L'opposition républicaine s'est trouvée une
mère autoritaire
Les certitudes de Sarah Palin
Thierry Meyssan
Alors que Barack Obama compose son administration, le Parti
républicain a adoubé Sarah Palin dans le rôle de nouveau leader
de l’opposition. Ce choix vise à l’évidence plus à stabiliser un
électorat en attendant le moment de la revanche plutôt qu’à
gêner la nouvelle majorité. Mais précisément, ce choix illustre
le désarroi de la classe dirigeante US et de la société
états-unienne toute entière face à la récession et aux
catastrophes qui s’annoncent.
Alors que l’Amérique profonde s’interrogeait en début d’année
sur la possibilité d’élire une femme à la Maison-Blanche, chacun
applaudissait la performance personnelle d’Hillary Clinton : une
avocate féministe qui avait su se montrer aussi brillante que
bien des challengers masculins. Lorsqu’elle fut évacuée de la
course par son concurrent démocrate Barack Obama, les
commentateurs s’attendirent à ce que le candidat républicain
John McCain choisisse une femme comme co-listier. De la sorte,
il pourrait récupérer les voix démocrates de Madame Clinton et
élargir sa base électorale.
De possibles noms circulaient. À
la surprise générale, McCain désigna une personnalité inconnue
du grand public et sans expérience politique fédérale : le
gouverneur de l’Alaska, Sarah Palin. En quelques jours, cette
outsider mobilisa les foules redonnant un incroyable tonus à la
campagne électorale. Madame la gouverneure bouscule toutes les
conventions. Sa personnalité déconcerte les uns, enthousiasme
les autres. Il y a désormais un phénomène Sarah, une Palinmania.
* * *
Inconnue des gazettes fédérales,
Sarah Palin n’a pas seulement imposé son style, mais aussi son
image, que personne n’était en mesure de contester. Trois jours
après sa désignation, deux biographies préparées de longue date,
étaient mises en vente : Sarah Palin, le
Barracuda de l’Alaska et Sarah Palin et le
pouvoir de la prière. On l’aura compris aux titres, il
s’agit d’une part de souligner à la fois l’agressivité de la
candidate en la comparant à un petit requin d’Alaska ; et
d’autre part d’en faire l’idole des chrétiens conservateurs en
lui attribuant une relation personnelle avec Dieu. On est bien
loin de l’image classique des féministes à la Clinton.
Sarah Palin est télégénique.
Elle est belle. Adolescente, elle fut élue reine de beauté dans
sa ville de Wasilla. Elle sortit troisième du concours de Miss
Alaska et fut à nouveau élue reine de beauté de son université.
Jamais une femme politique aux États-Unis n’avait utilisé cet
argument. Elles voulaient toutes revendiquer un curriculum vitæ
exemplaire, étaler leurs diplômes et leurs réalisations. Sarah
Palin préfère sourire. Elle sourit partout. Sur toutes ses
photos officielles, y compris celle de gouverneure, le même
sourire éclatant, digne d’Hollywood.
Sarah Palin a réponse à tout, y
compris aux questions qu’elle ne connaît pas. Lorsque l’on
demande à sa directrice de campagne, Carly Fiorina, ancienne Pdg
de Hewlett-Packard, si Madame Palin pourrait diriger comme elle
une société multinationale, elle répond « non bien sûr, mais
c’est sans importance car Sarah ne postule pas à cette
fonction ». Sarah voulait être vice-présidente des États-Unis.
Vu l’âge de John MCcain (72 ans) et son état de santé (séquelles
des tortures subies au Vietnam et problèmes cardiaques), Sarah
aurait pu lui succéder en cours de mandat et devenir la première
femme présidente des États-Unis. Est-elle préparée à exercer une
si haute fonction ? oui, parce qu’elle est « intègre, honnête et
optimiste » répond-elle aux journalistes. Sur son site internet,
elle se présente comme la Margaret Thatcher états-unienne, la
« femme de fer venue du Nord pour mettre fin à la culture de la
corruption à Washington ». Elle est déjà partie en croisade
contre les élites de la capitale, et reposer la question de son
(in)expérience paraît soudain dépassé.
Qu’est ce qui la distingue d’un
pit-bull, ironise-t-elle ? Le rouge à lèvres !
