A Gaza et à ses alentours,
nous affrontons une situation potentiellement meurtrière. En
parallèle les postures politiques deviennent de plus en plus
volatiles. Israël est en campagne électorale. Le futur du
Président palestinien est incertain. L’Egypte refuse d’encore
mettre le doigt dans l’engrenage gaziote. Parce que seul le
Hamas a défini une stratégie claire dans ce conflit, ce sont
probablement ses actions qui détermineront en définitive quel
scénario s’imposera à nous.
A Gaza et à
ses alentours, nous affrontons une situation potentiellement
meurtrière. Sauf si Israël et le Hamas négocient des
prolongations, le cessez-le-feu actuel arrive à son terme d’ici
environ deux semaines. Dix jours de combats, le mois dernier,
ont montré à quel point les deux parties peuvent à nouveau
basculer dans l’affrontement armé. En parallèle les politiques,
tant israélienne que palestinienne, deviennent de plus en plus
volatiles. Gaza s’y signale surtout comme l’arène où des
politiciens ambitieux et même impitoyables peuvent apparemment
prouver leur courage aux électeurs.
Israël s’engage dans une
campagne électorale où le ministre de la Défense Ehud Barak
concourt à la tête d’un parti, tandis que l’ex-chef d’un autre
parti, le bientôt inculpé Premier ministre Ehud Olmert, reste au
pouvoir. Lui n’a rien à perdre ni aucun compte à rendre. A en
juger par son plaidoyer en faveur de la retenue, Barak, aux
abois et dont la cote a dégringolé dans les sondages, ne
souhaite pas, et monter au front électoral, et en même temps
combattre à Gaza. En parallèle, Olmert apparaît de plus en plus
capable de négocier un échange de prisonniers avec le Hamas, via
une médiation égyptienne. Des centaines de terroristes aguerris
seraient libérés contre un unique soldat israélien. La
popularité du Hamas s’en verrait décuplée dans le monde arabe en
général et parmi les Palestiniens en particulier.
A la droite extrême du spectre
politique israélien, des politiciens belliqueux du Likoud et de
Yisrael Beitenou en appellent à un durcissement envers Gaza -
une approche que, toutefois, ils hésiteront à appliquer s’ils
étaient élus et accédaient au pouvoir.
Côté palestinien, le futur du
cessez-le-feu de Gaza interagit avec le futur problématique du
Président Mahmoud Abbas. Restera-t-il en fonction après le 9
janvier, [fin de son mandat,] et le Hamas le reconnaîtra-t-il
encore après cette date ? Ou bien celui-ci désignera-t-il son
propre Président palestinien ? Si, comme Abbas l’a laissé
entendre récemment, sa confrontation constitutionnelle avec le
Hamas débouche sur de nouvelles élections législatives et
présidentielles palestiniennes, ce développement pourrait
affecter en profondeur le cessez-le-feu de Gaza. Car, au cas où
le Hamas accepterait les nouvelles élections et coopérerait à
leur organisation à Gaza comme en Cisjordanie, il souhaitera
vraisemblablement prolonger le calme relatif actuel. Si, au
contraire, il rejette la décision d’Abbas, il préférera sans
doute relancer le conflit avec Israël, comme toile de fond de la
confrontation intra palestinienne en cours.
Voilà pour la politique.
L’arrière-plan stratégique plus large sur lequel se profilent
tous ces scénarios et spéculations est, lui aussi, assez sombre.
Pour sa part, le Hamas sait ce qu’il veut : prendre le pouvoir
en Cisjordanie comme il l’a fait à Gaza et, pourquoi pas, sur
toute la Palestine mandataire, étape de la révolution islamiste
mondiale. En attendant, il est prêt à un modus vivendi à long
terme avec son plus puissant voisin, Israël, mais uniquement si
celui-ci accepte des conditions draconiennes, comme un droit au
retour général [des réfugiés], destinées à l’affaiblir jusqu’au
jour de sa chute finale.
Par contraste, aucun des voisins
du Hamas n’ont défini de stratégie praticable pour traiter la
situation à Gaza. Une conquête militaire complète serait trop
coûteuse pour Israël. Il ne possède aucune stratégie de sortie.
L’Egypte ne désire nullement réoccuper ce territoire comme entre
1948 et 1967. L’OLP établie en Cisjordanie vient à peine de
constituer une force militaire, dont il n’est pas exclu qu’elle
puisse, un jour, reprendre la Bande de Gaza, grâce à des
connivences israéliennes toujours problématiques.
Entre-temps, le boycott
économique, appliqué par Israël avec le soutien de l’OLP, de
l’Egypte et de la communauté internationale, a échoué à produire
les résultats politiques escomptés, et cela en dépit
d’inacceptables épreuves humanitaires infligées aux populations.
De plus Israël refuse de discuter avec le Hamas, non seulement
parce que celui-ci ne lui parlera pas en termes raisonnables,
mais parce que des contacts politiques Israël-Hamas couleraient
les ultimes chances d’un processus de paix à deux Etats avec
Abbas en Cisjordanie.
D’où, les mois à venir nous
confrontent aux deux seuls scénarios envisageables : soit le
cessez-le-feu persiste, quoique de manière instable et
provisoire, soit on en revient à un conflit limité où, dans un
rayon toujours plus large, le Hamas tire des roquettes sur des
villes et des villages israéliens, tandis qu’Israël riposte par
des coups douloureux mais sans prétendre mettre fin aux combats
ni résoudre le problème. Le premier scénario servira les
perspectives politiques des modérés, Palestiniens comme
Israéliens. Le second donnera du grain à moudre aux faucons des
deux bords.
Hélas, parce que seul le Hamas a
défini une stratégie claire dans ce conflit, ce sont
probablement ses actions qui détermineront en définitive quel
scénario s’imposera à nous.
Source :
http://www.bitterlemons.org