Il y a tout juste quatre ans, le ministère de
la défense décidait d’entreprendre ce qui paraissait une tâche
élémentaire : établir une base de données exhaustive sur les
colonies. Le général (réserve) Baroukh Spiegel, collaborateur de
Shaul Mofaz, alors ministre de la défense, fut chargé du projet.
Pendant plus de deux ans, Spiegel et son équipe, qui avaient
tous signé un accord de confidentialité, récoltèrent
systématiquement les chiffres, essentiellement auprès de
l’Administration civile.
L’un des principaux moteurs qui expliquaient
cet effort était la nécessité de disposer d’informations
crédibles et accessibles pour contrer les procédures juridiques
entamées par des habitants palestiniens, des organisations pour
les droits de l’homme et des mouvements de gauche qui
contestaient la légalité de la construction dans les colonies et
l’utilisation de terres privées sur lesquelles elles étaient
bâties ou s’étendaient. Ces chiffres, réunis à grand peine,
furent considérés comme de la dynamite politique.
L’establishment de la défense, avec à sa tête
Ehoud Barak, ministre de la défense, refusa obstinément de
publier les chiffres, arguant en premier lieu que leur
publication pouvait nuire à la sécurité de l’Etat ou à sa
politique étrangère. Celui qui sera probablement intéressé par
ces chiffres est George Mitchell, émissaire spécial du président
Barack Obama au Moyen-Orient, qui est venu cette semaine en
Israël pour une première visite depuis sa nomination. C’est
Mitchell qui est l’auteur du rapport de 2001 qui avait conduit à
la formulation de la Feuille de route, laquelle établissait un
parallèle entre l’arrêt du terrorisme et l’arrêt de la
construction dans les colonies.
Récemment, Ha’aretz s’est procuré cette base
de données officielle, la première du genre compilée en Israël
sur les territoires occupés. Ici, pour la première fois, des
informations que l’Etat cachait depuis des années sont révélées.
Une première analyse des données montre que, pour l’immense
majorité des colonies (environ 75%), la construction a été
effectuée, parfois sur une grande échelle, sans les permis
requis ou en contravention avec les permis obtenus. La base de
données révèle également que, dans plus de 30 colonies,
d’importantes constructions d’immeubles publics et
infrastructures (routes, écoles, synagogues, écoles rabbiniques
et même commissariats de police) ont été effectuées en
Cisjordanie sur des terres qui appartenaient à des propriétaires
palestiniens privés.
Il faut souligner que ces chiffres ne
concernent pas seulement les « colonies sauvages », car ces
informations apparaissaient déjà dans le rapport bien connu de
la procureure Talia Sasson, publié en mars 2005 [1],
mais le cœur même de l’entreprise de colonisation. Parmi les
colonies concernées apparaissent d’anciennes colonies
idéologiques comme Alon Shvout (1970, actuellement 3 291
habitants, dont le rabbin Yoel Bin Nun), Ofra (1975, 2 708
habitants dont Yehoshua Mor Yosef, ancien porte-parole de « Yesha »,
le conseil représentatif des colons, et des personnalités
médiatiques comme Uri Elitzur et Hagaï Segal), ainsi que Beit El
(1977, population 5 308 dont Hagai Ben-Artzi, frère de Sara
Netanyahou). Sont également concernées d’importantes colonies
fondées principalement pour des raisons économiques, comme la
ville de Modi’in Illit (1990, 36 282 hab.) ou Givat Ze’ev,
proche de Jérusalem (1983, 11 139 hab.) et des colonies plus
petites comme Nokdim, près de Herodion (1982, 861 habitants dont
le député Avigdor Lieberman).
Les informations que
contient la base de données ne sont pas conformes à la position
officielle de l’Etat telle qu’elle est présentée, par exemple,
sur le site web du ministère des affaires étrangères, selon
lequel "les actions d’Israël relatives
à l’usage ou à l’attribution de terres qu’il administre sont
toutes prises en respectant totalement les règles et les normes
du droit international - Israël ne réquisitionne pas de terres
privées pour construire des colonies".