* * *
Sarah Heath est née en 1964 dans
l’Idaho. Ses parents s’installent peu après en Alaska, une
province russe achetée par les États-Unis au Tsar Alexandre II
qui n’avait pas moyen de défendre ces côtes lointaines. Sa mère
est secrétaire d’école et son père à la fois instituteur et
trappeur dans cette terre sauvage et magnifique. Ils résident à
Wasilla, un bourg de quelques milliers d’habitants à 50 km de la
capitale économique, Anchorage. Toute jeune, Sarah accompagne
parfois son père à la chasse au lapin avant d’aller à l’école.
Ensemble, ils aiment entreprendre de longues marches dans ces
paysages enneigés.
Sarah est élevée dans la foi
catholique, mais la famille se convertit au pentecôtisme
lorsqu’elle a 12 ans. Elle fréquente dès lors l’Assemblée de
Dieu et développe une religion faite de piété exaltée et de
lecture littérale de la Bible. Elle
rejoindra d’ailleurs tardivement l’Église de la Bible.
Adolescente, Sarah est très
sportive. Elle devient capitaine de son équipe de basket-ball et
gagne le championnat scolaire d’Alaska. Son jeu est si tenace et
fort que ses camarades la surnomment « Barracuda ». Vivant sa
foi en toutes circonstances, Sarah rejoint la Fraternité des
athlètes chrétiens, une importante association dominée par les
Évangéliques.
C’est tout naturellement, qu’en
1988, elle entre dans la vie active comme journaliste sportive
pour les chaînes de télévision locales d’Alaska. La même année
elle épouse Todd Palin, un petit-fils d’eskimo, qui travaille
l’été comme pécheur et l’hiver sur un gisement pétrolier
exploité par British Petroleum (BP). Il est sportif comme elle
et a remporté des championnats de motoneige.
À 28 ans, c’est le début d’une
fulgurante ascension. Elle se présente aux élections municipales
et est élue sans difficultés. La belle journaliste, sportive et
pieuse, se mue rapidement en un barracuda politique dévorant
tout sur son passage. En 1996, elle est élue maire de Wasilla et
sera réélue trois ans plus tard. La bourgade compte alors 5 000
habitants et la municipalité n’emploie que 53 fonctionnaires. En
quelques années, elle en fait un petit centre économique où les
emplois se multiplient. En 2006, elle obtient l’investiture du
Parti républicain pour l’élection de gouverneur. Elle mène une
campagne axée sur la moralisation de la vie politique et est
élue gouverneure de l’Alaska. Cette fois c’est du sérieux. Elle
gère un budget de 6,6 milliards de dollars. Elle développe la
vie économique, cette fois en favorisant l’exploitation des
hydrocarbures et en augmentant les impôts sur les compagnies
pétrolières. Elle double les recettes de l’État et acquiert une
très large popularité. Jusqu’à ce 28 août 2008, où elle devient
la co-listière de John McCain, candidate à la vice-présidendence
des États-Unis… Elle n’a que 44 ans.
* * *
Les positions politiques de
Sarah Palin déroutent. D’abord, elle se présente comme
chrétienne et drague l’électorat évangélique qui fit la victoire
de George W. Bush.
En 2000, en tant que maire, elle
fait adhérer sa ville à l’Association des villes de caractère,
dont sont membres deux cent collectivités locales aux USA et une
cinquantaine d’autres au Canada et aux Philippines. La ville
promulgue 49 principes moraux qui devront structurer son
administration et ses habitants. Derrière une présentation
neutre, il s’agit en réalité d’une reformulation des 49
préceptes bibliques et des 49 commandements du Christ selon Bill
Gothard. Ce prêcheur vient donner des conférences à Wasilla. Il
enseigne que les Pères fondateurs des États-Unis ne voulaient
pas de la séparation des Églises et de l’État, laquelle ne
serait qu’un mythe inventé par les libéraux. L’application des
méthodes de Bill Gothard pour rééduquer de jeunes délinquants a
attiré l’attention des médias lors du scandale d’Indianapolis.
Des adolescents y avaient été soumis à des punitions
corporelles, certains avaient été enchaînés, d’autres enfermés
dans une salle de prière et privés de nourriture. Aucune plainte
n’a été enregistrée à Wasilla, mais la pression morale y est
aussi forte.
En 2007, en tant que gouverneure, Madame Palin proclame une
« semaine de l’héritage chrétien » et organise toutes sortes de
manifestations culturelles pour célébrer l’apport du
christianisme dans l’identité de l’Alaska. Puis elle récidive
avec une « semaine de la Bible » où elle
célèbre l’influence biblique sur les arts, la littérature, la
musique et le droit.
