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Les amis belges de Shalom Arshav

Indépendance unilatérale à la kosovare ? Une certaine pertinence pour la Palestine
Yossi Alpher


Yossi Alpher

Malgré les grandes différences de situation, une déclaration unilatérale d'indépendance palestinienne, similaire à celle du Kosovo, soulève quelques questions intéressantes et pertinentes pour le cas israélo-palestinien et ses impasses actuelles. Elle constitue un fait accompli. Elle pourrait entraîner une implication européenne accrue ou une dynamisation de l'initiative de paix régionale arabe. Elle pourrait catalyser des négociations ultérieures.

Bitterlemons 9 - 3 mars 2008

Si les actuelles négociations de paix israélo-palestiniennes échouent - à l'heure où j'écris ces lignes, les Palestiniens les ont suspendues pour protester contre la riposte militaire d'Israël aux tirs de roquettes depuis Gaza - les leaders de Ramallah possèdent, semble-t-il, diverses options. Ils peuvent lancer une troisième Intifada en Cisjordanie. Ils peuvent demander à la communauté internationale d'imposer à Israël une solution à un seul Etat binational. Et ils peuvent proclamer l'indépendance.

Le Président palestinien Yasser Arafat envisagea cette dernière option durant les moments les plus difficiles du processus de paix d’Oslo. Il la rejeta. La voici qui ressuscite par la voix du membre de l’Exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) Yasser Abed Rabbo, ainsi que celles d’autres personnalités palestiniennes. Leur inspiration vient du Kosovo. Ils préconisent de déclarer l’indépendance dans les frontières du 4 juin 1967. Elle ferait levier pour galvaniser les soutiens arabe et international.

Les différences entre le modèle kosovar et une déclaration unilatérale d’indépendance palestinienne sont nombreuses. Elles sont aussi substantielles. Isolons-en trois, les plus évidentes. Primo, le leadership palestinien installé à Ramallah ne contrôle pas la Bande de Gaza, ni de grandes parts de la Cisjordanie. A la veille de l’indépendance, les Kosovars, eux, maîtrisaient la totalité de leur territoire avec l’aide d’une force internationale. Secundo, le leadership israélien est favorable à une solution à deux Etats fondée sur les lignes du 4 juin 1967, là où la Serbie considère avec insistance le Kosovo comme partie intégrante d’elle-même. Et tertio, l’OLP a déjà par le passé déclaré son indépendance, en 1988. Elle jouit d’une représentation diplomatique auprès des nations du monde, même si cet acte n’a produit pour la cause d’un authentique Etat palestinien que des effets limités.

Dans ces circonstances, un élan palestinien vers une (nouvelle) déclaration d’indépendance risque d’être perçu surtout comme désespéré et pathétique plutôt que comme héroïque et triomphant. Abed Rabbo le reconnaît lui-même. Son adoption de l’idée vise largement à stimuler les négociations à deux Etats, actuellement improductives. Elle vise aussi à couper l’herbe sous le pied à certains de ses compagnons qui réclament la solution d’un Etat unique bi-national. Néanmoins, la déclaration kosovare d’indépendance soulève quelques questions intéressantes et pertinentes pour le cas israélo-palestinien.

L’une est le fait que, du point de vue serbe, il s’agit d’une solution imposée. Comme avertissait le ministre serbe des Affaires étrangères Vuk Jeremic (International Herald Tribune - 28.02.2008) : « Reconnaître la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo rend légitime la doctrine des solutions imposées pour résoudre les conflits inter-ethniques. » Inutile de le préciser, c’est l’abominable comportement de la Serbie à l’encontre des Kosovars, des années durant, qui a conduit les Occidentaux à imposer cette solution. De son côté, Israël a constamment évité toute situation similaire dans son conflit avec les Palestiniens. Mais certains Arabes, certains Israéliens et d’autres insistent pour faire valoir que la seule solution praticable à notre conflit serait une solution imposée. Le modèle kosovar leur fournira des arguments.

Le rôle de l’Union européenne (UE) constitue un second domaine pertinent issu du modèle kosovar. En effet, l’UE tente de saisir simultanément et le Kosovo et la Serbie. Elle leur fait valoir les énormes avantages qu’il y a pour chacun à résoudre leur conflit dans un contexte d’intégration européenne. Car celle-ci offre prospérité économique et réduction du sens des frontières nationales, joints à un apaisement des conflits inter-ethniques. Ici aussi, des Arabes et des Israéliens envisagent la solution au conflit israélo-palestinien sous un tel angle. Ils relèvent que, en dépit de ses embarras avec la Turquie, l’UE est impatiente d’absorber le Kosovo musulman. Ce précédent pourrait accélérer l’adhésion de pays non-chrétiens supplémentaires.

Dans les circonstances présentes, une solution du conflit israélo-palestinien au sein de l’UE apparaît farfelue. Mais la Ligue arabe a d’ores et déjà adopté la notion de solution régionale. C’est l’initiative de paix arabe. Des voix se sont récemment élevées pour menacer de l’annuler. On espère que la Ligue tirera encouragement du modèle kosovar pour poursuivre son plan de manière plus active.

Enfin, le drame du Kosovo n’est pas clos. La ligne de partage imposée à la Serbie est inacceptable pour ce pays, largement à cause de sa mémoire historique, celle de la bataille de Kosovo perdue par les Serbes face aux Ottomans en 1448. Le site de cette bataille est un petit secteur du Kosovo, contigu de la Serbie et fortement peuplé de Serbes. Avant la proclamation d’indépendance, Serbes et Kosovars on refusé de discuter d’une partition du Kosovo qui satisfasse le récit national serbe. En débattre maintenant pourrait être une manière de sortir de l’impasse créée par le fait accompli.

En d’autres termes, une solution unilatérale qui laisse une des parties aussi désespérée que le sont les Serbes peut seulement apparaître comme le prélude de négociations et de compromis ultérieurs. Et ceci sonne comme un message très parlant aux oreilles israéliennes et palestiniennes.

Traduction Kol Shalom

Yossi Alpher est codirecteur de bitterlemons.org et bitterlemons-international.org. Il est ancien directeur du « Jaffee Center for Strategic Studies » et ancien conseiller principal du Premier Ehud Barak.

Publié le 13 mars 2008 avec l'aimable autorisation de Kol Shalom.



Source :  Kol Shalom  
http://www.shalomarchav.be/...


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