Opinion
De plus en plus voyou : Les
crimes de guerre de l’OTAN en Libye
Susan Lindauer
Dimanche 12 juin 2011
C’est une histoire que CNN ne
couvrira pas. Tard dans la nuit
des coups à la porte dans la
ville de Misurata. Des soldats
armés sortent des jeunes femmes
libyennes de leurs lits avec
leurs armes. En embarquant les
femmes et les adolescentes dans
des camions, les soldats jettent
ces femmes dans des séances de
viols collectifs par des
rebelles de l’OTAN – ou bien les
violent devant leurs maris ou
leurs pères. Quand des rebelles
de l’OTAN finissent leur sport
de viol, ils tranchent les
gorges des femmes.
Selon des rapports de
réfugiés, les viols sont
désormais des actes de guerre
courants dans les villes tenues
par les rebelles, et font partie
d’une stratégie militaire
organisée.
Joanna Moriarty, qui fait
partie d’une délégation
d’investigation internationale,
visitant Tripoli cette semaine,
rapporte également que des
rebelles de l’OTAN sont passés
de maisons en maisons à
Misurata, demandant aux familles
s’ils soutiennent l’OTAN. Si les
familles répondent par la
négative, elles sont tuées sur
place. Si les familles disent
qu’elles veulent rester au
combat, les rebelles de l’OTAN
prennent pour les terroriser une
approche différente. Les portes
"de maisons neutres" sont
complètement obturées et
soudées, rapporte Moriarty,
prenant au piège les familles à
l’intérieur. Dans des maisons
libyennes, les fenêtres sont
typiquement protégées par des
barreaux. Ainsi quand les portes
d’une maison sont soudées, les
habitants libyens sont enfermés
dans leurs propres maisons, où
les forces de l’OTAN peuvent
être sûres que des familles
entières mourront lentement de
faim.
Cela se passe
quotidiennement. Ce ne sont pas
des événements isolés. Et les
soldats de Kadhafi ne sont pas
responsables. En fait, des
familles pro-Kadhafi et
"neutres" sont la cible de ces
attaques. Il est probable que
l’OTAN ait essayé de tirer parti
de ces évènements dans l’espoir
de les imputer aux forces de
Kadhafi. Ces attaques cependant
commencent à avoir un effet
contraire.
Flashback en Serbie
Ces événements sont
sinistrement évocateurs du
conflit de la Serbie dans les
Balkans avec ses camps de viol
tristement célèbres – sauf
qu’aujourd’hui l’OTAN elle-même
commet ces crimes de guerre –
comme s’ils avaient appris de
leurs ennemis la pire tactique
de terreur qui soit.
Leurs actions seraient
catégorisées comme crimes de
guerre, comme celles du leader
serbe, Slobodan Milosevic, sauf
que l’OTAN ne se permettra pas
de faire face à l’accusation.
Pour l’OTAN, les lois
internationales semblent être
réservées à l’adversaire.
L’OTAN a tort. Tant que les
gouvernements de l’OTAN
fournissent le financement, les
fusils d’assaut, l’entrainement
et la formation militaire, les
conseillers au sol, les
véhicules de soutien et
l’aviation, ils sont entièrement
responsables des actions de
leurs soldats dans la zone de
guerre. Les rebelles de Libye ne
sont pas une force de combat en
guenille non plus. Grâce aux
largesses de l’OTAN, financées
par les contribuables
étatsuniens et européens, ils
sont entièrement parés
d’uniformes militaires, défilant
dans les rues avec des véhicules
militaires pour que tout le
monde puisse les voir.
Et on les voit vraiment. À
Washington, le Congrès se plait
à prétendre que l’Amérique ne
s’est pas impliquée dans les
réalités quotidiennes de la
planification militaire.
Cependant les réfugiés ont
observé des soldats étatsuniens,
britanniques, français et
israéliens à proximité des
soldats rebelles attaquant des
civils.
"Les parties de viol" sont
les exemples les plus obscènes
de la perte de contrôle moral de
l’OTAN. Un père en pleurs a dit
à la délégation d’investigation
comment il y a environ deux
semaines des rebelles de l’OTAN
avaient ciblé sept ménages
distincts, enlevant une fille
vierge dans chaque famille
pro-Kadhafi. Les rebelles
étaient payés pour chaque fille
enlevée, de même qu’ils sont
payés pour chaque soldat libyen
qu’ils tuent – comme des soldats
mercenaires. Ils ont embarqué
les filles dans des camions et
les ont emmenées dans un
bâtiment où elles ont été
enfermées dans des pièces
séparées.
