Palestine
Résistance palestinienne : un nouveau
paradigme
Abdel Bari Atwan
Membre des Brigades
Izz ad-Din al-Qassam, l'aile armée du
mouvement Hamas - Photo : Archives
Mardi 4 juin 2019 Abdel Bari Atwan
– Cette fois-ci, la résistance
palestinienne a clairement riposté.
La bande de Gaza ne
représente que 2% du territoire
historique de la Palestine. Mais les
habitants de cette minuscule enclave
montrent à 400 millions d’Arabes et à un
demi-milliard de Musulmans ce que
signifie faire preuve de courage pour la
défense de leurs droits, de leur terre
et de leurs lieux saints, face à
l’arrogance américaine et israélienne.
Le barrage de
missiles tirés de l’enclave bloquée
n’est pas seulement une réaction au
siège étouffant et meurtrier d’Israël.
Il représente également une réponse
double : d’une part, à « l’accord du
siècle » visant à installer un Grand
Israël, d’autre part, aux normalisateurs
arabes qui considèrent Nétanyahou comme
leur leader et protecteur.
Depuis le début du
dernier assaut israélien il y a quelques
jours, je suis en contact permanent avec
des parents, des amis et des
connaissances dans la bande de Gaza.
Toutes les personnes à qui j’ai parlé
m’ont dit la même chose : ne vous
inquiétez pas pour nous. Nous n’avons
pas peur. Nous allons manifester notre
résistance jusqu’au bout. Ce sont les
Israéliens qui cherchent désespérément
un cessez-le-feu, pas nous.
Freih Abu-Middein,
ancien ministre de la Justice
palestinien, a déclaré : « La vie
continue comme d’habitude. Des enfants
sont dans la rue pour repérer les avions
de guerre et les missiles qui partent
d’ici, et les gens comptent les pertes
israéliennes et les échecs de leur dôme
de fer ». Il a ajouté: « Le problème du
peuple de Gaza ne concerne pas Israël.
C’est avec l’Autorité [palestinienne] à
Ramallah, qui parle comme une ‘partie
neutre’ et appelle à la protection
internationale tout en rivalisant avec
l’occupant pour affamer Gaza et la
soumettre. Et c’est avec les
[gouvernements] arabes qui interviennent
dans la médiation pour mettre fin aux
combats – non pas par souci des
Palestiniens ou pour épargner leurs
vies, mais par souci des Israéliens et
par souci de la sécurité de leurs
colons. »
La question de
savoir de quel côté a commencé cette
dernière guerre n’est pas importante. La
principale nouveauté est que cette
fois-ci, les groupes de résistance
palestiniens ont bien fait savoir qu’ils
ont décidé de réagir avec force aux
crimes d’Israël : les assassinats en
série de manifestants pacifiques par des
tireurs d’élite; son non-respect des
accords de désescalade; et le
resserrement de son siège étouffant sur
deux millions de personnes.
Les leaders de la
résistance à Gaza – comme la majorité de
ses habitants – ont fermement conclu que
le seul langage qu’Israël comprend est
celui de la force. C’était une leçon
tirée de nombreuses expériences
précédentes, indépendamment du courage
et des sacrifices qu’elle implique.
Cette dernière
guerre a déjà permis d’obtenir
d’importantes succès qui seront
renforcés si elle se poursuit :
– Elle a érodé le
pouvoir dissuasif tant vanté d’Israël.
Maintenant, c’est la résistance qui peut
définir l’ordre du jour et les règles
d’engagement.
– Des centaines de
milliers d’Israéliens ont fui leurs
colonies du sud, vers le nord, et leur
nombre pourrait se multiplier si les
missiles continuent d’atteindre Tel-Aviv
ou au-delà.
