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Les amis belges de Shalom Arshav

Incidents de Hébron : le vrai perdant
Yossi Alpher


Yossi Alpher

Bitterlemons 44 - 15 décembre 2008

Les forces de l’ordre israéliennes ont expulsé des colons extrémistes de l’immeuble qu’ils occupaient à Hébron. Par représailles, ceux-ci se sont répandus dans la ville arabe, y semant violence et terreur. L’Autorité palestinienne est le vrai perdant de cette affaire, pour n’avoir pu assurer la sécurité de la population palestinienne. Et les partisans d’une force internationale en Cisjordanie auront à inclure dans ses missions l’évacuation forcée des colons. NdT

L’évacuation forcée d’un bâtiment litigieux, à Hébron voici dix jours, de quelques centaines de jeunes colons incontrôlés n’était malheureusement pas de la part de l’establishment israélien le signe d’un tournant quant à sa tolérance envers le projet de colonisation en Cisjordanie. Les circonstances de cette évacuation étaient trop particulières. Il n’existe non plus aucun leader israélien en exercice assez courageux pour surmonter sa peur des colons et reconnaître les dégâts qu’ils occasionnent. Un leader qui ose une campagne résolue pour les empêcher de détricoter le statut d’Israël comme Etat démocratique et juif. Car les colons, apparemment, cherchent coûte que coûte à saborder toute chance de solution à deux Etats.

En vérité, à Hébron, la police, les garde-frontière et l’armée ont prouvé l’amélioration de leurs capacités à investir, avec un minimum de dommages matériels et corporels, un immeuble litigieux et à en expulser ses jeunes squatters violents, messianiques et incontrôlables, pour la plupart issus de l’indisciplinée « jeunesse des sommets [1]. » C’était la première action de ce type depuis le fiasco de la destruction de sept édifices dans l’avant-poste illégal d’Amona, voici plus de deux ans. L’opération occasionna des blessés graves, provoquant une réaction violente des colons. Elle dissuada le gouvernement Olmert de tenter d’autres évacuations d’avant-postes. Hébron rétablit la confiance dans la capacité des services de sécurité à procéder à de telles expulsions. Il est pathétique toutefois d’avoir à féliciter les forces de l’ordre pour une opération aussi élémentaire.

Tout comme nous ne devrions pas exagérer les louanges envers l’establishment politique. Après tout, la campagne électorale en cours facilite la vie au ministre de la Défense Ehud Barak. Il a réussi à présenter l’opération Hébron comme une heureuse surprise des points de vue politique et opérationnel. Or Israël possède un gouvernement en affaires courantes. Sur un plan constitutionnel, il ne peut être démis pour aucun de ses actes. Barak aurait ordonné l’évacuation en temps ordinaire, le Shas aurait probablement fait chuter la coalition. Donc son show viril contre une frange de la population où il ne compte vraisemblablement aucun électeur doit être pris avec un grain de sel.

Mais il y a pire. Où se trouvait le fort contingent de forces de l’ordre israéliennes déployé à Hébron quand les colons extrémistes répliquèrent à l’évacuation en saccageant les quartiers arabes de la ville, de loin sa partie la plus importante, incendiant maisons et véhicules, tirant et caillassant [2] ? Il était de notoriété publique que les colons extrémistes avaient « fixé un tarif » pour tout acte de l’Etat dirigé contre eux. Les violences et les déprédations de mosquées et de cimetières musulmans avaient débuté dès avant l’évacuation. On leur permit de se poursuivre un jour ou deux après, pas seulement à Hébron, mais aussi ailleurs en Cisjordanie.

D’où, tant les colons extrémistes que les forces de sécurité peuvent chacun prétendre avoir « marqué des points. » D’autre part, le courant majoritaire des colons en a perdu lui, des points, - ces dizaines de milliers de résidents de Cisjordanie qui grognent contre les déchaînements de la jeunesse des sommets et de leur petit millier de colons alliés, mais n’ont jamais levé un doigt contre eux ni contre leur idéologie messianique -, tout comme le nombre toujours croissant des Israéliens dégoûtés par l’entreprise d’implantations dans son ensemble.

