisibles de leur conduite de
la nation dans le concept vaseux de
« régression féconde ». Jamais un
oxymoron ne fut aussi fatal.
Assurément, la
« main de l’étranger » est bien visible.
Lahouari Addi et ses clients pressentis
et missionnés, Mostefa Bouchachi,
Zoubida Assoul et Karim Tabbou
(désormais élargi, sur lequel Bensaada
n’a rien révélé tant qu’il était en
prison et ne pouvait sensément se
défendre) répondent sans aucune
ambiguïté aux nettes incriminations que
son enquête serrée détaille. De
l’argent, des stages, des colloques, des
menées d’activistes organisées et
financées par des officines américaines,
des conciliabules dans les salons et
bureaux de l’ambassade américaine à
Alger, mis à jour par Wikileaks, des
breloques dorées décernées à des patrons
de journaux privés pour avoir porté
auprès des Algériens la bonne parole de
la « démocratie » et même à un chef de
parti politique (venu à résipiscence),
un activisme dans un réseau de femmes
juristes arabes appuyé par l’argent
américain, des fraternisations et des
embrassades émues avec des tueurs
islamistes, qu’est-ce qui n’est pas
vérifiable dans la documentation réunie
par l’universitaire oranais ? Cette
« main de l’étranger » est bien présente
au cœur de la nébuleuse du hirak.
Comment la nier et s’en gausser dans un
journal algérien depuis une sinécure
parisienne traitée à l’aïoli ?
Pour avoir donné à
tous les Algériens, qui marchent, qui ne
marchent pas où qui ne marchent plus,
les clés d’une opération dirigée par des
organismes étrangers, principalement
américains, pour assurer le contrôle du
mouvement populaire du hirak, l’auteur
de « Qui sont les ténors autoproclamés
du hirak algérien ? » est lynché dans
les colonnes d’une presse privée dite
« indépendante », qui ne lui donnera
jamais la possibilité de se défendre.
Dans les pages du fameux « Quotidien
indépendant », un spécialiste de
l’agit-prop, habitué des délégations du
RAJ, autre association stipendiée,
notamment à Dakar (Sénégal), porte-voix
déclaré du hirak, apporte des
« clarifications » aux divulgations de
son enquête en expliquant qu’il est dans
l’ordre des choses que ses amis soient
cornaqués par des organismes étrangers.
Son argument, prétendument irrésistible,
est de marteler que le gouvernement
algérien échange et signe des contrats
avec des organismes étrangers, pourquoi
les activistes algériens ne s’y
prêteraient-ils pas ? L’argument est
court, mais il constitue déjà un aveu.
L’État et ses gouvernements sont
mandatés pour discuter avec tout acteur
institutionnel étranger dans la limite
d’intérêts contractuels. Est-ce le cas
pour un groupement de personnes
(fussent-elles au nombre de « trente
millions » comme le soutient un
néo-Français surgi de la décennie
noire !), dont l’objectif assigné est de
faire tomber le système d’Alger, au prix
du chaos, s’il le faudrait ?
Le hirak à la
barre ?
Lorsqu’on sollicite
la formation, les conseils et les moyens
d’organismes étrangers, gouvernementaux
ou non-gouvernementaux, pour réaliser un
but proprement politique dans son pays,
cela a un nom, plusieurs même :
intelligence, collusion, collaboration,
voire trahison, universellement
punissables par la loi. La loi
algérienne est sans équivoque sur cet
aspect : elle interdit la création et
l’activité d’associations politiques et
de médias financés par l’étranger.
Alors, cette toujours folklorique « main
de l’étranger » court-elle encore et
plus vite ? Il est avéré que Addi,
Bouchachi, qui vient de s’exprimer
publiquement en qualité de chef –
autoproclamé – sur la reprise du hirak,
Assoul et Tabbou, mangent à la même
écuelle une préparation peu ragoutante,
cuisinée en sous-sol, à l’étranger.
Ahmed Bensaada
précise le parcours de ces activistes
dans leur lien avec des agences
américaines fournissant clés en main des
« printemps » arabes. S’ils n’en sont
pas dans cette infecte mangeaille,
qu’ils parlent ! Qu’ils sortent de la
confusion et se dressent face au hirak
historique du 22 février 2019 pour
clamer leur vérité. Encore une fois,
qu’ils se fassent entendre !