Du fait que, dans de nombreuses colonies, c’est le gouvernement
lui-même, et en premier lieu le ministère de la construction et
du logement, qui a été responsable de la construction, et que
les nombreuses infractions concernent des infrastructures, des
routes, des bâtiments publics, etc., les données officielles
démontrent également la responsabilité du gouvernement dans la
planification sans aucune retenue et le non-respect de l’Etat de
droit dans les territoires occupés. Par ailleurs, l’ampleur de
ces infractions atteste le dysfonctionnement de l’Administration
civile, organisme chargé de délivrer les permis de construire et
de leur supervision dans les territoires occupés.
Selon les chiffres du Bureau central de
statistiques de 2008, environ 290 000 Juifs habitent les 120
colonies « officielles » et les plusieurs dizaines de « colonies
sauvages » érigées en Cisjordanie depuis 41 ans.
"Rien n’a été fait en
cachette", dit Pinhas Wallerstein,
directeur général du Conseil des colons (Yesha) et personnalité
qui compte dans l’entreprise de colonisation.
"Je ne connais pas un plan [de construction]
qui n’ait été initié par le gouvernement."
Selon lui, si les propriétaires des terres sur lesquelles ont
été érigées les colonies se plaignent et que le tribunal reçoit
leur plainte, les bâtiments de la colonie seront déplacés
ailleurs : "Cela a toujours été la
position de Yesha depuis des années."
On ne le dirait pas à faire un tour dans
plusieurs des colonies où des constructions massives ont été
effectuées sur des terres privées palestiniennes. Des quartiers
entiers bâtis sans permis ou sur des terres privées font partie
intégrante des colonies. Cette impression de dissonance ne fait
que grandir quand on découvre que des bureaux municipaux, des
commissariats de police et des casernes de pompiers sont
également bâtis, et fonctionnent actuellement, sur des terres
qui appartiennent à des Palestiniens.
Dans une rue de la colonie
de Kokhav Ya’akov, une jeune mère conduit ses deux jeunes
enfants à la maison. "J’habite ici
depuis six ans", dit-elle, l’air
surpris quand elle entend que le quartier tout entier est
construit sur des terres privées palestinienne. "Je
savais qu’il existait une petite zone controversée dans le
village, mais je n’avais jamais entendu dire qu’il s’agissait de
terre privée." Aurait-elle bâti sa
maison ailleurs si elle l’avait sue dès le début ?
"Je n’aurais jamais jeté personne hors de
chez lui."
Non loin de là, dans la même colonie, sur un
site pour caravanes à la fois étendu et à l’abandon, situé lui
aussi sur des terres privées, un couple de jeunes mariés se
dirige vers l’arrêt de bus : Aharon, 21 ans, et sa femme
Elisheva, 19 ans. Bien qu’ayant grandi aux Etats-Unis et établis
depuis quelques mois seulement en Israël, après qu’Aharon eut
accompli son service militaire dans une unité ultra-orthodoxe du
Nahal, ils parlent un hébreu presque parfait. Il étudie
l’informatique à Jérusalem. A la question de savoir pourquoi ils
ont choisi d’habiter cet endroit plutôt qu’un autre, ils donnent
trois raisons : c’est proche de Jérusalem, bon marché et dans
les territoires. Dans cet ordre.
Le couple paie son loyer,
550 shekels mensuels, au secrétariat de la colonie. En tant que
nouveaux immigrants, ils sont encore exemptés de la taxe
municipale (« arnona »). Aharon ne paraît pas bouleversé à
l’idée que sa caravane est située sur une terre privée, et ne
semble pas particulièrement intéressé :
"Je me fiche de ce que dit l’Etat, la Torah
dit que toute la Terre d’Israël nous appartient."
Et qu’arrivera-t-il si on leur demande de déménager sur une
terre non privée ? "Nous déménagerons",
dit-il sans hésiter.
Un « problème
compliqué »
Aujourd’hui encore, plus de deux ans après en
avoir terminé avec son rôle officiel, Baroukh Spiegel demeure
loyal à l’establishment militaire. Au cours d’un entretien, il
rappelle plusieurs fois qu’il a signé un accord de
confidentialité, de sorte qu’il ne souhaite pas entrer dans les
détails de son travail. Il a été chargé par Shaul Mofaz de
traiter des questions sur lesquelles Israël s’était engagé
auprès des Etats-Unis, dont l’amélioration des conditions de vie
des Palestiniens affectées par le mur de séparation, et de la
supervision des soldats israéliens aux check points.
