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Contre les mariages forcés : le sens du refus
Tariq Ramadan

Lundi 20 octobre 2008

Personne aujourd’hui ne peut dire ce qui se passe exactement dans le secret des familles et des décisions relatives aux mariages des enfants. On constate, dans de nombreux pays européens, une recrudescence des fugues de jeunes (adolescents ou adultes) juste avant l’été car ceux-ci craignent d’être emmenés dans les pays d’origine pour y être mariés de force. Avec ce constat, on peut ajouter quelques données factuelles que l’expérience du terrain a permis de vérifier. Les mariages forcés ne concernent pas que les filles ni une culture ou une religion (ils sont pratiqués en Afrique, en Asie, en Amérique ou en Europe parmi les hindouistes, les bouddhistes, les juifs, les chrétiens et les musulmans, etc.) et touchent toutes les classes sociales (des plus pauvres jusqu’aux milieux aristocratiques des sociétés contemporaines). Il est difficile de percer les silences et même de déterminer quand il s’agit d’un mariage forcé ou d’un « mariage arrangé » pour lequel l’individu concerné a pu décider et accepter les conseils et les choix de la famille. Parfois, la précision psychologique qui accompagne les mariages arrangés les transforment, de fait, en mariages forcés et ce n’est pas acceptable. Mais tous les mariages arrangés ne sont pas des mariages forcés : il faut donc être prudent, écouter, dialoguer, accompagner et parfois trancher. Quand le jeune adulte, garçon ou fille, est forcé d’agir contre son cœur, ses désirs et sa conscience parce qu’il/elle est contraint(e) objectivement ou psychologiquement, alors il s’agit d’un mariage forcé qu’il faut prévenir et refuser. Ce n’est pas toujours facile.

Pendant quatre ans l’association faîtière rotterdamoise SPIOR a travaillé sur cette question et a organisé des rencontres avec les parents, les jeunes, les responsables religieux, pour répéter avec force que rien ne pouvait justifier ce type de mariage. Les responsables de SPIOR ont également répété qu’il ne s’agissait pas de pratiques exclusivement musulmanes mais que, comme cela se passait aussi dans les communautés musulmanes et que certains parents le justifiaient au nom même de l’islam, il fallait se prononcer clairement contre cette trahison des enseignements islamiques. Un manuel d’information et de renseignements pratiques a été publié (Main dans la Main contre les mariages forcés) et distribué aux familles, aux travailleurs sociaux et aux responsables d’associations. Dans le cadre de mon engagement (académique et social) auprès de la municipalité de Rotterdam, j’ai rencontré les responsables de SPIOR et leur ai proposé de lancer ensemble (SPIOR et la Municipalité) Une campagne européenne contre les mariages forcés. Le manuel a été traduit en huit langues (dont l’italien, l’arabe et le turc) et des rencontres ont été organisées dans les capitales européennes, de Bruxelles à Berlin en passant par Londres et Madrid, etc. Nous serons le 21 octobre à Turin pour lancer la campagne en Italie et mobiliser l’opinion publique autant que les politiciens et les responsables d’associations.

Cette campagne a été très majoritairement saluée et on a vu, comme en Belgique, le conseil des imams, appeler ces derniers à consacrer un de leurs sermons à cette question. Près d’une cinquantaine ont répondu à l’ appel à travers le pays alors qu’ une mairie (Molenbeck) et les medias ont porté l’initiative de façon très positive en comprenant qu’il fallait, ensemble, briser le silence. Toutefois, nous avons aussi essuyé des critiques : des musulmans nous ont reproché de stigmatiser l’islam et de parler d’un phénomène marginal. Or, nous avons répété que ce dernier ne concernait pas uniquement les musulmans mais qu’il fallait catégoriquement dénoncer les fausses justifications religieuses. Le mariage forcé est tout simplement anti-islamique. Personne ne sait le nombre exact de cas mais c’est le silence de plomb qui couvre ces pratiques qui nous fait penser que le phénomène est marginal. Il y a trop de cas et il faut avoir la dignité d’en parler. Des milieux laïques nous ont reproché d’en faire une affaire religieuse ou de vouloir récupérer « leur » cause : il est triste de constater que certains pensent que la cause des droits humains ou du respect de l’intégrité des personnes soit un espace de compétition et de disputes stériles. C’est ensemble qu’il faut travailler et si certains justifient ces pratiques au nom d’une compréhension biaisée de la religion, il est bon qu’une parole religieuse s’exprime et vienne contester la légitimité de ces dénis de droit. La parole religieuse n’est pas, et ne peut pas être, exclusive mais elle est nécessaire comme on a pu s’en apercevoir en parlant avec certains parents pensant agir selon l’islam, avec amour, et au nom du bien de leurs enfants. La question est délicate : il faut condamner les mariages forcés et les solutions exigent du temps, de l’écoute, de l’empathie, de reconnaître l’amour des parents sans accepter l’usurpation du droit des enfants. C’est ensemble, en additionnant nos ressources et nos compétences, et au nom de nos valeurs communes que nous gagnerons cette lutte.

© Tariq Ramadan 2008



Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...


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