Quelle
que soit la manière de l’envisager, la trêve Hamas-Israël à
Gaza pourrait apparaître avec le recul comme un tournant critique
dans le processus de paix israélo-palestinien. De là à croire
qu’un dialogue étendu Hamas-Israël serait possible... Les
chances en sont minimes.
Bitterlemons 24 - 23 juin 2008
Du point de vue des services de sécurité
israéliens comme de celui du Premier ministre Ehud Olmert, le
cessez-le-feu à Gaza est essentiellement tactique. De manière générale,
ils persistent à croire à l’éventualité d’une offensive
militaire massive sur la Bande de Gaza, destinée, sinon à anéantir
le Hamas, du moins à l’affaiblir sérieusement. D’où le
cessez-le-feu exprime avant tout des calculs à court terme :
chercher les moyens de libérer Gilad Shalit, répondre aux
pressions égyptiennes, au tollé des résidents israéliens
limitrophes de Gaza soumis à d’incessants bombardements ainsi
qu’aux propres besoins politiques d’Olmert.
Mais il existe en plus un contexte
stratégique - un de ceux que nous ignorons à nos risques et périls.
Il commence avec le Président palestinien Mahmoud Abbas et la
voie vers la paix israélo-palestinienne qu’ils représentent,
lui et Olmert. Si, comme cela semble devenir clair, le
cessez-le-feu à Gaza renforce le Hamas et, de ce fait, affaiblit
Abbas, cela pourrait refléter, de la part d’Olmert, l’analyse
selon laquelle le processus de paix est de toute façon épuisé.
Ceci pourrait influencer de manière durable les relations israélo-palestiniennes
à venir. Et marquer le début de la fin de l’opinion selon
laquelle le Fatah / OLP constitue un partenaire viable pour une
solution à deux Etats.
A moins bien sûr qu’Olmert,
fort d’avoir réduit au silence le front de Gaza, ait désormais
l’intention d’offrir à Abbas une série de concessions à
long terme pour soutenir le statut du leader de l’OLP et
renforcer le processus de paix. Dans les deux cas, le
cessez-le-feu à Gaza pourrait bien apparaître avec le recul
comme un tournant critique dans le processus de paix israélo-palestinien.
Un second aspect du contexte stratégique
du cessez-le-feu à Gaza est le fait qu’il est un des éléments
de l’ahurissante série d’initiatives de résolution de conflit
avec lesquelles jongle Olmert. Elle inclut des conversations avec
la Syrie, la négociation d’un échange de prisonniers avec le
Hezbollah, une offre de discussions de paix avec le Liban en ce compris
le litige sur les fermes de Shebaa [1]
et bien sûr les voies de négociation de paix et d’établissement
de la confiance avec la direction palestinienne à Ramallah. Il est
facile de brocarder certaines de ces initiatives voire l’ensemble
d’entre elles. Ou de les faire passer pour le stratagème désespéré
d’un Premier ministre aux abois, cherchant à apparaître comme
indispensable à une opinion israélienne qui a perdu toute confiance
en lui. Après tout, durant les 17 années écoulées depuis la conférence
de Madrid, des leaders israéliens bien plus solides que lui ont buté
sur la négociation de deux processus de paix simultanés.
Néanmoins, les initiatives parallèles
d’Olmert projettent l’image d’un Israël recherchant activement
la paix et le compromis avec tous ses voisins, sans exception. Il
ne nous faudrait pas la prendre à la légère. Même si nous ne sommes
pas à la veille d’une vague d’accords de paix, l’amélioration
de l’atmosphère régionale pourrait faciliter pour Israël le traitement
direct de problèmes plus lointains et plus existentiels, comme
l’Iran.
D’autre part, le cessez-le-feu revêt
une importante dimension stratégique sur un plan militaire. Il offre
une pause qui pourrait faciliter l’effort d’Israël pour contrecarrer
le nouveau type d’armements imposé par le Hamas et le Hezbollah
- des acteurs non étatiques fondant leurs tactiques terroristes sur
des roquettes. Si, d’ici six mois, les armes anti-missiles actuellement
en cours de développement commencent à devenir opérationnelles,
la pause actuelle aura été bienvenue en termes militaires.
En fin de compte reste la question
des relations futures d’Israël avec le Hamas. A côté de
l’attente, de part et d’autre, d’un regain de violence, certains
faits nouveaux se sont imposés sur le terrain. Malgré leurs dénégations
mutuelles, les deux parties ont « négocié »
activement, d’abord un cessez-le-feu, et maintenant un échange
de prisonniers et sur leurs relations économiques. Et, pour le
Hamas, l’instauration d’un cessez-le-feu constitue plus ou moins
une mise en conformité avec l’une des trois conditions posées
par le Quartet, à savoir l’arrêt de la violence. D’ores et déjà,
certains membres du Quartet se déclarent prêts à initier des contacts
avec lui.
Un dialogue étendu Israël-Hamas
serait-il désormais possible, portant sur des questions plus substantielles
comme la reconnaissance et les modes de coexistence ? Les chances
en sont minimes. Mais il est certainement davantage possible aujourd’hui
que voici une semaine. Beaucoup dépendra des leaders du Hamas. Persisteront-ils
à prêcher la destruction d’Israël ? Ou bien commenceront-ils
à répondre positivement aux initiatives des tierces parties leur
demandant de s’asseoir aux côtés d’Israéliens de haut niveau
prêts à explorer un modus vivendi à long terme ?