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IRIS

La politique étrangère d'Obama sera ouverte d'esprit et... américaine
Vivien Pertusot

Lundi 26 janvier 2009

« Dans ce monde incertain, le temps est venu pour un nouveau commencement, un nouveau leadership américain pour surmonter les défis du XXIe siècle et pour saisir les opportunités que comportent ces défis », déclarait le Président Barack Obama le 1er décembre dernier lors de l’annonce de son équipe de sécurité nationale. L’ancien sénateur de l’Illinois va prendre la tête d’un pays dont l’influence s’est détériorée ces dernières années à cause des politiques de George Bush, jugées désastreuses par une très large majorité de la communauté internationale mais également par l’opinion américaine.

Obama est certes conscient des défis à relever, mais ses opposants dans la campagne – tant pendant les primaires que pendant l’élection générale – l’ont souvent présenté comme trop inexpérimenté. Peut-être pour contrer ses critiques, le prochain commandant en chef a fait le pari de personnalités fortes, décision dont les conséquences varieront selon le modèle de politique étrangère qu’il adoptera. En arrière-plan aussi se joue la grande bataille des nominations aux postes médiatiquement moins exposés, mais stratégiquement tout aussi essentiels.

 

Les modèles de gestion de politique étrangère

 

Kurt Campbell, directeur du think tank Center for A New American Security et futur chargé des questions Asie-Pacifique au Département d’Etat, et James Steinberg, doyen de l’école d’affaires publiques de l’Université du Texas et futur adjoint d’Hillary Clinton, ont publié un peu avant les élections un article dans la revue semi-universitaire The Washington Quarterly abordant les questions de politique extérieure dans la phase de transition présidentielle 1. Ils établissent trois principaux modèles de gestion des affaires étrangères. Le premier concentre les pouvoirs dans le Cabinet, notamment les secrétaires d’Etat et de la Défense, comme c’était le cas sous Dwight Eisenhower avec John Dulles, chef de file de la diplomatie. Le deuxième prévoit le rôle accru du Conseil de sécurité nationale, dont les duos Jimmy Carter avec Zbigniew Brzezinski et Richard Nixon avec Henry Kissinger sont les principaux exemples. Le troisième implique une prédominance du Président, ce qui était le cas sous Franklin Roosevelt.

La place du vice-Président est laissée en suspens. Dans Wreath Layer or Policy Player, Paul Kengor, professeur au Grove City College, montre le rôle accru du colistier depuis la fin de la Guerre froide, mais son influence dépend de sa relation avec le secrétaire d’Etat 2. Ainsi, sous la présidence de George Bush père, le Secrétaire d’Etat James Baker a entravé toute possibilité pour Dan Quayle de jouer un rôle international. A l’inverse, le premier secrétaire d’Etat de Bill Clinton, Warren Christopher, a laissé une grande marge de manœuvre à Al Gore, d’ailleurs souvent considéré comme le plus proche collaborateur de Clinton sur les affaires étrangères.

 

Vers une prédominance du Cabinet chez Obama

 

L’administration Obama devrait probablement opter pour une politique étrangère concentrée autour des deux secrétariats en charge des questions extérieures et de défense. Toutefois, le Président a fait le choix d’une stratégie dont les avantages sont ses pires inconvénients. Campbell et Steinberg énumèrent quatre pools de candidats pour les postes de direction : ceux qui étaient déjà en exercice, c’est le cas du Républicain Robert Gates à la Défense ; ceux qui ont fait partie de la campagne, comme Susan Rice, qui a hérité du poste d’ambassadeur à l’ONU – qu’Obama a élevé au rang de poste de cabinet – ; les « all-stars », qui sont des personnes respectées dans le milieu des affaires étrangères, à l’instar du Général James Jones, futur conseiller à la sécurité nationale ; et ceux qui manquent d’expérience au niveau international, mais qui jouissent d’une imposante stature, rôle qu’Hillary Clinton au Département d’Etat pourrait remplir.

Joe Biden, avide de politique étrangère, a déjà annoncé qu’il servirait son Président, une pique adressée à Dick Cheney, qui s’était constitué son propre conseil de sécurité nationale. Biden sera néanmoins très impliqué dans les décisions de politique étrangère ; c’est une des raisons principales pour lesquelles Obama l’a choisi et la pléthore de dossiers épineux exige de s’engager à plusieurs.

A suivre le modèle de Campbell et Steinberg, la diversité des nominés d’Obama est donc son meilleur avantage pour éviter l’effet « groupthink » 3, mais également, son pire inconvénient. Il sera fondamental pour le prochain Président de s’affirmer au-dessus de la mêlée, car des dissensions risquent d’émerger entre les différentes équipes sur les stratégies à suivre.

 

Les think tanks : pourvoyeur d’experts

 

Au sein des différents organes, les spéculations vont encore bon train. Ces batailles sont en marge de la couverture médiatique, mais constituent des indices de l’orientation générale de la prochaine présidence. Contrairement à la France où une continuité dans l’administration existe malgré les changements de personnes en charge, aux Etats-Unis, chaque élection donne lieu à un impressionnant chassé-croisé, même si cela reste limité aux postes à moyennes et hautes responsabilités.

Les lieux privilégiés de sélection sont les think tanks, ressources inépuisables d’experts en quête (ou reconquête) de postes gouvernementaux. Barack Obama s’inscrit dans cette tendance. Susan Rice est issue de la prestigieuse Brookings Institution au même titre que Philip Gordon, qui sera en charge des relations avec l’Europe pour Clinton. Un des chefs de l’équipe de transition John Podesta est directeur du Center for American Progress (CAP). James Jones est directeur de l’Atlantic Council of the United States. Kurt Campbell et Michele Flournoy, tous deux du Center for a New American Security (CNAS), font partie de l’équipe de transition sur les questions de défense et de politique étrangère. Dans les nombreuses rumeurs qui courent et postes déjà annoncés, plusieurs think tanks sont récurrents, principalement la Brookings, le CAP et le CNAS, plus proche d’Hillary Clinton. A l’exception du CAP, clairement Démocrate, la Brookings et le CNAS sont indépendants.

Une indépendance à l’image des positions plutôt centristes que le Président a adoptées en politique étrangère et qui décevra les plus enthousiastes de son élection, qui le voyait comme l’homme du changement. Barack Obama n’est-il pas souvent comparé à John Kennedy, celui-là même qui a déclaré en 1963 que « le but de la politique étrangère n’est pas de fournir un exutoire à nos sentiments d’espoir et d’indignation ; c’est de façonner de vrais évènements dans le vrai monde » 4 ?

 

1 Kurt Campbell et James Steinberg, “Managing Foreign Policy and National Security Challenges in Presidential Transitions”, The Washington Quarterly, Vol.31 No.4, Autumn 2008.
2 Paul Kengor, Wreath Layer or Policy Player : the Vice President’s Role in Foreign Policy, Lanham, MD. : Lexington Books, 2000.
3 Irving Janis, Victims of Groupthink : A Psychological Study of Foreign-Policy Decisions and Fiascoes. Boston, MA. : Houghton Mifflin, 1972. Le « groupthink » est un principe selon lequel un groupe, dont les individus partagent les mêmes visions, cherche à minimiser les conflits pour trouver un consensus, ce qui limite le champ des possibles.
4 Discours donné le 26 septembre 1963 à Salt Lake City.

Vivien Pertusot, Assistant de recherche à l’IRIS

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Publié le 27 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.



Source : Affaires Stratégiques
http://www.affaires-strategiques.info/...


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