Gaza
Trois ans après,
Qu'est-ce qui a changé à Gaza ?
Ziad
Medoukh
Ziad
Medoukh
Mardi 20 décembre
2011
Alors que tous les peuples s'apprêtent à
fêter la fin de l'année écoulée et
l'avènement de la suivante, une partie
oubliée de ce monde célèbre le troisième
anniversaire de l’agression israélienne
contre sa population civile.
Comme le monde entier, nous aimerions
fêter la fin et le début d'une année,
mais, chaque fois, cette période nous
rappelle la fin tragique de 2008.
C’était en décembre 2008, trois ans
déjà, trois années se sont écoulées,
mais c’est difficile pour nous
Palestiniens de Gaza d’oublier la
guerre, les massacres et les crimes
commis par cette armée sauvage, contre
nos femmes et nos enfants, contre nos
maisons et nos écoles, contre nos usines
et nos routes.
Cette guerre avait pour objectif de
briser la volonté d’une population
résistante, cette population courageuse
qui a résolu de défier le blocus imposé
par la force de l’occupation
israélienne, mais qui a surtout décidé
de rester attachée à sa terre, en dépit
de toutes les difficultés et des mesures
atroces d’une occupation qui ne veut
jamais la paix.
Comment pourrait-on effacer les
événements dramatiques de la dernière
guerre israélienne contre la population
civile gazaouite ? Lequel d'entre nous
pourrait oublier les pertes humaines, la
destruction massive de nos
infrastructures civiles ? Y-a-il un seul
Gazaoui qui n’ait pas été touché
directement ou indirectement par les
attaques sanglantes d’une armée
d’occupation qui visait avant tout les
civils ?
Mais
la question la plus importante qui se
pose après ces trois années, c'est :
qu’est ce qui a changé à Gaza ?
Avec la mobilisation internationale, les
manifestations dans beaucoup de pays
contre cette offensive militaire
israélienne, mais, surtout, après les
réactions et les critiques de plus en
plus affichées envers la politique de ce
pays contre la bande de Gaza, les
Palestiniens de cette prison à ciel
ouvert, pensaient que le blocus allait
se lever, et leur situation économique
et sociale évoluer. Hélas ! Il n'en est
rien!
Trois ans après la fin de ce carnage, la
situation stagne, rien ne bouge et les
gens, sur place, attendent et attendent.
Oui, rien ne bouge, malgré quelques
événements internes et externes, qui ont
apporté un signe d’espoir pour les
Palestiniens, comme les révolutions dans
le cadre du printemps arabe, comme la
demande d’adhésion de la Palestine aux
Nations-Unies, et le discours historique
du président de l’Autorité palestinienne
devant l’Assemblée générale de l’ONU,
comme l’adhésion de la Palestine à
l’UNESCO et la libération de plus de
mille prisonniers palestiniens, dont 600
de Gaza accueillis dans une liesse
populaire, rare dans cette prison à ciel
ouvert , malgré les pourparlers sérieux
pour faire avancer la réconciliation,
malgré la mobilisation des jeunes
Gazaouis dans leurs manifestations de
masse contre la division, oui, malgré
tout cela, rien ne bouge.
Ces événements, en dépit de leur
importance, n’ont pas eu d'influence sur
la vie difficile de 1,6 millions de
Gazaouis qui continuent de vivre dans
des conditions précaires, ils n’ont pas
changé l'existence de ces jeunes qui
vivent la pauvreté, le chômage et la
souffrance.
En décembre 2011, la situation actuelle
dans la bande de Gaza est marquée par :
-Le blocus inhumain et illégal imposé
par le gouvernement israélien depuis
plus de cinq ans, blocus maintenu,
certes un peu allégé, grâce aux
événements dans notre région ou à des
pressions réelles de la part de quelques
pays et quelques organisations
internationales. Actuellement, 130 à 150
camions entrent à Gaza chaque jour, mais
la moitié de ces camions sont pour les
organisations internationales et leurs
projets de construction d'écoles et de
stations d’eau. Gaza n’a droit qu’à 98
produits au lieu de 450 avant le blocus,
quelques produits et médicaments
n’entrent pas, ce qui a aggravé la
situation. Selon les estimations des
organisations internationales, la bande
de Gaza a besoin de 750 camions par jour
pour répondre aux besoins énormes d’une
population en augmentation permanente.
-Les conséquences de ce blocus sont
dramatiques, 77% des habitants de Gaza
vivent de l’aide alimentaire
humanitaire, distribuée par les
organisations internationales.