Si les féministes défendent par
principe le droit à l’avortement, Sarah Palin milite au sein de
l’association Féministes pour la Vie. Elle s’oppose à
l’avortement, y compris en cas de viol ou d’inceste, mais admet
une dérogation si la vie de la mère est en danger. Fidèle à sa
position, elle n’a pas avorté lorsqu’elle a appris que son
cinquième enfant, Trig, est atteint de mongolisme. Elle a au
contraire remercié Dieu de lui avoir donné un nouvel enfant pour
manifester sa bénédiction.
Cette fermeté face à la
difficulté tourne cependant vite au fanatisme. Elle demande que
l’on enseigne dans les écoles à la fois le créationnisme, auquel
elle croit, et le darwinisme, comme deux hypothèses non encore
départagées. Elle s’oppose à l’éducation sexuelle. Elle veille
d’ailleurs à protéger ses enfants de la dépravation des mœurs en
les tenant à l’écart de ce genre d’information. Catastrophe, sa
fille Bristol, qui ignore tout de la contraception, se trouve
enceinte à l’âge de 17 ans. Là encore, nouvelles déclarations
pour remercier Dieu de ce cadeau et annoncer le mariage
précipité de l’adolescente avec le père de son enfant, un joueur
de hockey.
S’il est une question politique
où la religion joue un grand rôle aux États-Unis, c’est celle du
soutien à Israël. Sarah Palin fréquente à l’Église de la Bible
le fondateur d’un groupe évangélique missionnaire : les Juifs
pour Jésus. Cette organisation affirme que le christianisme
étant la réalisation des prophéties juives, il ne rompt pas avec
elles. Les deux religions sont donc identiques. Cela tombe bien
car Sarah Palin est née d’une mère juive par filiation,
convertie au christianisme ; cette théorie lui permet donc de
tout concilier.
Bien que les organisations sionistes soient exaspérées par cette
théologie, elles se réjouissent du soutien inconditionnel de
Sarah Palin à Israël. Elle a même installé un drapeau israélien
à côté du drapeau états-unien dans son bureau de gouverneure et
s’est engagée, si elle parvient à la Maison-Blanche, à
reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État juif.
* * *
Quoi qu’il en soit, en bonne
puritaine, Sarah Palin pense que Dieu apporte la prospérité à
ceux qui Le servent. Aussi, met-elle en veilleuse ses principes
religieux lorsque l’on aborde les questions économiques.
À peine est-elle élue
conseillère municipale que survient une polémique à propos des
accidents de la route dus à l’ivresse. Les bars d’Anchorage
ferment à 2h du matin, et de nombreux routiers viennent terminer
la soirée dans ceux de Wasilla, qui ne ferment qu’à 4h. Le maire
propose de mettre fin à ce va-et-vient pour prévenir les
accidents. À sa grande surprise, Sarah, bien que membre d’une
congrégation évangélique qui prohibe l’alcool, prend la défense
des commerçants et s’oppose à la fermeture anticipée des débits
de boisson.
Sarah Palin aime à se présenter
comme une femme sportive et saine, toujours au contact de la
nature. Elle se fait photographier pêchant avec ses enfants en
barque sur un lac. Elle mange des hamburgers d’élan, fait du
motoneige, et possède un hydravion. Elle cultive l’image d’une
famille de trappeurs chrétiens, vivant en harmonie avec son
environnement comme au Jardin d’Eden. La réalité est bien
différente.
Dès son élection de maire, elle
déclare « désormais, Wasilla est ouverte au business ». Elle
améliore les routes et facilite l’implantation d’hypermarchés où
50 000 habitants d’Anchorage peuvent venir faire leurs courses
chaque semaine. Ce spectaculaire développement se fait au
détriment de l’environnement. On déboise sans complexe pour
installer des parkings et on fait du lac Lucille, bijou de la
vallée, un dépotoir. Le petit coin de paradis se transforme en
zone commerciale. Les photos de pêche en famille sur le lac
Lucille sont de la pure figuration : il y a bien longtemps que
la politique de Sarah Palin a tué tous les poissons.
