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Ha'aretz
Suspecter
en ayant l'air de respecter
Uzi Benziman "En
pratique, la principale attente des Arabes d’Israël n’a pas
été réalisée : personne n’est tenu responsable de la
mort des 13 membres de leur communauté. En outre, il n’y a eu
aucune amélioration dans leur sentiment fondamental que l’Etat
opère une discrimination à leur encontre et les traite en
citoyens de second ordre."
(NdT)
Haaretz, 7
octobre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/910100.html
Version
anglaise : Suspect,
but feign respect
www.haaretz.com/hasen/spages/909974.html
En
janvier 2000, Ami Ayalon, alors chef de la Sécurité générale (Shabak),
déclara aux oreilles d’un groupe d’intellectuels juifs et
arabes, tous citoyens d’Israël, occupés à essayer de formuler
une convention commune qui définirait les rapports entre la
majorité et la minorité à l’intérieur du pays, que la Sécurité
générale ne voyait pas le secteur arabe comme une menace
collective ; « du point de vue du renseignement, nous
ne le considérons pas comme une menace et nous ne partons pas de
l’idée que tout Arabe israélien est une menace potentielle »,
expliqua Ayalon. Par la même occasion, il déclara que la Sécurité
générale avait modifié les procédures de contrôle de sécurité
à l’aéroport et considérait les citoyens juifs et arabes de
l’Etat comme présentant le même niveau de risque. Sept ans
plus tard, la discrimination à l’encontre des citoyens arabes
est toujours là, aussi bien avant de prendre l’avion pour
sortir du pays que lors du retour, de même que se poursuit la
politique discriminatoire à l’égard de l’ensemble du secteur
arabe de la population qui ne cesse d’être considéré comme
une menace pour la majorité juive.
En
octobre 2000, la réaction des autorités de l’Etat d’Israël,
s’appuyant sur les émotions spontanées de presque tous ses
citoyens juifs, avait démontré que cet Etat considérait
effectivement la minorité arabe comme une menace existentielle.
Aux yeux de la majorité juive, la minorité arabe s’était
associée à la population palestinienne des Territoires dans une
Intifada qui menaçait la possibilité même que l’Etat de cette
majorité juive continue d’exister. Pour la conscience de la
population arabe, la réaction du gouvernement – allant jusqu’à
l’emploi de balles réelles et à la mort de 13 personnes
appartenant à la communauté – a fourni la preuve décisive de
l’injustice permanente que l’Etat commet à son égard depuis
sa fondation.
Les
Arabes d’Israël commémorent ces jours-ci les événements
d’octobre 2000. Dans leur conscience, l’oppression dont ils étaient
l’objet et qui s’était illustrée d’une façon si aiguë il
y a sept ans, se poursuit : l’Etat a repoussé leur demande
que les policiers meurtriers soient jugés et il maintient sa
politique de discrimination. Les Arabes d’Israël n’acceptent
pas le point de vue juif sur les circonstances dans lesquelles ont
éclaté les troubles : ils rejettent l’idée qui veut que
quelques-uns de leurs leaders auraient, par leurs incitations,
provoqué ces événements tragiques ; ils rejettent
l’affirmation selon laquelle les manifestations violentes
avaient un caractère d’insurrection populaire menaçant d’ébranler
les fondements du pouvoir ; ils contestent la version de la
police qui est arrivée à la conclusion qu’elle aurait perdu la
capacité d’assurer l’ordre public si elle n’avait pas pris
des mesures extrêmes. Ils voient dans la réaction du pouvoir une
expression du code intérieur qui le dirige dans son rapport à la
minorité arabe : la suspecter en ayant l’air de la
respecter.
La
Commission Or, qui avait mené une investigation sur ces journées
d’octobre 2000, avait recommandé la mise sur pied d’une enquête
devant examiner les circonstances dans lesquelles chacun des
citoyens arabes avait été tué. Cette directive n’a porté
aucun résultat concret : le Département d’Investigation
sur la Police a annoncé, il y a deux ans, qu’il avait entrepris
une enquête mais qu’il avait décidé de fermer les dossiers
d’investigation au motif qu’il n’avait pas réussi à
trouver de preuves incriminant aucun des policiers. Cette décision
a suscité une vague de réactions furieuses qui ont conduit le
conseiller juridique du gouvernement à réexaminer l’affaire
(entreprise non encore aboutie) ; une commission ministérielle
dirigée par Joseph Lapid a avancé ses propres recommandation ;
le gouvernement a approuvé tant les recommandations de la
Commission Or que celles de la Commission Lapid. En pratique, la
principale attente des Arabes d’Israël n’a pas été réalisée :
personne n’est tenu responsable de la mort des 13 membres de
leur communauté. En outre, il n’y a eu aucune amélioration
dans leur sentiment fondamental que l’Etat opère une
discrimination à leur encontre et les traite en citoyens de
second ordre.
Et
effectivement, la manière dont la majorité juive et ses représentants
au sein des structures de pouvoir ont fait face aux troubles
d’octobre 2000 ne peut être interprétée que comme une opération
continue de blanchiment : depuis le refus initial du
gouvernement d’Ehoud Barak d’établir une commission d’enquête
officielle, en passant par le niveau de mise en œuvre des
recommandations de la Commission Or, pour finir par les résultats
de l’enquête détaillée qui était censée déterminer les
responsables des tueries. Sans vouloir ignorer la responsabilité
des émeutiers arabes et quelques uns de leurs leaders dans les débordements
fatals, et sans oublier les gestes (symboliques pour la plupart)
faits par les trois derniers gouvernements pour se concilier la
population arabe, la majorité juive répète les erreurs de ses
prédécesseurs : elle continue de traiter la minorité arabe
avec une indifférence arrogante, préparant ainsi le terrain pour
le prochain affrontement.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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