Mais cette prise de
parole, leur est-il aisé d’y souscrire
en toute sincérité ? Madame Assoul
connait, en sa qualité de juriste ce
précepte de Juvénal, loué dans toutes
les cours de justice du monde et, aussi,
chez nous en Algérie : « Vitam impendere
vero » : se consacrer, en toute
circonstance, à la vérité, rien que la
vérité. Triumvir, coopté par Lahouari
Addi, Zoubida Assoul s’y emploie,
certes, à demi-mot. Elle vient de donner
une version biaisée des faits qui lui
sont imputés dans l’enquête de Bensaada
dans un entretien avec le quotidien
algérois « Reporters » (8 juillet 2020).
J’observe, au premier plan, que nulle
part, depuis maintenant plus d’une année
de hirak, Assoul n’a dénoncé son
appartenance à l’instance collégiale
préemptée par le sociologue français
Addi ; elle nie être une « héroïne » du
hirak, mais elle en est le héraut, comme
elle fut l’animatrice et porte-parole du
mouvement Mouwatana, balayé par les
camions de la voirie municipale de
Constantine. Cette présidence collégiale
de l’Algérie en transition, à laquelle
elle été conviée par Addi, qu’elle n’a
pas stricto sensu déclinée, qui est
corrélativement aussi celle du hirak, a
été pensée et mise en œuvre depuis
l’étranger : ni dans sa composition ni
dans ses objectifs, elle ne correspond à
aucune forme de légalité, elle est
préjudiciable.
Zoubida Assoul, qui
ne se suffit pas d’éreinter Ahmed
Bensaada, son contradicteur, ce qui
n’est pas nouveau en soi dans les
colonnes d’une presse privée qui s’est
arrogé les vertus du hirak, veut aussi
le déférer devant les bois de justice
pour des faits qu’il a fait connaître
aux Algériens, qu’elle ne dément pas
opiniâtrement dans ses déclarations à
« Reporters » : le Réseau des femmes
juristes arabes, dont elle a été la
dirigeante à Amman (Jordanie), a
été financé par l’ABA et cet organisme
arabe a entretenu des relations avec
Freedom House et USAID, qui sont des
émanations du NED, qui a repris un volet
important des activités de
déstabilisation dans le monde de la CIA.
Devant les tribunaux d’Algérie, Ahmed
Bensaada, qui est lui-même un expert
reconnu pour ses publications sur les
« printemps » arabes et sur le rôle qu’y
ont tenu les organismes américains, peut
solliciter l’expertise de spécialistes
algériens de la gouvernance mondiale,
universitaires et diplomates, qui
connaissent les entreprises de
« démocratisation » américaine avec
lesquelles Madame Assoul a travaillé.
La cheffe du parti
UPC, membre d’un triumvirat
présidentiel, estime que personne ne
peut mesurer le patriotisme. Or le
patriotisme, dans son essence, est une
valeur insécable : on l’a ou on ne l’a
pas. Lorsqu’on a accepté d’être dans une
direction du hirak, inspirée par une
puissance étrangère, pour accomplir des
objectifs de renversement et de
remplacement d’un gouvernement légal, à
la date du 14 mars 2019, par la violence
de la rue, on a sûrement piétiné cette
éminente valeur. La gravité du fait est
soulignée par la position de Zoubida
Assoul, cheffe de parti légal, recourant
explicitement à une démarche illégale.
Dès le 14 mars 2018, si elle n’en avait
pas préalablement approuvé l’intention,
Madame Assoul aurait dû s’adresser aux
Algériens pour récuser sa participation
au triumvirat de Lahouari Addi et
marquer l’observance d’une voie
politique légale, qui lui est attribuée
par l’État. Elle ne l’a pas fait.
