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El-Watan
La
France et la question du Sahara occidental
Le choix dangereux de Sarkozy
T. Hocine
Nicolas Sarkozy et sa Majesté le Roi Mohammed
VI
Le président français, Nicolas Sarkozy,
a exprimé hier à Rabat son souhait que le plan marocain
d’autonomie pour le Sahara occidental soit « couronné de
succès ». « Il n’y a pas besoin de médiation. Le
Maroc a déposé un plan d’autonomie que j’ai qualifié de sérieux »,
a déclaré M. Sarkozy. « Les efforts qu’a faits le
Maroc devraient être couronnés de succès », a-t-il ajouté.
M. Sarkozy a jugé le plan marocain « sérieux et crédible »,
lors d’un discours devant le Parlement mardi à Rabat. « Le
plan d’autonomie marocain existe, il est sur la table et il
constitue un élément nouveau de proposition après des années
d’impasse », a-t-il ajouté. Le chef de l’Etat français
ne tarissait pas d’éloges sur le plan marocain dit
d’autonomie pour le Sahara occidental. Des propos pour une seule
partie qui se trouve être l’occupant traité comme tel par les
Nations unies dans le cadre de la commission de décolonisation,
en attendant le débat cette semaine autour d’un nouveau rapport
du secrétaire général de l’ONU sur ce conflit. Que dit ce
plan poliment rejeté par les Nations unies ? Elles ont tout
simplement pris note de la proposition marocaine, mais, dans le même
temps, appelé à des négociations directes dans le cadre de
l’autodétermination du peuple sahraoui. Les deux options sont
bien entendu opposables, et l’ONU qui a fait preuve de constance
a réaffirmé alors le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Plus que cela, les référents de la résolution 1754, du 30 avril
dernier, sont clairs en allant dans le sens de la doctrine de l’ONU.
Il s’agit d’une question de décolonisation et son règlement
passe obligatoirement par la libre expression du peuple sahraoui.
Et la France y a souscrit comme les quatorze autres membres du
Conseil de sécurité. Quant au Maroc qui refuse obstinément de
respecter ses propres engagements, il entend substituer le plan de
paix onusien auquel il avait souscrit en 1990, un régime
d’autonomie dans le cadre de ce qu’il déclare être sa
souveraineté. C’est à ce plan que le chef de l’Etat français
a apporté hier de manière solennelle son soutien. Des propos
tenus le jour même où le Conseil de sécurité était
destinataire d’un nouveau rapport du secrétaire général de
l’ONU. Et à suivre la logique développée par Nicolas Sarkozy,
« il n’y a pas besoin de médiation. Le Maroc a déposé
un plan d’autonomie que j’ai qualifié de sérieux », a
déclaré M. Sarkozy. « Les efforts qu’a faits le
Maroc devraient être couronnés de succès », a-t-il ajouté.
Au passage, M. Sarkozy a révélé qu’il s’était rendu
en 1991 à El Ayoun, chef-lieu du Sahara occidental, une zone de
guerre, ou plus encore la capitale d’un territoire occupé.
« Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de Français
qui se soient rendus si loin dans le désert », a-t-il dit,
alors même que cela constitue une marque de soutien à la
puissance occupante, comme l’ONU qualifie le Maroc, lui refusant
le statut de puissance administrante. M. Sarkozy vient ainsi
d’expliciter la notion de « solution politique négociée »
dans le cadre de l’ONU, en cherchant à substituer un plan à un
autre en impliquant les Nations unies, alors même que de
multiples tentatives tendant à dessaisir l’instance
internationale de ce dossier ont échoué. Le concept est simple,
il s’agit d’imposer un arrangement et il ne restera plus qu’à
le faire avaliser par l’ONU. L’Espagne, à titre d’exemple,
avait envisagé la même approche il y a deux années. Voilà donc
l’explication à donner à l’idée — bien dangereuse — de
solution politique alors même qu’il y a un plan de paix de l’ONU,
voté à l’unanimité. Il a aussi souligné que la position de
son pays n’a pas changé. Ce qui est vrai, même si la France
avait souscrit elle aussi au plan de paix de l’ONU, rassurée
probablement par le Maroc qui était, quant à lui, persuadé que
les Sahraouis voteraient contre l’indépendance. On notera alors
que la France continue à soutenir le Maroc. Reste maintenant le
contexte. Il s’agit, il est vrai, d’une visite d’Etat et
d’un discours devant les députés marocains. Mais ce n’est
pas tout, car d’aucuns n’hésiteraient pas à évoquer ce
marché de l’armement que les Américains peuvent remporter non
pas par les seules offres techniques et financières, mais plus
simplement parce que Washington a confirmé le 11 juillet un infléchissement
de sa position sur le Sahara occidental en apportant son soutien
à la position marocaine. On se rappelle du lobbying fait au mois
d’avril dernier pour imposer un tel plan, avant que la résolution
1754 du 30 avril 2007 ne remette les pendules à l’heure. Celle
de la décolonisation et par conséquent du droit du peuple
sahraoui à l’autodétermination. Une nouvelle résolution doit
être adoptée à la fin de ce mois. Il ne s’agira pas
uniquement de procéder au renouvellement du mandat de la Minurso,
une force qui porte bien son nom puisqu’elle a pour mission
d’organiser le référendum au Sahara occidental prévu par le
plan de paix de l’ONU.
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© El Watan 2006
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