Les soldats de l’OTAN ont
continué à boire de l’alcool, et
à se saouler. Alors le leader
leur a dit d’aller violer les
filles vierges selon le mode du
viol collectif. Quand ils eurent
fini de violer les filles, le
leader de l’OTAN leur a dit de
trancher les seins des filles
vivantes et de les lui apporter.
Ils l’ont fait alors que les
filles étaient vivantes et
hurlant de douleur. Toutes les
filles sont mortes de mort
affreuse. Alors leurs seins
coupés ont été emmenés sur une
place locale et ont été mise en
place pour orthographier le mot
"putain".
Le père affligé a parlé lors
d’une convention d’ouvriers,
suivie par la délégation
d’enquête internationale. Il
pleurait ouvertement, comme
chacun d’entre nous le ferait.
Les délits de l’OTAN en Libye
sont aussi épouvantables et
impardonnables que la castration
de la Syrie et la mutilation du
garçon de 13 ans qui a choqué le
monde. Pourtant dès que l’OTAN
s’avère être en position de
culpabilité coupable, les média
occidentaux regardent avec
dégoût dans la direction
opposée.
Certains d’entre nous prêtent
attention. Nous pouvons voir que
l’OTAN est devenue le voyou en
Libye. Et le peuple libyen
lui-même considère cela comme
impardonnable. La semaine
dernière, 2000 chefs tribaux se
sont réunis à Tripoli pour
mettre sur pied une Constitution
pour leur pays, comme demandé
par le gouvernement britannique.
Notoirement, des navires de
guerre britanniques et des
drones américains ont bombardé
les rues de Tripoli avec des
bombes à bunker et des missiles
pendant des jours et des nuits à
proximité même de l’endroit où
les chefs tribaux se
réunissaient. De Tripoli, cela
donnait le terrible sentiment
que les Anglais essayaient
d’empêcher le peuple libyen de
mettre sur pied cette
constitution.
Les chefs tribaux
condamnent l’agression
britannique
Voici ce que ces 2000 chefs
tribaux avaient à dire de
l’agression britannique, dans
une déclaration approuvée
unanimement le 3 juin. Le scheik
Ali, le leader des chefs
tribaux, l’a transmise à Joanna
Moriarty et d’autres membres de
la mission internationale.
"Le peuple libyen a le droit
de se diriger lui-même. Des
attaques constantes depuis
le ciel, à toutes les heures
du jour (et de la nuit) ont
complètement perturbé les
vies des familles de Libye.
Il n’y a jamais eu de combat
à Tripoli, et pourtant nous
sommes bombardés chaque
jour. Nous sommes des civils
et nous sommes tués par les
Anglais et par l’OTAN. Les
civils sont des gens sans
armes à feu, cependant les
Anglais et l’OTAN protègent
seulement les croisés armés
de l’Est en agissant comme
leur armée d’attaque. Nous
avons lu les résolutions de
l’ONU et il n’y a aucune
mention de bombarder des
civils innocents. Il n’y a
aucune mention d’assassiner
les autorités légitimes dans
toute la Libye."
"Le peuple libyen a le
droit de choisir ses propres
leaders. Nous avons subi
l’occupation par des pays
étrangers pendant des
milliers d’années. Ce n’est
qu’au cours des 41 dernières
années que nous les Libyens
avons pu jouir de notre
propre propriété. Ce n’est
qu’au cours des 41 dernières
années que nous avons vu
notre pays se développer. Ce
n’est qu’au cours des 41
dernières années que nous
avons vu tous les Libyens
jouir de meilleures
conditions de vie tout en
sachant que nos enfants
auront une vie meilleure que
ce que nous avons eu. Mais
maintenant avec les Anglais
et les attentats à la bombe
de l’OTAN sur notre pays,
nous assistons à la
destruction de notre
infrastructure nouvelle et
développée."