-90% des usines détruites pendant la
guerre de 2008, sont fermées ou tournent
au ralenti, car les matières premières
n’entrent pas.
-Les maisons détruites lors de la
dernière agression israélienne contre la
bande de Gaza, n’ont pas été
reconstruites ; les matériaux de
construction sont toujours interdits
d’entrer, par ordre militaire israélien;
les quelques matériaux qui passent
actuellement à Gaza sont pour les
projets internationaux comme les écoles
de l’UNRWA; plus de 3000 habitants
vivent toujours à coté des ruines de
leurs maisons détruites, aucun projet de
reconstruction civil n’a eu lieu.
-Le chômage s’est accru, notamment chez
les jeunes: plus de 65% des jeunes
Gazaouis, sont au chômage; on note
l’absence de projets de développement
réel: tous les projets actuels sont pour
le secours et non pour le développement.
-La division continue, malgré les
rencontres et les manifestations
populaires du 15 mars 2011, organisées
massivement par les jeunes, à Gaza comme
en Cisjordanie, les Palestiniens sont
divisés entre deux gouvernements et
entre deux projets différents.
-Les passages sont fermés, ils ouvrent
et ferment de façon arbitraire pour
permettre à quelques produits de sortir
de Gaza, notamment les produits
agricoles comme les fraises et les
roses, mais cela est occasionnel, et
seulement quand il y a une pression
internationale qui permettre d'exporter
deux camions de ces produits vers
l’étranger.
-Le passage de Rafah, le seul passage
qui relie la bande de Gaza à
l’extérieur, est ouvert actuellement et
on constate une amélioration certes,
mais, vu le nombre considérable de
voyageurs, étudiants et malades, les
Palestiniens exigent une ouverture
totale, notamment avec le changement
politique en Egypte.
- A tout cela s’ajoutent les attaques et
bombardements israéliens qui n'ont pas
cessé : durant cette année de 2011, plus
de 70 Palestiniens sont morts, parmi eux
20 enfants et cinq femmes après des
raids de l’armée israélienne contre
Gaza.
Les conséquences du blocus et cette
situation marquée par des difficultés
économiques obligent beaucoup
d’habitants à aller récupérer des
matériaux dans la zone tampon au Nord de
la bande de Gaza, une zone dangereuse
contrôlée par l’armée de l’occupation
israélienne qui n’hésite pas à tirer,
elle a causé la mort de 6 paysans en
2011 ; cela les contraint aussi à aller
travailler aux tunnels à Rafah au sud de
la bande de Gaza, un travail à risques,
puisque plus de 60 travailleurs y ont
trouvé la mort, soit à cause
l’effondrement des tunnels, soit à cause
des raids israéliens.
- L’aspect le plus grave de toute cette
situation difficile des habitants de la
bande de Gaza et qui marque l’esprit de
la majorité des habitants ici, est
l’absence de perspectives chez ces gens
qui ne voient aucun changement, qui
constatent que les choses n’avancent pas
, ne bougent pas, sentiment horrible qui
va influencer l’avenir de cette
génération, surtout celle des jeunes,
qui commencent à perdre espoir en un
avenir immédiat meilleur .
Trois ans après, Gaza la blessée, Gaza
la meurtrie existe et résiste, elle
continue de souffrir, elle est toujours
sous blocus, Gaza affronte les
bombardements et les incursions de
l’armée israélienne, Gaza est toujours
et plus que jamais une prison à ciel
ouvert.
Mais la vie continue, ses habitants
s’adaptent et montrent une patience
extraordinaire devant le silence
complice d'une communauté internationale
impuissante.
Les Gazaouis attendent toujours, ils
n’ont pas d'autre choix que d’attendre,
ils attendent trois réponses claires à
leurs interrogations :
D’abord, question légitime : jusqu’à
quand les violations israéliennes du
droit international ? Jusqu’à quand
l’impunité d’Israël ? Jusqu’à quand va
durer leur souffrance ?
Puis, y aura-t-il une décision
courageuse de la part des instances
internationales de lever le blocus
inhumain qui leur est imposé de façon
illégale par une force d’occupation.
Et finalement, quand vont-ils ressentir
une amélioration réelle dans leur vie et
un changement radical de leur situation
précaire.
En attendant, les Palestiniens de Gaza
tiennent bon, persistent, patientent,
résistent, mais surtout, ils continuent
d’espérer en un lendemain meilleur, un
lendemain de liberté, de paix, mais,
avant tout, un lendemain de justice.
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