Le hirak,
l’activisme séditieux et la bataille de
l’ombre
À Constantine, il
devenait – assez tôt – visible que les
marches étaient phagocytées par les
troupes de l’activiste islamiste Larbi
Zitout, haranguées et pourvues en
slogans nauséeux depuis Londres, pour
s’en écarter. Seuls les journalistes
Ikram Ghioua (« L’Expression », Alger)
et Nouri Nesrouche (« El Watan », Alger)
signalaient et commentaient cet
aggiornamento du hirak, islamiste et
potentiellement émeutier, qui ne sera
plus sans conséquence sur son devenir.
Cette histoire de bruits et de fureurs
n’était plus mon histoire. Car, une
« révolution du sourire », empreinte de
résilience, se mérite.
Je lis
régulièrement dans la presse des
hypothèses sur le retour du hirak, que
ne semble pas décourager l’incertaine
situation sanitaire du pays. À quelle
enseigne, précisément ? Garde-t-il son
intégrité et sa légitimité originelle,
dix-sept mois après son lancement ?
J’entends bien et je partage pleinement
les analyses du philosophe Mohamed
Bouhamidi qui a situé la mort clinique
du hirak au printemps 2019, au moment où
la donne politique changeait notablement
dans le pays. J’imagine que si le hirak
était structuré, s’il disposait d’une
direction élue échappant aux influences
étrangères, il se serait emparé de
l’offre du régime finissant pour
triompher par l’urne, plus que par la
répétition d’imprécations mortifiantes
et, souvent, inopportunes, contre des
institutions de l’État, notamment
l’Armée, et des acteurs du champ
politique, qui n’ont pas changé et ne
changeront pas notre société.
Comme les grands
mouvements populaires, le hirak algérien
originel a nourri sa part d’illusions –
romantiques et romanesques. Ici comme
ailleurs, au gré du temps, des
« révolutionnaires » en peau de mouton
qui ont lu Georges Sorel, Luis Sepuvelda,
Curzio Malaparte et Piotr Kraptokine,
ont découvert que sous les pavés, il n’y
avait pas la plage. À Paris, à Santiago
du Chili, à Rome et à Moscou, mais aussi
à Alger. Le hirak algérien, ses « trente
millions » d’électeurs hirakistes
élisant un président hirakiste sur un
programme hirakiste, agi par un
gouvernement hirakiste, cela aurait pu
être, en 2019, une vérité incandescente.
Ni Lahouari Addi, ni ses parrains
américains et ses protégés
« démocrates » et islamistes, ni son
triumvirat, n’en voulaient, qui
aspiraient (et aspirent toujours) à
faire tomber l’État algérien. Triste
combat, aux procédés déloyaux.
Ainsi, le boycott
du vote, un outil classique de
l’agit-prop. Les marcheurs y ont
acquiescé nombreux. Mais, M. Abdelmadjid
Tebboune a été élu légalement, dans une
élection légitime, qui en a fait le
président de l’Algérie et de tous les
Algériens. Si la période qui allait de
la démission du président Bouteflika à
l’élection de son successeur, du 2 avril
au 12 décembre 2019, a été marquée par
une difficile confrontation entre un
État fragilisé et des marcheurs de
toutes obédiences, l’élection
présidentielle devait marquer le retour
à une vie politique sereine. Ce travail,
sur le front politique, s’il a été
exceptionnellement celui des citoyens en
mouvement, doit revenir principalement
aux partis politiques, à leurs militants
et aux élites de la société. Après leur
longue marche, les Algériens doivent
être convaincus qu’avec l’élection du 12
décembre 2019, une page de l’histoire
présente de l’Algérie, celle du règne
d’injustice et de prédation du président
Abdelaziz Bouteflika et de son clan
(1999-2019), a été tournée, même si elle
fut – nuanceront-ils – mal tournée.
Nonobstant la
promesse d’une Algérie nouvelle et d’une
relance politique, l’universitaire
lyonnais Lahouari Addi s’accroche à la
grande affaire de sa carrière,
l’expérience indispensable d’un pouvoir
islamiste en Algérie.