Il y a deux ans, le journaliste d’Ha’aretz
Amos Harel avait révélé que la tâche essentielle confiée à
Spiegel était d’établir et de maintenir à jour une base de
données sur l’entreprise de colonisation [2]
Cela s’était produit devant l’évidence que les Etats-Unis, ainsi
que l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav [3]
, étaient en possession d’informations beaucoup plus précises
sur la construction dans les colonies que celles dont disposait
l’establishment de la défense, qui jusqu’alors s’en était remis
essentiellement aux informations transmises par les inspecteurs
de l’Administration civile. L’ancienne base de données avait de
nombreuses failles qui découlaient en grande partie du fait que
l’establishment préférait ne pas savoir précisément ce qui se
passait dans cette zone.
La base de donnée de
Spiegel contient des informations écrites étayées par des photos
aériennes et des données obtenues par GIS (Geographic
Information Systems), qui concernent le statut des terres et les
limites officielles de chacune des colonies. Spiegel : "Le
travail a pris deux ans et demi. Il a été effectué afin de
vérifier le statut des colonies et des avant-postes [4],
et de parvenir à la plus grande exactitude possible : statut de
la terre, statut juridique, limites, plan de construction,
décisions gouvernementales, terres dont la propriété est
douteuse. Il s’agit d’un travail professionnel à plein temps,
qui a requis des juristes et des experts en planification et en
GIS. J’espère que ce travail se poursuivra, parce que c’est
absolument vital. Il faut savoir ce qui se passe là-bas pour
prendre des décisions en conséquence."]
Q. Qui garde la trace de tout cela aujourd’hui ?
« Je suppose que c’est
l’Administration civile. »
Q. Pourquoi n’existait-il pas de base de données comparable
avant votre nomination ?
« J’ignore s’il y a eu un grand
intérêt autour de cela. »
Q. Pourquoi, à votre avis, l’Etat ne publie-t-il pas ces
informations ?
« C’est un sujet sensible et
complexe, et il y a toutes sortes de considérations politiques
et liées à la sécurité. Il y a eu des questions sur le droit du
public à savoir, la loi de la liberté de l’information. Il
faudrait s’adresser aux officiels chargés du dossier. »
Q. Quels sont ces sujets sensibles ?
« Ce n’est pas un secret qu’il
y a eu des infractions, qu’il y a eu de problèmes liés à la
terre, c’est un problème compliqué. »
Q. Y a-t-il aussi un problème pour l’image du pays ?
"Je ne m’occupe pas d’image.
J’ai entrepris un travail de Sisyphe pour, avant toute chose,
garantir qu’on sache ce qui existe, ce qui est légal et illégal,
et le degré d’illégalité, que cela concerne la confiscation de
terres palestiniennes ou le processus d’obtention des permis de
construire. Notre travail a consisté en un recensement
méticuleux de ce qui se passait dans les colonies et les
avant-postes qui existaient alors. Nous avons trouvé ce que nous
avons trouvé, et nous l’avons transmis."
Q. Pensez-vous que ces informations doivent être publiées ?
« Je pense qu’ils ont déjà
décidé d’en publier la partie la plus simple, qui concerne les
zones de juridiction. Il y a des choses plus sensibles. Ce n’est
pas un secret qu’il y a des problèmes. On ne peut pas faire
quelque chose d’illégal et dire que c’est légal. Je ne peux pas
m’étendre, car je suis toujours tenu à la confidentialité. »
Dror Etkes, ancien
coordinateur de l’Observatoire de la colonisation de Shalom
Arshav, et qui dirige actuellement le projet pour la défense des
terres au sein de l’organisation Yesh Din :
"Le refus persistant du gouvernement de
révéler ces données sous prétexte de raisons de sécurité
constitue un exemple supplémentaire de la manière dont l’Etat
abuse de son autorité pour réduire l’information dont disposent
ses citoyens. Ils veulent formuler des positions intelligentes
fondées sur des faits et non sur des mensonges et des
semi-vérités."
A la suite de ces
premières révélations, le Mouvement pour la liberté de
l’information et Shalom Arshav ont exigé du ministère de la
défense qu’il publie cette base de données, en conformité avec
la loi pour la liberté de l’information. Le ministère a refusé.
