Israël se trouve dans une
situation inédite du point de vue tant de sa propre histoire
politique que du processus de paix israélo-arabe. Le Premier
ministre Ehud Olmert a démissionné. Des élections sont prévues
le 10 février 2009. Elles trouvent Israël aux prises avec deux
processus de paix, l’un avec l’OLP, l’autre avec la Syrie.
Olmert, qui ne se présente pas à sa propre succession, a
manifesté l’intention de continuer à négocier sur les deux
fronts.
L’effet des négociations en
cours sur les élections à venir préoccupe moins, semble-t-il, le
non-candidat Olmert que son propre héritage politique. Ou alors,
peut-être, songe-t-il à son comeback à long terme, une fois ses
ennuis judiciaires oubliés. Quoi qu’il en soit, il est certain
que lui et ses décisions liées au processus de paix influeront
sur ces élections. Tout résultat ou revers dans les
conversations des mois à venir avec l’OLP comme avec la Syrie
renforceront ou au contraire entraveront les campagnes
électorales respectives de Tzipi Livni, Ehud Barak, Binyamin
Netanyahu et des petits partis sectoriels de gauche et de
droite. C’est particulièrement préoccupant pour Livni,
successeur désignée d’Olmert au parti Kadima. Clairement, Olmert
ne la soutient pas et quant à la paix, elle promeut un ensemble
de principes qui ne coïncident pas nécessairement avec les
siens.
Les parties d’en face, OLP et
leadership syrien, ne peuvent non plus se sentir libres de
négocier avec Olmert et en ignorer les implications politiques
sur leurs futures relations avec Israël. Olmert est un canard
boiteux, un leader sur le départ. Le soutien de son propre parti
lui fait défaut, et encore davantage celui de la Knesset.
Mais, tant que les deux pistes
du processus de paix resteront ouvertes, trois facteurs
supplémentaires resteront significatifs dans les mois à venir.
L’un est la coïncidence entre les processus électoraux en Israël
et aux Etats-Unis. L’identité du prochain Président américain [1]
et ses orientations politiques prévisibles pourraient
sensiblement influencer le vote des Israéliens. Tout comme
d’ailleurs, la manière dont Olmert conduira les négociations de
paix. En particulier, l’élection de Barack Obama, prélude à un
possible rôle américain plus actif dans les affaires
israélo-arabes, pourrait influencer le vote comme les
négociations dans un sens favorable à la paix.
Les événements en Palestine
constitueront un second facteur pertinent. Si aucune élection
n’est prévue en Palestine, janvier prochain pourrait voir des
désordres. Le cessez-le-feu Hamas-Israël arrive à son terme et
le Hamas pourrait à nouveau affronter le Fatah. De nouvelles
violences entre Israéliens et Palestiniens, voire des
Palestiniens entre eux pourraient pousser certains électeurs
israéliens dans les bras de la droite. D’autre part, un
rapprochement Fatah-Hamas, concocté par l’Egypte durant les
semaines à venir, placerait les décideurs israéliens devant des
choix difficiles quant à l’identité de leurs partenaires
palestiniens de négociations.
Les différentes chances de
succès des deux pistes, la palestinienne et la syrienne,
constituent un dernier facteur à prendre en compte. Le processus
d’Annapolis, entamé voici un an par trois leaders affaiblis,
Olmert, Abbas et Bush, n’a jamais eu beaucoup de chances de
réussite. Et, apparemment, il n’a guère enregistré de progrès.
Par contraste, le processus israélo-syrien, sollicité à
l’origine par Assad et avalisé par les services de sécurité
israéliens, a acquis élan et soutiens par son incidence sur des
questions stratégiques régionales plus larges comme l’Iran, le
Liban, le Hezbollah et le Hamas. Pour autant qu’il le désire, la
piste syrienne offre aux tentatives d’Olmert les perspectives
les plus favorables pour créer, d’une manière ou d’une autre, un
fait accompli sur la voie de la paix.
Les précédents existent de
Premiers ministres israéliens en sortie de mandat qui
négocièrent jusqu’à la dernière minute. Ainsi Yitshak Shamir à
Washington en 1992 et Ehud Barak à Taba en 2001. A la différence
d’Olmert, tout deux étaient en lice pour leur réélection. Barak,
en particulier, perdit les voix d’Israéliens qui soutenaient
qu’il ne possédait plus de mandat pour poursuivre des
négociations.
Il va de soi que, tant le
Président palestinien Mahmoud Abbas que le Président syrien
Bashar Assad, tout en se réjouissant des contacts en cours avec
Israël, éviteront de souscrire avec Olmert à des engagements
définitifs. Ils finiraient par embarrasser tout le monde. En
cette conjoncture critique, s’obstiner à poursuivre des progrès
sérieux avec le Premier ministre israélien sortant expose à des
déboires. Les partenaires palestiniens et syriens des
négociations avec Olmert devraient y être attentifs. Si, en
attendant l’arrivée d’un nouveau gouvernement à Jérusalem,
Olmert lui-même ne comprend pas ou refuse la nécessité de
limiter les négociations à expédier les affaires courantes,
alors Abbas, Assad et le prochain Président américain devraient
le faire.