ITRI
Interview de Tarek Aziz :
« Les Etats-Unis vont se retirer et l’Irak
redeviendra uni ! »
Lokman Iskender
Al Arab Al Youm et Chabaket Al Basrah - 1/4/07
Dans un entretien donné au journal Al
Arab Al Youm de sa prison de Camp Croper, par l’intermédiaire
de son avocat Jordanien Issem Al Ghazaoui, l’ancien Vice-premier
ministre et ministre des Affaires étrangères irakien Tarik Aziz
a déclaré que les Etats-Unis vont se retirer et que les Irakiens
redeviendront unis comme ils le furent auparavant. Il a vu a
pendaison télévisée du Président Saddam Hussein et cela a été,
di-il, le moment le plus difficile de sa vie. Il a révélé,
d’autre part, avoir commencé la rédaction de ses mémoires et
que s’il est libéré, il séjournera quelque temps en Jordanie
avant de partir en Italie.
L’avocat jordanien raconte qu’il a rencontré
Tarek Aziz le mercredi 26/03/07 et, alors qu’il l’attendait,
debout sur un trottoir de la base américaine, il l’avait vu
venir très détendu, avec une sacoche bleue, accompagné de son
gardien américain. Il a ajouté qu’à peine entré dans la
salle et assis, Tarek Aziz s’est mis à parler de Saddam
Hussein, dont il a dit fièrement « qu’il était son
commandant, qu’il avait eu l’honneur de travailler à
ses côtés ». Il a exprimé son profond regret de
l’avoir vu martyrisé, lui et ses autres compagnons.
L’avocat raconte qu’après avoir prié
pour la paix de l’âme du défunt Saddam, Aziz a demandé
comment « les gens avaient réagi à son propre témoignage
devant le tribunal ». L’avocat lui a répondu « que
tout le monde était unanime à reconnaître votre courage et
votre audace, et que personne n’attendait moins de quelqu’un
comme vous ». Il en a été très heureux !
Aziz nous a confié : « nous
avons milité pour les peuples arabes et nous avons fait ce que
nous avions pu ». Il a aussi exprimé l’espoir que les
gens réalisent toutes les conspirations aux quelles l’Irak
avait dû faire face, de la guerre avec l’Iran, à l’affaire
du Koweït et à l’occupation actuelle du pays. Ce sont des
affaires compliquées, ajouta-t-il, les gens ont besoin de le
savoir pour comprendre que ce qui est arrivé était honorable,
qu’il nous a été imposé et que nous avions fait notre devoir,
indépendamment des résultats ». (…)
Lokman Iskender : Vous êtes appelé
à témoigner dans l’affaire d’Al Anfal. Quel est votre
rapport à cette affaire ?
Tarek Aziz : En tant que ministre des
affaires étrangères, je n’avais rien à voir avec les actions
militaires ou toute affaire intérieure.
Lokman Iskender : Vous êtes en
prison depuis 4 ans. Est-ce que vous vous attendiez à cela ?
T.A : Non, mais pour ma famille
j’accepte tout, même d’y rester 15 ans.
Q : avez-vous regretté de vous être
livré aux américains en échange du départ de votre famille ?
Tarek Aziz : nullement !
Q : Mais ils vous ont détenu 4
ans sans la moindre inculpation.
T.A : Le départ de ma famille était
prioritaire pour moi. D’autre part mes chances de pouvoir me
cacher en Irak étaient très faibles. Je suis très connu en ma
qualité de diplomate et j’avais dans l’idée qu’il valait
mieux me rendre aux américains que d’être arrêté par les
irakiens. Ceci me donne l’occasion en tout cas d’écrire
l’histoire véritable de l’homme Saddam, de l’Irak et de ses
relations étrangères depuis les années quatre vingt dix
jusqu’à nos jours.
Q : On a annoncé le 15/3/7 que
l’Irak allait étudier sérieusement l’abolition de la peine
de mort.
T.A (En rigolant): Oui maintenant
qu’ils ont fait ce qu’ils voulaient, ils peuvent abolir la
peine de mort !
Q : Avez-vous commencé la rédaction
de vos mémoires ?
Tarek Aziz : Oui.
Q : Est-ce qu’il y aurait des détails
à nous fournir à ce sujet ?
T.A : Plus tard ! Plus tard !
Q : Quel est le moment le plus
difficile que vous avez passé en détention ?
T.A : Quand j’ai vu à la télévision
l’exécution du président !
Q : D’autres moments aussi
difficiles ?
T.A : Oui, lors de mon témoignage au procès.
Le président du tribunal était très agressif ce qui m’avait dérangé
beaucoup. Je lui ai rappelé que j’étais en prison et demandé
ce qu’il pouvait faire de plus, que de me mettre dans deux
prisons !