"Il s’agit d’une base de données
informatisée qui contient des informations détaillées et
croisées sur les colonies juives en Judée et Samarie
(Cisjordanie)", a répondu le
ministère. "Les données ont été
réunies par le ministère pour ses besoins propres et contiennent
des informations sensibles. Il a été demandé au ministère de
permettre d’accéder à ces données, en conformité avec la loi
pour la liberté de l’information. Après avoir étudié cette
demande, il a décidé de ne pas remettre ces informations.
L’affaire est en cours et fait l’objet d’une procédure auprès du
tribunal civil de Tel Aviv."
Ofra, Elon Moreh, Beit
El
La base de données passe en revue chaque
colonie par ordre alphabétique. Chaque entrée précise l’origine
du nom de la colonie, sa forme (urbaine, village, conseil local,
mochav, kibboutz), son affiliation à une organisation (Herout,
Amana, Takam, etc.), le nombre d’habitants, les décisions
gouvernementales qui l’ont concernée, l’organisme officiel
auqueli la terre a été remise, le statut juridique de la terre
sur laquelle la colonie a été construite (terre d’Etat, terre
privée palestinienne ou juive, etc. [5],
une revue des avant-postes illégaux situés à proximité, et dans
quelle mesure les plans de construction validés ont été
exécutés. Sous chaque entrée, soulignée en rouge, on trouve une
information sur l’étendue de la construction effectuée sans
autorisation et sa localisation exacte dans la colonie.
Parmi les révélations que
contient cette base de données officielle, il est
particulièrement fascinant de voir ce qui est écrit sur Ofra,
une colonie de la première heure de Goush Emounim. D’après un
récent rapport de B’Tselem, la plupart des zones développées des
colonies sont situées sur des terres palestiniennes privées, et
font ainsi partie de la catégorie des avant-postes illégaux
destinés à être évacués. Le Conseil Yesha a réagi au rapport de
B’Tselem en affirmant que les « faits » contenus dans le rapport
étaient "totalement infondés et
destinés à présenter une image biaisée. Les habitants d’Ofra
font attention aux droits des propriétaires arabes, avec
lesquels ils sont parvenus à un accord concernant la
construction des quartiers ainsi qu’à un accord qui permet aux
propriétaires privés de continuer à cultiver leurs terres."
Mais les informations sur
Ofra contenues dans la base de données ne laissent planer aucun
doute : "La colonie n’est pas conforme
aux plans de construction validés. La plupart des bâtiments de
la communauté se trouvent sur des terres privées enregistrées
comme telles, sans aucune base juridique, et sans possibilité de
les convertir en terres à usage non-privé."
La base de données donne également une description détaillée des
endroits où des constructions ont été effectuées sans permis :
"La partie d’origine de la colonie
comprend plus de 200 bâtiments résidentiels en dur, des
bâtiments agricoles, publics, des lots, des routes et des
serres, tous soumis à un plan maître mais non avancés pour cause
de propriété douteuse." Après avoir
mentionné la présence de 75 caravanes et d’abris provisoires
situés dans cette colonie, la base de données mentionne le
quartier de Ramat Tzvi, au sud de la colonie d’origine :
"Il y a environ 200 bâtiments en dur ainsi
que des lots en train d’être viabilisés en vue d’une future
construction, le tout sur des terres privées."
Danny Dayan, président de Yesha, réagit en disant :
"Je ne suis pas au courant de ces
informations."