– Israël s’apprête
à organiser deux événements : le
concours Eurovision de la chanson, qui
réunit un auditoire mondial de deux
milliards de personnes, et
l’anniversaire de sa création en tant
qu’État. Si la guerre continuait encore
pendant deux semaines, elle subirait un
désastre mondial, brisant son image
internationale soigneusement cultivée et
l’exposant alors aux yeux de tous comme
une puissance d’occupation vicieuse et
un État fascisant qui commet des crimes
de guerre et attise l’instabilité
régionale – en même temps qu’il est un
lieu où il est dangereux de vivre.
– Elle a énormément
embarrassé le Golfe et d’autres régimes
arabes en train de normaliser leurs
relations avec Israël. Ils pensaient que
leurs citoyens accepteraient leur
soumission aux États-Unis et à Israël,
accepteraient la faiblesse arabe comme
une réalité et abandonneraient la
culture de la résistance. Mais ils se
sont trompés. Les faiblesses d’Israël
étant exposées – ainsi que celles des
États-Unis dans son incapacité à imposer
son diktat « zéro exportation de
pétrole » à l’Iran -, ces gouvernements
sur la voie de la normalisation sont
également exposés pour ce qu’ils sont,
comme le sont la stupidité, la myopie et
la faillite politique et morale de leurs
dirigeants.
On ne peut que se
demander ce que doivent éprouver le
président de l’Organisation de la
Conférence islamique (OIC) et le
gouvernement de son pays, l’Arabie
saoudite. Deux jours à peine après avoir
annoncé qu’une délégation juive
israélienne avait été invitée à une
conférence organisée à La Mecque, ils
ont vu des avions de guerre israéliens
semer la mort et la destruction parmi
les civils palestiniens et 600 missiles
pilonner la ville et les colonies
israéliennes. par conséquent, le
responsable de l’OIC et le gouvernement
saoudien ont affirmé qu’ils ne
normaliseraient jamais leurs relations
avec Israël tant qu’un minimum de
justice n’aurait pas été respecté à
l’égard des Palestiniens.
Les Palestiniens
ont cette fois riposté. Leurs missiles
ont trompé le Dôme de fer, une
technologie de pointe, et ont touché des
cibles militaires israéliennes, dont un
transporteur de troupes touché par une
roquette Kornet, tandis que les
Israéliens « civilisés » ciblaient les
femmes enceintes.
Il est douloureux
de voir l’Égypte jouer le rôle de
médiateur dans cette guerre. L’Égypte a
la responsabilité d’assurer la sécurité
de l’enclave, car la bande de Gaza était
sous administration égyptienne lorsque
les Israéliens l’ont occupée. Ses
précédentes tentatives de médiation se
sont soldées par des humiliations.
Israël n’a pas respecté les accords de
désescalade précédents, a renforcé le
siège, asphyxié économiquement Gaza et a
commencé à tirer régulièrement sur des
manifestants sans défense aux Marches du
Retour. Elle ne devrait pas jouer ce
rôle.
La résilience des
habitants de Gaza et leur capacité à
rester fermes et à résister sont
admirables, et souvent vraiment
étonnantes au regard des circonstances
dans lesquelles ils sont obligés de
vivre. Leur bravoure, leur persévérance
et leur défi continu face aux occupants
israéliens, à une époque où d’autres
s’embrassent, est une cause légitime de
fierté.
Que tous les
martyrs reposent en paix – pour ne citer
que quelques-uns, la jeune femme
enceinte Falastin Abu-Arrar, son parent
Siba âgé de 14 ans, le commandant des
Brigades al-Qassam, Hamed al-Khudari, et
les membres des familles Madhoun et Abu-Armaneh.
La liste ne s’arrête pas là. Nous
n’attendons ni n’attendrons l’attention
ou la sympathie de ce monde aveuglé,
mais plutôt encore plus de missiles
dirigés sur Tel Aviv, ou un
cessez-le-feu selon les termes de la
résistance.
*
Abdel Bari Atwan est le rédacteur
en chef du journal numérique
Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de
ses mémoires,
A Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération. Vous
pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
6 mai 2019 –
Raï al-Yaoum – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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