Les innocentes victimes ont trouvé le
repos éternel dans un monde médiatique
où un président xénophobe récolte un
gain politique à partir d’un vil
mélodrame, tandis que dans le même temps
que notre premier ministre, avant même
que le sang ait été lavé sur le pavé,
s’est empressé de le mettre en tête de
son ordre du jour.
La forte relation entre Tel Aviv et
Paris est plus vieille que l’état. Le
poète Natan Alterman et le critique
d’art Haim Gamzu, le poète et traducteur
Avrham Shlonsky et les « Canaanites »,
respiraient tous la France, des années
avant la création de l’état. Et depuis
les années 50, cette relation est
devenue envahissante avec une dimension
différente, que n’ont pas seulement
représentée le dramaturge Nissim Aloni,
l’écrivain Amos Kenan ou l’artiste Yossi
Bana.
Les absurdités qu’on dégueule ici
depuis les meurtres de Toulouse, la
semaine dernière, fait l’effet, entre
autre, du recyclage de cette même amitié
– depuis l’époque où Guy Mollet, premier
ministre socialiste français des années
50, opprimait les Algériens et
s’associait simultanément avec les
leaders israéliens David Ben Gourion,
Moshe Dayan et Shimon Peres pour
s’emparer du canal de Suez.
A l’époque, Reviyat Hamoadon chantait
joyeusement « Longue vie à la France et
à Israël/ Il n’y a plus de différence
entre nous » sur un air des Frères
Jacques. On était submergé d’armes ; la
guerre en Algérie avait créé ce
sentiment que « nous sommes tous les
deux dans le même bateau ». Ici, le
président égyptien, Gamel Abdel Nasser
incarnait le mal, et là, l’algérien
Ahmed Ben Bella, le leader de la guerre
d’indépendance, était son frère jumeau.
Les français avaient engagé la guerre
coloniale au nom de la République. Ils
n’ont pas reconnu les atrocités qu’ils
avaient commises, même des années après
la fin de cette guerre. Il suffit de
comparer comment Hollywood s’est
confronté aux horreurs du Vietnam,
presque immédiatement après la guerre
(par exemple « Apocalypse now » de
Francis Ford Coppola), et le mépris
constant des Français pour ce qu’ils ont
fait aux Algériens, pour comprendre
pourquoi le plus éminent vestige de ces
atrocités a nom Jean-Marie le Pen, un
officier (qui fit partie) de l’appareil
qui torturait, négateur de l’Holocauste,
un persécuteur de Musulmans. Des
atrocités commises par une société qui
ensuite ne les a pas passées au filtre
de l’introspection nationale, et qui
sont destinées à faire émerger des
criminels de guerre comme leaders.
L’esprit colonial français n’est
jamais mort, malgré Charles de Gaulle et
son hostilité à l’encontre des
Etats-Unis, son départ de l’OTAN, et sa
forte opposition à la guerre de 1967.
Depuis les années 90 cet esprit colonial
s’est en général recentré sur lui-même,
bien qu’en Libye il y ait eu une
opportunité majeure de s’emparer du
contrôle du pétrole au nom du centre et
de la droite républicaine, qui sont en
train de battre la gauche avec son aide,
et qui sont portés par la vague de haine
pour tout ce qui n’est pas « éclairé »
en d’autres mots les français ou
l’Occident.
Voilà comment la France est devenue
le leader de cette affreuse vague de
racisme européen anti-immigrés. Pas
seulement le Pen. Mais aussi le
président Nicolas Sarkozy. L’homme qui
fut ministre de l’intérieur, et en 2005
a surnommé les manifestants d’origine
africaine ou nord-africaine contre la
pauvreté, de rebuts du genre humain,
celui qui a été plus tard élu à la
présidence avec l’aide de l’incitation
au racisme. Evidemment, pas avant de
déclarer non sans pathos, en octobre
2007 « J’ai changé à Yad Vashem »
Pendant des années l’esprit
colonialiste qu’on appelle en Israël,
non sans hypocrisie, « républicanisme »
a servi aux français à persécuter les
étrangers, même s’ils étaient nés en
France comme ses citoyens. Pendant
longtemps, les Juifs ont servi de
feuille de vigne à ce racisme, parce que
qu’y a-t-il de mieux qu’un rituel
d’holocauste pour transformer « l’autre
» en symbole moral dans la guerre contre
les vrais autres : les Africains et
Nord-Africains. Seulement il n’y a
qu’ici que le feu du colonialisme
éternel rencontre la machine à
propagande israélienne, laquelle est
alimentée par la haine des Musulmans.
On ne sait pas si tous les Français
qui sont sortis de l’ordinaire pour
pleurer les morts, aimaient la barbe du
rabbin, ses vêtements et la kippa des
enfants de Toulouse. D’un autre côté, si
les quatre (victimes) avaient vécu en
Israël, ils auraient été de bons
matériaux pour l’incitation contre le
problème de « l’exclusion des femmes »,
puisqu’ils étudiaient dans des classes
séparées. Le défunt rabbin de Toulouse,
Jonathan Sandler, aurait été,
probablement aussi, harcelé sur la
question de la « productivité et du
service dans l’armée israélienne.
Les innocentes victimes ont trouvé le
repos éternel dans un monde médiatique
où un président xénophobe s’empare
vainement du nom de Yad Vashem et
récolte des profits politiques d’un
drame, quand simultanément notre premier
ministre, qui avant même que le sang ait
été lavé du trottoir, s’est empressé de
le mettre à son ordre du jour, pour que
tout le monde sache que « quiconque
condamne le meurtre d’innocents à Gaza
s’identifie aux assassins de Juifs d’Al-Quaida
»
Une alliance de marchands de sang"
http://www.haaretz.com/opinion/...
(Traduit par Carole SANDREL
pour CAPJPO-EuroPalestine)