Autre endroit où la base
de données révèle des constructions illégales ; Elon Moreh,
l’une des colonies les célèbres de Cisjordanie. En juin 1979,
plusieurs habitants du village de Rujib, au sud-est de Naplouse,
avaient saisi la Haute cour, lui demandant d’annuler le décret
d’affectation de
5 000 dounam de terres qui leur appartenaient, destinés à bâtir
dans la colonie. Devant la cour, le gouvernement argua du fait,
comme il le faisait régulièrement à cette époque, que la
construction de la colonie était nécessaire pour des raisons de
sécurité. Mais dans une déclaration en faveur des requérants
palestiniens, l’ancien chef d’état-major Haïm Bar-Lev affirma :
"En tant que professionnel, mon
analyse est qu’Elon Moreh ne contribue pas à la sécurité de
l’Etat d’Israël." [6]
La Haute cour, se fondant sur ce témoignage
ainsi que sur ceux des premiers colons, qui affirmaient eux
aussi qu’il ne s’agissait pas d’une colonie provisoire établie
pour raisons de sécurité mais bien d’une colonie permanente,
ordonna à l’armée d’évacuer la colonie et de rendre les terres à
leurs propriétaires. La conséquence immédiate de cette décision
fut de trouver un autre site pour la construction de la colonie,
sur des terres préalablement définies comme « terres d’Etat ». A
la suite de cette décision, Israël arrêta officiellement
d’invoquer des raisons de sécurité pour établir de nouvelles
colonies dans les territoires occupés.
Les terres qui avaient été
confisquées pour y construire Elon Moreh furent rendues à leurs
propriétaires palestiniens, mais selon la base de données, sur
le nouveau site aussi, où la colonie fut construite, site nommé
Har Kabir, "la plus grande partie de
la construction a été effectuée sans permis ni plan détaillé, et
certaines des constructions mordaient sur des terres privées.
Quant aux terres d’Etat dans la colonie, un plan détaillé fut
préparé et publié le 16 juillet 1999. Il n’est jamais entré en
application."
Le conseil régional de
Samarie, où se trouve Elon Moreh, a réagi en disant :
"Tous les quartiers de la colonie ont été
planifiés, et quelques-uns construits, par l’Etat d’Israël par
l’intermédiaire du ministère du logement. Les habitants d’Elon
Moreh n’ont commis aucune infraction, et toute allégation de ce
type est totalement fausse. L’Etat d’Israël est responsable de
la promotion et de l’approbation des plans de construction, dans
la colonie comme partout ailleurs dans le pays. Quant aux plans
qui n’auraient pas encore été validés, ce qui est le cas dans de
nombreux villages partout en Israël où le processus peut durer
des dizaines d’années, cela ne retarde pas l’exécution des
plans, même s’ils ne sont pas finalisés."
Selon la base de données,
Beit El, autre colonie ancienne, a été elle aussi établie sur
des "terres privées saisies pour
raisons militaires" (...) D’après des
données officielles, la construction effectuée à Beit El en
l’absence de plans comprend les bâtiments qui abritent les
bureaux du conseil municipal et le
"quartier nord (Beit El 2) qui a été bâti pour sa plus grande
part sur des terres privées. Ce quartier comprend de très
nombreux bâtiments publics et de nouvelles routes circulaires.
Le quartier nord (entre Jabal Artis et l’ancienne partie de la
colonie), comprend environ 20 immeubles résidentiels, des
bâtiments publics (dont une école), 40 caravanes et une zone
industrielle. La totalité de l’ensemble se situe sur des terres
privées, et ne dispose d’aucun plan qui lui soit affecté."
Moshe Rosenbaum, qui
préside le conseil local, réagit :
"Malheureusement, vous coopérez avec les pires ennemis d’Israël
et causez d’immenses dommages au pays tout entier."
« Un énorme bluff »
Ron Nahman, maire d’Ariel, a été réélu pour
un sixième mandat aux dernières élections. Nahman habite depuis
longtemps les territoires occupés et dirige une ville d’une
hétérogénéité étonnante. Entre une visite à un site de caravanes
qui abrite des évacués de Netzarim et un arrêt à un magasin qui
vend du porc et d’autres produits non kasher, essentiellement à
l’importante population russophone de la ville, Nahman se plaint
de l’arrêt de la construction dans sa ville et des combats avec
l’Administration civile pour chaque permis de construire.
Le Collège d’Ariel,
orgueil de Nahman, figure lui aussi dans la base de données :
"La zone sur laquelle le Collège
d’Ariel a été construit ne suit aucune règle en termes de
planification." Il y est expliqué plus
bas que l’institution est située sur deux plots distincts, et
que le nouveau plan n’a pas encore été débattu. Nahman confirme,
mais affirme que le problème du plan vient d’être résolu.
