"Frimas
d'hiver"
GEL
DES ACCORDS DE COOPERATION DE L'UNION EUROPEENNE AVEC ISRAEL ?
Véronique
De Keyser
Dès que
la paix dans le conflit israelo-palestinien semble à portée de
main, elle s'échappe. Malédiction originelle ? Non :
stratégie d'extrémistes, décidés à saborder tout processus de
négociation.
Rappelons
simplement qu'après l'échec de Camp David II Ehmud Barak avait
repris le dialogue avec Yasser Arafat mais la promenade d’Ariel
Sharon sur l'esplanade des Mosquées d'Ariel interrompait
brutalement ce rapprochement et déclenchait la seconde Antifada
et sa spirale de violence.
Il
y a quelques mois, après les élections législatives de janvier
2OO6 qui avaient démocratiquement porté le Hamas au pouvoir,
l’espoir, une fois de plus d’aboutir a une solution durable a
avorté.
Alors
qu’un accord sur le document dit "des prisonniers"
semblait sur le point d'aboutir – accord qui était un pas en
avant puisqu’il reconnaissait implicitement l’Etat d’Israël
et proposait de mettre fin aux attentats sur le sol israélien- le
massacre d'une famille palestinienne sur la plage de Gaza rompait
de facto la trêve du Hamas.
La suite, on la connait: la machine de guerre est lancée
et elle aboutit à la capture des soldats israéliens, à la
" riposte disproportionnée" que fut la guerre du Liban,
et aux opérations sanglantes à Gaza portant les doux noms de
"pluies d'été" ou "nuages d'automne": 25O
morts à Gaza pendant la guerre du Liban, des morts à bas bruit,
principalement des civils et des enfants, 6O morts ce dernier
week-end.
Ce bain de
sang ne peut se comprendre que parce que les négociations sur un
gouvernement d'union nationale étaient relancées avec des
chances d’aboutir. Les
Etats-Unis ne veulent pas de ce gouvernement.et les Israéliens
non plus. Ils l'ont
dit et répété : cela ne changera rien pour eux et cela ne
devrait rien changer dans la politique européenne vis à vis de
la Palestine- en clair cela ne devrait pas aboutir à la reprise
de l'aide européenne. Mais
Abbas a toujours martelé qu’il n’accepterait un gouvernement
d'union nationale que si ce dernier reconnaissait les accords de
paix antérieurs et le droit à la sécurité de l'Etat d'Israël.
Les
attaques sanglantes sur Gaza ce week-end dernier rendent
intentionnellement quasi impossible cet acte de reconnaissance.
Mieux encore. Les
Etats-Unis proposent à Mahmoud Abbas de le soutenir et de
l'appuyer - d'armer les troupes qui lui sont loyales en leur
fournissant des milliers de fusils transitant par l'Egypte.
Pour tirer sur qui? Sur
les Israéliens? Non,
bien sur: sur le Hamas. Une
guerre civile fomentée en toute transparence devant une opinion
européenne muette. A quel jeu mortel joue-t-on?
Ce matin,
à Gaza, nouvelle flambée encore plus meurtrière : près de
vingt civils, dont des femmes et des enfants sacrifiés. Erreur de
tir, semble-t-il ... comme sur la plage de Gaza!
Et la riposte du Hamas ne s’est pas fait attendre :
il n’est plus question de gouvernement d’union nationale et
les attentats suicides vont reprendre. Précisément, ce que le gouvernement israélien
recherchait...
Le
gouvernement israélien s’est allié à l'extrême droite sans
provoquer de convulsion européenne et Xavier Solana a déjà
rencontré le Ministre Lieberman!
Dans une récente discussion avec la ministre des Affaires
Etrangères, Tzipi Livni, le Haut Représentant soulignait
l’excellente collaboration qui les unissait et ajoutait en
paraphrasant Martin Luther King- puisse le rêve devenir réalité.
Mais quel rêve? Le
rêve de Monsieur Lieberman?
Mais ce rêve est notre cauchemar et celui de tout démocrate.
Jamais les
Européens n'ont été aussi présents au Moyen Orient. Jamais nous n'y avons été dépensé autant d'argent,
investi autant d'espoirs. Mais avec quels résultats?
Allons-nous,
après les pluies d'été et les nuages d'automne, écoper des
frimas d'hiver? Exigeons un cessez le feu immédiat !
Et si nous
ne l’obtenons pas, utilisons alors les
instruments de pression dont nous disposons.
L’un d’eux est le
gel des accords de coopération avec Israël.
Ce n'est pas mon souhait, car ce serait sans doute une fois
de plus prendre une population en otage - mais
que faire si les gouvernements deviennent fous et si la diplomatie
est impuissante à les arrêter ?
Véronique
De Keyser
Députée
européenne PSE
Chef
de la mission d’observation de l'Union européenne des élections
législatives en Palestine en 2006
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