Mais Hébron a fait un seul vrai perdant : le gouvernement modéré de l’Autorité palestinienne (AP) et les forces de sécurité qu’il a, avec l’assistance américaine, européenne et jordanienne, entraînées et déployées sur toute la Cisjordanie. Tandis que les Juifs sillonnaient et saccageaient les rues qu’il patrouille d’habitude, le bataillon de Hébron de ces forces fut contraint à rester passif pour ne pas violer son mandat en affrontant des citoyens israéliens.

Les performances de ces forces à Jénine, Naplouse et Hébron avaient jusqu’ici recueilli les louanges généralisées des Arabes, des Israéliens et de tierces parties. Ils considèrent leur déploiement comme une mesure majeure de confiance et un élément de construction en vue d’éventuels accords politiques. Après les événements de Hébron, leur succès est devenu beaucoup plus difficile à soutenir. Le Hamas en était à l’évidence conscient quand il a repris ses attaques de roquettes Qassam depuis Gaza contre Israël. Il pouvait faire par là d’une pierre deux coups : montrer sa solidarité avec les Arabes de Hébron et embarrasser les forces de sécurité de l’AP.

Jusqu’ici, il était convenu (entre autres dans la phase I de la Feuille de Route) que l’édification de la sécurité palestinienne et le démantèlement d’implantations et d’avant-postes israéliens devaient intervenir plus ou moins simultanément. Jusqu’à dernièrement ce ne fut pas le cas : si les forces de sécurité palestiniennes ne se sont pas attaquées au terrorisme, elles ont au moins restauré la loi et l’ordre dans les villes de Cisjordanie ; Israël, de son côté, n’a démantelé aucun avant-poste significatif.

Il nous faut aujourd’hui conclure que, tant que les colons resteront alentour, l’on ne peut attendre des forces de l’ordre palestiniennes qu’elles assurent une authentique sécurité, au sens de protéger les civils palestiniens eux-mêmes. Ce constat suppose de modifier en profondeur l’ordre des priorités dans la séparation entre Israéliens et Palestiniens en Cisjordanie, étape vers une solution à deux Etats. Il faut commencer par évacuer les colons. Sinon, aux yeux du peuple palestinien, l’entreprise tout entière d’édification de la sécurité palestinienne pourrait perdre beaucoup de sa crédibilité.

Toutefois, pour évacuer les colons d’abord, ou pour que cette mesure soit seulement durable, un ou deux facteurs s’imposent. Soit un leader israélien émergera, avec assez de courage et de soutien politique pour ne pas redouter un nouvel « Altalena » - un autre conflit avec des Juifs extrémistes au risque de répandre du sang juif, comme fit David Ben Gourion en 1948 en coulant devant la plage de Tel-Aviv un navire de l’Irgoun chargé d’armes. Soit les partisans d’une force internationale pour réaliser une solution à deux Etats devront définir les missions de cette force de sorte à y inclure l’expulsion de colons qu’Israël a installés... mais se montre incapable de faire déguerpir.

[1] Mouvement radical de jeunes colons messianiques. Ils installent des avant-postes sauvages, en général des caravanes, sur les sommets de collines (d’où leur nom) en terres palestiniennes. Ils créent de la sorte des faits accomplis, grignotant petit à petit la Cisjordanie au détriment de ses propriétaires palestiniens. NdT.

[2] Voir dans Kol Shalom - A.ISSACHAROFF Pogrom, pas d’autre mot pour désigner les actes des colons à Hébron - Haaretz - 04.12.2008.

Source : http://www.bitterlemons.org

Traduction Kol Shalom

Publié le 24 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de Kol Shalom.



Source : Kol Shalom
http://www.shalomarchav.be/...


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