Bitterlemons 14 - 7 avril 2008
La sécurité et les implantations
se situent au cœur des problèmes de la phase I de la Feuille de
Route. Ils ont dominé la visite de la Secrétaire d’Etat
Condoleezza Rice la semaine dernière. La direction palestinienne
de Cisjordanie avec qui Israël négocie ne peut guère se vanter
d’avoir améliorer la sécurité. Mais au moins s’y essaie-t-elle
sincèrement. Le gouvernement Olmert, de son côté, ne déploie pas
autant d’efforts, en particulier quant aux colonies. Et les
colonies constituent le principal obstacle à la sécurité.
A l’occasion de la visite de
Rice, le ministre de la Défense Ehud barak a cédé à la pression
américaine. Il a lâché quelques modestes concessions. Celles-ci
incluent le déploiement en Cisjordanie de 25 blindés
transporteurs de troupes pour la force de sécurité palestinienne
et d’environ 700 policiers palestiniens à Jénine, la levée d’un
check-point près de Rimonim à l’Est de Ramallah et l’ouverture
de 50 barrages routiers empêchant les déplacements entre les
villages et les routes principales. Ceci représente le minimum
de ce que, semble-t-il, Barak pense que les Forces de Défense
d’Israël (FDI) peuvent mettre en œuvre.
Vues en termes de sécurité, les
hésitations de Barak et des FDI sont compréhensibles. Prenez le
cas de Naplouse (la Sichem biblique), une ville de près de
200.000 habitants. Le Hamas la contrôle largement. On la
considère comme le principal vivier terroriste en Cisjordanie.
Le dédale souterrain de l’ancienne ville romaine et les quatre
camps locaux de réfugiés abritent des ateliers de fabrication de
bombes. De hautes et impressionnantes collines entourent
Naplouse. Quelques check-points suffisent aux FDI pour contrôler
quasiment tout le trafic automobile et piéton, entrant comme
sortant. Des postes d’observation et des patrouilles permettent
de détecter assez aisément les véhicules qui tentent de
contourner les check-points par les chemins de montagne. Le
niveau d’alerte terroriste autour de Naplouse est si élevé que
chaque piéton quittant la ville se voit vérifier sa carte
d’identité et passer au détecteur de métaux. Par contre les
piétons quittant Qalqiliya ne sont pas contrôlés - une autre
ville pourtant elle aussi au pouvoir du Hamas et, de plus,
contiguë de la ligne verte [ligne de démarcation avec Israël].
Les officiers des FDI en charge
des check-points aux environs de Naplouse et d’autres villes
palestiniennes en Cisjordanie sont bien conscients de l’énorme
controverse internationale que suscitent contrôles et barrages
routiers. Mais ils se sentent fiers de l’excellent taux
d’interception de terroristes infiltrés vers Israël même. Il
leur répugne de le compromettre en relâchant un réseau de
barrières de sécurité dont ils croient que, lorsqu’il est couplé
à du renseignement hautement sophistiqué, il fonctionne
efficacement. De manière réaliste, ils admettent que le système
de check-points désespère la population palestinienne. Cela
engendre de nouveaux terroristes. Mais, estiment-ils, il
contribue à en éliminer un nombre encore supérieur. Pour eux et
pour l’opinion israélienne, des attaques suicides perpétrées à
l’intérieur d’Israël - lancées presque certainement depuis
Naplouse - auraient totalement détruit les modestes résultats du
processus de paix engrangés jusqu’ici.
Dès lors, que peut-on accomplir
pour réduire l’effet désastreux des check-points sur la vie et
la liberté de mouvement et de commerce palestiniennes ?
L’introduction d’innovations technologiques telles que le
contrôle biométrique commence à accélérer le passage aux
check-points. Elles allègent le fardeau humanitaire imposé par
les restrictions israéliennes. Le déploiement d’une police
palestinienne à Naplouse et, bientôt, à Jénine peut améliorer le
climat. Quoique les FDI sont convaincues qu’elle combattra la
délinquance de droit commun, non le terrorisme. Et, comme l’ont
récemment proposé des experts en sécurité, les FDI pourraient
envisager de remplacer des check-points particulièrement
intrusifs, comme celui de Hawara au Sud de Naplouse, qui bloque
la très importante route 60 vers Ramallah, par des équipes
volantes établissant, selon les besoins, des check-points
mobiles.
Mais le principal obstacle au
démantèlement ou à la restructuration des check-points et des
barrages routiers n’est pas d’ordre militaire. Ce sont, et de
loin, les colonies. Elles entravent l’effort palestinien et
international vers une économie et une organisation
administrative viables en Cisjordanie. Selon de hauts
responsables des FDI, quelque 50 pour cent de toutes les actions
terroristes en Cisjordanie sont dirigées contre la présence des
colons. De plus, le trafic routier de ceux-ci via les passages
dans la barrière de sécurité, pour aller travailler en Israël
même, constitue le maillon le plus faible de tout le réseau
sécuritaire en Cisjordanie. Il est impossible pour les FDI de
contrôler sérieusement les milliers de véhicules sous licence
israélienne qui accomplissent ce trajet quotidiennement. Et les
conducteurs de ces véhicules, qu’ils soient Israéliens arabes ou
juifs, peuvent convoyer à volonté des travailleurs illégaux vers
Israël. Parmi ces travailleurs se dissimulent éventuellement, et
inévitablement, un terroriste ou deux.
En d’autres termes, démanteler
les implantations au-delà de la barrière de sécurité et achever
cette barrière (finition retardée précisément à cause des
implantations) faciliterait de manière spectaculaire les tâches
sécuritaires des FDI. Cela rendrait superflus beaucoup de
check-points et de barrages routiers. D’ici là, Barak et
l’establishment militaire israélien se battront bec et ongles
pour maintenir en place l’actuel système de sécurité en
Cisjordanie.
Tout ramène aux implantations. A
ce sujet, plutôt que de se conformer à ses obligations
internationales (stopper la construction d’implantations
nouvelles, démanteler les avant-postes et colonies sauvages), la
coalition Olmert s’empêtre dans ses démons familiers. Elle
s’accroche à tout prix à une stabilité gouvernementale
soi-disant nécessaire pour progresser vers la paix tout en
alimentant une dynamique d’implantations qui obstrue et sabote
une solution à deux Etats.
L’échec du gouvernement Olmert à
contrer sérieusement le mouvement de colonisation fournit la
meilleure preuve de la futilité du processus de paix actuel. Vu
la claire conscience qu’a Olmert du danger authentique que les
excès des colons font courir à l’avenir d’Israël comme Etat juif
et démocratique, cette impuissance est à bien des égards bien
plus préoccupante que les échecs palestiniens en matière de
leadership et de sécurité, et l’absence d’un réel investissement
américain dans ce processus.