Q : Quelle est la première
personnalité que vous verrez à votre sortie de prison ?
T.A : Le roi Abdullah II, puis le Président
yéménite et l’Emir du Qatar
Q : Quel est le chef d’Etat,
arabe ou d’un autre pays, dont l’attitude vous semble bonne
vis-à-vis de l’Irak ?
T.A : Son Altesse le Roi Abdullah II. Son
attitude vis-à-vis des Irakiens est excellente. C’est lui qui a
pris en charge ma famille, enfants et petits enfants et traite très
bien les Irakiens en Jordanie.
L’attitude du président yéménite Ali Abdallah Salah est aussi
très honorable à ce niveau puisqu’il a reçu beaucoup
d’irakiens et a donné des opportunités de travail à plus de
3000 professeurs qui risquaient d’être liquidés s’ils
étaient demeurés en Irak.
D’autre part, il y a au Yémen de nombreuses familles de la
direction irakienne et j’ai appris récemment que ma femme y est
aussi.
Concernant l’occident, la position espagnole favorable aux Américains
était plutôt très curieuse, compte tenu des bonnes relations
historiques entre l’Irak et l’Espagne. Aznar a entraîné son
pays dans la guerre en Irak mais le peuple espagnol s’est réveillé,
a fait partir le gouvernement et a retiré les troupes espagnoles.
Q : Vous paraissez en
mauvaise santé ? (Il était pris par de fortes quintes
de toux)
T.A : Les Américains ne m’assurent pas
une bonne protection sanitaire et les médicaments qu’ils me
donnent sont de simples tranquillisants. J’ai attendu deux ans
pour avoir un dentier.
Q : A votre avis quels sont
les véritables ennemis de l’Irak ?
T.A : L’administration américaine et le
gouvernement Britannique et non pas leurs peuples, l’Iran et
certains arabes qui ont participé d’une manière directe à
introduire les américains en Irak et les ont aidés.
Dans la France d’aujourd’hui, la classe politique est très
jeune et je ne la connais pas. Je connais par contre Chirac qui
m’avait très bien reçu lors de ma dernière visite et a même
transgressé le protocole une fois, en m’accompagnant jusqu’au
perron de l’Elysée. J’ai été reçu aussi par le premier
ministre Jospin qui m’avait accompagné jusqu’au perron de
Matignon, transgressant lui aussi le protocole. Tout cela témoigne
de leur amitié et de leur respect pour l’Irak. La position de
la Russie est bonne aussi et l’actuel ministre des affaires étrangères
ainsi que le représentant aux Nations Unies, Serge Laffrof, sont
excellents.
Q : Avez-vous des relations
avec le président américain Georges Bush ?
T.A : J’avais des relations avec Bush père
et non le fils. En 1984, j’avais fait une visite à la Maison
Blanche et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises dont
une fois lors des obsèques du président yougoslave Tito.
Q : Avec qui vous discutez et
passez le temps maintenant que vos compagnons de prison ont été
exécutés
T. A : Je reste avec mes camarades Akla Al
Kebissi, Latif Ab Mahal, un général ancien gouverneur, le
professeur Jamel, époux de Hella Saddam Hussein. Il m’a confié
une sacoche contenant deux exemplaires du Coran, une Bible et
d’autres livres politiques et de philosophie, n’ayant plus de
place dans sa cellule et possédant quelques uns d’entre eux en
double même plus.
Q : Quel est l’avenir de
l’Irak après tout ce qui s’est passé ?
T.A : Je suis convaincu que la coalition va
se défaire, que les Américains vont se retirer et que le peuple
irakien est un peuple vivant qui refuse l’injustice et enfin que
l’Irak redeviendra uni. Le peuple irakien est un peuple scolarisé
et éduqué et tout se remettra sur la bonne voie.
Q : Quel est le rôle actuel
du Vatican dans l’affaire irakienne ?
T.A : Je ne connais pas le nouveau Pape et ma
dernière visite au Vatican était en tant que ministre des
affaires étrangères de l’Irak. J’avais de bonnes relations,
officielles et personnelles avec l’ancien Pape mais actuellement
je ne connais pas la nouvelle politique du Vatican.
Q : Où irez-vous vivre si vous
sortez de prison ?
T.A : Je séjournerais quelque temps
avec ma famille en Jordanie puis je partirais en Italie !
Traduction de l’arabe : Ahmed Manai- http://www.tunisitri.net
(revue : AFI)
Photo : Témoignage de Tarek Aziz au procès
du Président Saddam Hussein. Les médias occidentaux n’ont pas
rendu compte de la teneur de cette intervention.
Texte en arabe : http://www.elaph.com/ElaphWeb/Politics/2006/5/150843.htm
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