Deux cents mille
morts, ce n’est jamais assez. La reprise
annoncée ces jours-ci, parfois
tapageusement, du « hirak nouveau » par
des tuteurs – autoproclamés comme le
note Bensaada – installés à l’étranger
et mus par des intérêts étrangers, est
porteur de risques pour la sécurité du
pays et du devenir de l’Algérie en tant
que nation libre. Ce que la bande de
Lahouari Addi, depuis Lyon, Larbi Zitout,
depuis Londres, Mourad Dhina, depuis
Genève, Oussama Abassi, depuis Paris, et
leurs correspondants à Alger dont
Bouchachi, Assoul, Tabbou, Ali Belhadj
(visité, récemment, en grande pompe par
des ténors du hirak, Bouchachi en tête,
au lendemain d’une bousculade avec la
maréchaussée qui lui a valu quelques
égratignures), préparent actuellement
dans la jonction de pseudo-démocrates et
islamistes, c’est la chute d’un régime
politique légal et légitime, qu’ils ne
pourront jamais battre dans les urnes de
la démocratie. Si, par le plus grand des
malheurs, ils referont bouger des
Algériens, c’est pour aller vers la
division, le déchirement, le chaos. La
Libye, toute proche, la Syrie, l’Irak et
le Yémen, livrés à des guerres sans fin,
ne sont pas encore sortis de cette
marche forcée vers la « démocratie »
américaine et occidentale, une
« démocratie » de charniers.
Comment douter que
les Algériens qui ont fait
prodigieusement le premier hirak, qui a
été un hymne à l’unité et à la
solidarité, qui a donné le providentiel
coup de boutoir pour ébranler un système
politique honni, qui aiment leur pays,
puissent le brûler pour complaire à des
attentes qui ne sont pas les leurs, qui
leurs sont dictées par d’acharnés et
sinistres histrions arc-boutés à des
violences anciennes, toujours
recommencées ?
Les manipulations
américaines, analysées par Ahmed
Bensaada, mais aussi, le grenouillage
français, relevé par l’éminent
universitaire Mohamed-Lakhdar Maougal,
ont détourné le cours du hirak, qui n’a
pas conservé la spontanéité et la pureté
de son enfantement. Si Lahouari Addi,
donneur d’ordres du NED, qui a
fait toper Bouchachi et Belhadj et tutti
quanti pour le renversement d’une
présidence et d’un gouvernement légaux
de l’État et leurs troupes
islamo-« démocrates » remportent – par
hypothèse – leur bataille souterraine
contre la Première République
algérienne, la fondamentale République
algérienne démocratique et populaire et
son Armée, une Deuxième République sera
instaurée arborant la brumeuse
estampille d’État islamique, avec
inévitablement son cortège de morts, de
millions de morts, autrefois chiffrés
par un chef islamiste dans un
hallucinant happening dans l’enceinte du
stade du 5-Juillet, à Alger.
L’Histoire
devrait-elle se répéter ? Les marcheurs
islamo-« démocrates », d’Alger à Bejaia
et Tizi Ouzou et dans le pays kabyle
comme cela a été le cas ces dernières
semaines, prêts à en découdre,
n’attendent que le départ sifflé par
Mostafa Bouchachi. Qu’ils prennent
garde, cependant, d’éveiller la bête
immonde. L’islamisme, qui prend place
dans ce néo-hirak avec son outre de
ruses, saura perfidement faire revêtir à
ses improbables alliés la tunique de
Nessus, il restera toujours cette
terrible machine destructrice et
pourvoyeuse de mort.
Les Algériens,
appelés à toutes sortes d’urgences, dont
celle de vivre face à la pandémie
virale, n’ont plus besoin, aujourd’hui,
du hirak. Ni de faiseurs de hirak
embusqués dans les fanges d’organismes
américains et occidentaux de la
« démocratisation ». Que ceux d’entre
eux qui souhaitent faire de la politique
pour accéder au pouvoir s’y engagent à
visage découvert, loin de l’écran de
fumée des foules subjuguées, dans le
respect des règles du fonctionnement
politique de l’État. L’enjeu
d’alternance démocratique devrait être
l’unique horizon des partis et des
acteurs politiques pour faire avancer
notre grand pays. Et le défendre
ensemble, par nécessité. Car la seule
démocratie et la seule République
légitimes, que peuvent rêver les
Algériens sont celles qui préservent
leur pays, qui l’inscrivent durablement
dans l’histoire des nations.
*Écrivain,
critique et historien de la littérature.
Le dossier
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