La grande question de l’Alaska,
c’est la possible exploitation de nouveaux gisements de gaz et
de pétrole. Or cette colossale richesse est principalement
située dans un parc naturel, orgueil non seulement de l’État,
mais de tous les États-Unis. Au cours des dernières années, les
associations écologistes ont convaincu l’opinion publique de
préserver ce sanctuaire de la vie sauvage. Sarah Palin voit les
choses autrement. En tant que gouverneure, elle autorise les
grandes compagnies, notamment BP qui emploie son mari, à étendre
l’extraction. En échange, elle augmente les impôts sur ces
sociétés. De la sorte, elle double les revenus de l’État.
La grande réalisation de la
gouverneure, c’est la mise en travaux d’un gazoduc reliant les
champs d’exploitation d’Alaska aux consommateurs des États-Unis
continentaux . Ce chantier devrait coûter entre 30 et 40
milliards de dollars. Il a été rendu possible par son intense
lobbying auprès des autorités canadiennes, malgré l’opposition
des tribus indiennes qui craignent la destruction de leur
environnement. Bien sûr, ce gazoduc est surdimensionné. Il
devrait entrer en fonctionnement aux environs de 2015… il
faudrait alors que l’exploitation des hydrocarbures dans la
réserve naturelle ait commencé.
Avec cette initiative, Sarah
Palin est devenue l’espoir du lobby pétrolier, qui noie son
équipe de campagne sous les dons. Mais leur alliance est déjà
ancienne : la gouverneure a « oublié » d’entreprendre les
démarches juridiques pour faire payer par Exxon-Mobil les
dommages et intérêts dus après le naufrage de l’Exxon Valdez et
la marée noire qui s’en suivit sur les côtes d’Alaska, il y a
vingt ans.
* * *
Madame Palin est vertueuse.
Avant d’être gouverneure, elle fut responsable de la supervision
éthique de la Commission des réserves gazières et pétrolières de
l’Alaska. Elle démissionna de ses fonctions pour protester
contre des manquements répétés. Selon la loi locale, elle ne
pouvait révéler ce dont il s’agissait précisément. Mais la suite
des événements lui donna raison. Le président de la Commission,
républicain comme elle, fut astreint à payer une amende pour
malversation, puis à démissionner. Elle acquis ainsi la
réputation d’une femme inflexible face à la corruption.
Lorsqu’elle prend ses fonctions
de gouverneure, elle réduit de 80 % les frais de représentation
de sa charge. Symbole d’un mandat modeste, elle vend aux
enchères sur internet l’avion d’affaires acheté par son
prédécesseur pour ses déplacements. Elle licencie le chef
cuisinier qu’il avait engagé et limite les réceptions
officielles.
Mais il est dangereux de jouer
au « chevalier blanc ». On l’accuse d’abus de pouvoir. Elle
aurait ordonné au directeur de la sécurité publique de son État
de licencier un de ses employés qui n’est autre que l’ex-mari de
sa sœur divorcée de manière très conflictuelle. Et le directeur
ayant refusé de régler ainsi un différend familial, Sarah
l’aurait révoqué.
Lorsqu’elle était maire, elle
fit construire un vaste et luxueux centre sportif. Mais ce
chantier, mal préparé s’avère une gabegie. La construction
commence alors que l’achat du terrain n’a pas été finalisée. Son
emplacement est trop éloigné du centre ville, de sorte qu’il
n’est pas accessible aux enfants en bicyclette et reste
désespérément vide.
Et puis, il y a cette histoire
peu brillante de promesses électorales démagogiques. Pour se
faire réélire comme gouverneure, Sarah Palin s’était engagée à
faire construire deux ponts. Leur réalisation aurait coûté au
bas mot 1 milliard de dollars. Or, ils ne sont pas justifiés :
l’un devrait relier un aéroport à une île de 5 000 habitants, et
le second devrait relier au continent une île d’une dizaine
d’habitants seulement. Elle interrompit les projets alors que
beaucoup d’argent a déjà été gaspillé.
Cependant Sarah-Baraccuda
renverse la polémique. À ceux qui l’accusent de dépenser
l’argent public pour des « ponts qui ne mènent nulle part »,
elle répond qu’elle ne laissera pas insulter les populations.
Elle s’entête et va soutenir les habitants de ces îles en
arborant un tee-shirt marqué « Alaska = nulle part ».
* * *
Dans la grande tradition du
Far-West, Sarah Palin est partisan des armes à feu et de la
peine de mort. Elle est membre à vie de la NRA, le puissant
lobby des armes et ne manque pas une occasion de manifester son
soutien aux Gi’s.