Quand on lui dit que
plusieurs dizaines de colonies comprennent des constructions sur
des terres privées, il n’est pas surpris :
"C’est possible",
dit-il. Le fait que dans les trois quarts des colonies, il y a
eu des constructions qui ont dévié des plans autorisés ne le
surprend pas davantage : "Toutes les
plaintes doivent être adressées au gouvernement, pas à nous. Les
petites colonies ont été planifiées par l’administration de la
construction rurale du ministère du logement. Les plus grandes
sont planifiées par des bureaux du ministère. C’est le
gouvernement tout entier. Parfois, c’est le ministère du
logement qui prend en charge le budget, quand la construction
est hors budget. Dans d’autres cas, l’Etat paie une partie des
coûts de développement et le reste est à la charge des
individus. Tout ça, c’est un énorme bluff. C’est moi qui ai
planifié les colonies ? Non, c’est Sharon, Rabin, Golda, Dayan."
La base de données fournit
des informations qui attestent une planification chaotique. Par
exemple, une tentative de déterminer le statut de la terre de la
colonie Argaman, dans la Vallée du Jourdain, a révélé que
"la communauté était apparemment établie sur
la base d’un décret de confiscation dont la localisation n’était
pas précisée." Sur Mavo Horon, la base
de données dit : "La colonie a été
construite sans décision gouvernementale sur des terres pour la
plupart privées, à l’intérieur d’une zone fermée dans l’enclave
de Latroun. La zone a été affectée à la WZO (Organisation
sioniste mondiale) à partir de 1995, cette affectation
constituant un abus d’autorité, apparemment sur directive
politique." Dans la colonie de Tekoa,
des caravanes ont été louées à l’armée et installées en
contradiction avec la désignation d’origine de la zone, et
parfois en-dehors des limites géographiques du plan.
La plus grande partie de la Cisjordanie n’a
pas été annexée à Israël. En conséquence, les règlements qui
gouvernent l’établissement et la construction de villages
diffèrent de ceux qui s’appliquent en Israël per se. Le rapport
Sasson, qui traitait des avant-postes illégaux, se fondait en
partie sur les données réunies par Spiegel, et listait les
critères nécessaires à la création d’une nouvelle colonie en
territoire occupé : 1. Le gouvernement israélien publie une
décision de créer la colonie. 2. La colonie a une zone
juridictionnelle définie. 3. La colonie a un plan détaillé et
approuvé. 4. La colonie se situe sur une terre d’Etat ou sur une
terre achetée par des Israéliens et enregistrée sous leur nom au
cadastre.
Selon la base de données, l’Etat a donné à la
WZO et/ou au ministère de la construction et du logement
l’autorisation de planifier et de bâtir sur la plupart des
territoires sur lesquels les colonies sont construites. Ces
organismes ont alloué la terre à ceux qui ont fini par effectuer
la construction dans la colonie. Parfois, il s’est agi du
département colonisation de la WZO, d’autres fois du ministère
de la construction et du logement. Dans plusieurs cas, des
colonies ont été construites par Amana, le bras armé de la
colonisation de Goush Emounim. Un autre organisme est cité pour
avoir bénéficié de lots et de la responsabilité de la
construction de colonies : le Fonds national des colons de Goush
Emounim.
Talmud Torah
Des écoles, laïques ou
religieuses (Talmudei Torah) ont été elles aussi construites sur
des terres palestiniennes. D’après la base de données, dans la
partie sud de la colonie d’Ateret, "15
bâtiments ont été construits en dehors des terres d’Etat,
utilisés par la yeshiva Kinor David (« violon de David »). Il y
a également de nouvelles routes de contournement et une zone
spéciale de sécurité, illégale." Kinor
David est le nom d’une yeshiva à filière musicale. Le signe à
l’entrée indique que la yeshiva a été construite par Amana, le
conseil régional et le département colonisation de la WZO.
Dans le cas de Michmash,
il est également très clair qu’une partie de la colonie a été
construite sur "des terres privées par
le moyen de la fraude". Par exemple,
"au centre de la colonie (près du
portail d’entrée principal) se trouvent un quartier de caravanes
qui sert de Talmud Torah et d’autres bâtiments (dont 30
caravanes) sur des terres privées."