En tant que gouverneure, elle
réalise son premier voyage hors d’Amérique du Nord : elle rend
visite aux membres de la Garde nationale d’Alaska stationnés au
Koweit et en Irak, en passant par une basse militaire US en
Allemagne où elle rencontre des soldats blessés. Elle en profite
pour multiplier les déclarations exaltées sur la Guerre globale
au terrorisme. Pour sa plus grande fierté, son fils ainé, Track,
19 ans, s’es engagé volontaire dans l’armée de terre. Il partira
bientôt défendre le monde libre en Irak.
Lors d’un entretien télévisé,
elle reconnaît ne guère connaître le monde et n’avoir voyagé
qu’au Canada, au Koweit, en Irak et en Allemagne. Elle omet de
préciser qu’elle n’a rien vu de ces trois derniers pays dont
elle ne connaît que des bases militaires US. Puis, elle affirme
que l’intervention russe en Géorgie n’a pas été provoquée et
qu’il est nécessaire de faire entrer Tblissi dans l’OTAN. Plus
belliqueuse que le président Bush, elle lance sans sourciller au
journaliste d’ABC interloqué que si cela devait se reproduire,
elle serait prête à livrer une guerre contre la Russie.
* * *
Les enfants de Madame Palin sont
des joueurs de hockey et elle se définit comme leur fan. Elle
applique cette métaphore à son pays. Elle est la mère de tous
les États-uniens et leur fan. Ses interventions publiques sont
celles d’une rock star parce que sa présence est vécue à la fois
comme un réconfort et un encouragement.
Cette figure maternelle ne
supporte pas la contradiction. Dès sa prise de fonction à la
mairie de Wasilla, elle licencie tous les chefs de service, du
directeur de la police municipale à celui du musée historique,
pour les remplacer par des employés dociles. Partout où elle
passe, elle ne tolère aucune critique. Son pouvoir doit être
sans partage.
Dans ses fonctions officielles,
Madame Palin est souvent accompagnée du « premier mec », son
mari, Todd. Bien qu’il n’ait aucun titre, qu’il ne soit ni élu,
ni fonctionnaire territorial, il s’assied en silence aux tables
du conseil et observe. Chacun comprend la répartition des
rôles : Sarah séduit les électeurs avec son sourire permanent et
dévore ses opposants à pleines dents, tandis que Todd prend en
silence les décisions stratégiques.
Sarah est une experte en
communication. Elle a donné des cours de formation aux femmes de
son parti. Elle joue au maximum de sa double qualité de femme et
de mère. Elle ne parvient pas toujours à s’imposer lorsqu’elle
est interviewée par une autre femme. Et elle a évité de se
présenter au Sénat contre Lisa Murkoswski parce que celle-ci
était une adversaire trop jeune pour la prendre à son jeu. Mais
elle excelle avec les hommes murs. D’un regard, d’un mot, elle
les infantilise. Elle est leur mère, celle dont on ne peut
contester l’autorité et qui n’a aucun compte à rendre.
Quoi qu’il en soit, l’irruption
de cette nouvelle figure maternelle, belle, autoritaire et
cassante, illustre le désarroi des États-Unis [1].
La crise économique empire de mois en mois et déjà 1,5 million
de familles ont été expulsées de leur logement. L’effondrement
des banques et des fonds de placement prive de nombreuses
personnes âgées de leurs pensions de retraite. L’armée est
embourbée en Irak et en Afghanistan. Il n’est pas sur que l’on
puisse approvisionner longtemps les boys
partis si loin, ni que l’on puisse les rapatrier rapidement si
on le voulait. La majorité des États fédérés sont au bord de la
faillite. L’avenir est sombre. Heureusement, Sarah Palin
n’éprouve pas le doute. Elle prolonge le « rêve américain » et
éloigne comme une mère le dur moment du réveil.
Thierry
Meyssan
Analyste politique, fondateur du
Réseau Voltaire. Dernier ouvrage paru :
L’Effroyable imposture 2
(le remodelage du Proche-Orient et la guerre israélienne contre
le Liban).
Cet
article est paru initialement dans le magazine féminin russe
Krestyanka sous le
titre,
Вся правда о Саре Пейлин (numéro de
décembre 2008).
[1]
« Sarah
Palin, Big Mother », par
Jean-Claude Paye et Tülay Umay,
Réseau Voltaire,
3 octobre 2008.
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