Un après-midi d’hiver, une
bande de gosses jouaient là, l’un d’entre eux portant un T-shirt
où était écrit : « Nous ne pardonnerons pas et nous nous
n’oublierons pas ». Pas d’enseignant alentour. Une jeune femme
en pantalons conduisait son bébé chez le médecin et prit un
moment pour bavarder. Elle avait déménagé là d’Ashkelon parce
que les parents de son mari sont parmi les fondateurs de la
colonie. Quand son fils aura suffisamment grandi pour entrer à
la maternelle, elle ne l’enverra pas au Talmud Torah. Non pas
parce que l’institution se trouve sur une terre privée, mais
seulement parce que ce n’est pas le type d’éducation qu’elle
souhaite pour lui : ["Je ne pense pas
qu’il y ait eu des constructions sur des terres privées par ici,
mais je ne pense pas non plus qu’il devrait y en avoir."
Dans la colonie de Psagot,
où il y a eu bon nombre de constructions sur des terres privées,
il est facile de reconnaître le style en terrasses typique de
l’agriculture palestinienne dans la région. Selon la base de
données, il y a à Psagot "des
bâtiments agricoles (un établissement vinicole et des entrepôts)
à l’est de la colonie, proches des vignobles cultivés par les
colons en fraude. ". Lors d’une
visite, l’établissement vinicole était à l’abandon. Son
propriétaire, Yaakov Berg a acquis la terre auprès de
l’Administration israélienne des terres près de l’avant-poste de
Migron, où un nouvel établissement vinicole et un centre
touristique sont actuellement en construction.
"Les vignes sont situées à
Psagot"°, dit Berg, occupé aux
préparatifs du nouveau site. Depuis le point d’observation, on
aperçoit une énorme carrière à flanc de montagne.
"Si je construisais ici une salle de bain
sans permis, j’aurais dans le quart d’heure un hélicoptère de
l’Administration civile me disant que c’est interdit",
se plaint-il. "Et ici même, il y a une
carrière palestinienne légale qui continue à fonctionner."
Ce sont les politiques
qui l’on fait
Kobi Bleich, porte-parole
du ministère de la construction et du logement :
"Le ministère participe au financement des
coûts de développement des colonies dans la zone A, en
conformité avec les décisions du gouvernement israélien. Les
travaux de développement sont effectués par les conseils
régionaux, et seulement après que le ministère s’est assuré que
le nouveau quartier est bien inclus dans un plan d’urbanisation
autorisé. Cela s’applique partout en Israël aussi bien
qu’au-delà de la ligne Verte. Je souligne que les fonctionnaires
du ministère sont chargés de faire appliquer la politique du
gouvernement. Toutes les actions passées ont été faites en
conformité avec les décisions du pouvoir politique."
Danny Poleg, porte-parole
du district Judée-Samarie (Cisjordanie) de la police :
"La question de la construction des bâtiments
de police est de la responsabilité du ministère de la sécurité
intérieure, toutes vos questions doivent lui être adressées."
Réaction du porte-parole
du ministère de la sécurité intérieure :
"La construction de commissariats de police
est décidée par l’Administration des terres en coordination avec
le ministère de la sécurité intérieure. Il n’y a pas de
commissariat à Modi’n Illit, mais seulement un poste de réaction
rapide pour les habitants, sur une terre allouée par l’autorité
locale. La terre à Giv’at Ze’ev a été allouée par le conseil
local et le commissariat se situe à l’intérieur de la
municipalité. La route qui mène au QG de la police a été
construite par le ministère de la construction et du logement.
Sa maintenance est effectuée par le conseil local."
Avi Roeh, président du
conseil régional de Mateh Binyamin (qui a sous sa juridiction
les colonies d’Ofra, Kokhav Yaakov, Ateret, Ma’aleh Michmash et
Psagot) : "Le conseil régional de
Mateh Binyamin, comme les conseils voisins en Judée et Samarie
(Cisjordanie), traite de décisions politiques concernant
l’expansion des colonies. Néanmoins, cela n’exclut pas la
nécessité de procédures de planification adéquates, de manière à
développer les colonies de façon organisée et en accord avec la
loi."
Pour toute réponse, la WZO a envoyé un épais
livret, dont une copie avait déjà été envoyée à la procureure
Talia Sasson à la suite de son rapport. (...)
L’Administration civile, la première dont la
réaction a été demandée concernant la base de données, il y a
plus d’un mois, n’a pas encore répondu.