"Nous des leaders voyons
la destruction de notre
culture. Nous des leaders
voyons des larmes dans les
yeux de nos enfants à cause
de la crainte constante" de
la "pluie de terreur" dans
les cieux de Libye des
Anglais et des attentats à
la bombe de l’OTAN. Nos
vieillards souffrent de
problèmes du cœur, de
diabète accru et de perte
d’énergie. Chaque jour nos
jeunes mères perdent leurs
bébés à cause du stress des
Anglais et des attentats à
la bombe de l’OTAN. Ces
bébés perdus sont l’avenir
de la Libye. Ils ne peuvent
jamais être remplacés. Nos
armées ont été détruites par
les Anglais et les attentats
à la bombe de l’OTAN. Nous
ne pouvons pas nous défendre
d’attaques de qui que ce
soit."
"En tant que chefs
tribaux de Libye, nous
devons demander : pourquoi
les Anglais et l’OTAN
ont-ils décidé d’engager
cette guerre contre le
peuple libyen ? Il y a un
nombre limité de dissidents
à l’est de la Libye qui a
initié une insurrection
armée contre notre autorité
légitime. Tout pays a le
droit de se défendre contre
une insurrection armée.
Pourquoi donc la Libye ne
peut-elle pas se défendre ?"
"Les chefs tribaux de Libye
exigent que tous les actes
d’agression, par les Anglais
et par l’OTAN, contre le
peuple libyen s’arrêtent
immédiatement.
Le 3 juin 2011."
Ceci donne-t-il à penser que
l’OTAN dispose une stratégie
gagnante ? S’il en est ainsi,
ils devraient y penser à deux
fois. Même si Kadhafi tombe,
l’OTAN n’a aucun espoir de se
débarrasser de l’entièreté de
structure tribale de la Libye,
qui comprend toutes les familles
et les clans. Au lieu de cela,
avec chaque missile qui percute
un nouveau bâtiment, l’OTAN est
en train de perdre la bataille
pour les cœurs et les esprits du
peuple libyen.
Réactions tribales
Le peuple libyen résiste. Ce
rapport est arrivé de Tripoli
aujourd’hui. Il n’est pas édité
et décrit une réaction dans la
guerre tribale de la Ville de
Darna à l’Est, où l’on suppose
que la rébellion est la plus
forte :
"Des gens ont trouvé le corps
de Martyr Hamdi Jumaa Al-Shalwi
dans la ville de Darna, à l’Est
de la Libye. Sa tête avait été
coupée et placée ensuite devant
le siège social de la Sécurité
Intérieure de Dernah. Cela s’est
passé suite à un kidnapping au
point de contrôle Herich. En
réponse à cela, la famille
Al-Shalwi a érigé une tente
d’obsèques pour recevoir des
condoléances, où a été hissé le
drapeau vert [de la Libye].
Après les obsèques la ville
entière de Darna est montée avec
toutes ses tribus qui
comprennent : la famillle Abu
Jazia, la famille Al-Shalwi, les
familles Quba, les familles Ain
Marra. Après cela, la famille
Al-Shalwi et la tribu Bojazia
ont attaqué le siège social du
Conseil Transitoire et ont tué
tous les rats (les rebelles) et
des drapeaux verts ont été
hissés. En outre, le fils de
Sofian Qamom a été tué, de même
que deux membres d’ Al Qaeda ont
été tués par les résidants de la
ville de Darna. Le drapeau du
Jamahiriya libyen a été hissé
au-dessus de Darna après les
heurts. "
CNN n’a rien rapporté de tout
ceci. Les médias conventionnels
continuent à faire croire aux
étatsuniens à de faux progrès
sur la guerre libyenne. Les
étatsuniens sont hors jeu
vis-à-vis des échecs de l’effort
de guerre. Par conséquent, les
Libyens perdent confiance
vis-à-vis du potentiel d’amitié
avec l’Ouest. Un champion peu
probable pourrait rétablir cette
confiance. Pour le moment une
équipe d’avocats internationaux
est en train de préparer des
griefs d’urgence pour le compte
des chefs tribaux et du peuple
libyens. La Communauté de Paix
Internationale pourrait
contribuer considérablement à la
reconstitution de la confiance
de la Libye envers l’Ouest en
soutenant cette action de droits
de l’homme. En effet, le peuple
libyen et les chefs tribaux
méritent notre soutien. Ensemble
nous devons exiger que l’OTAN
fasse face à la aux accusations
pour crime de guerre, sur base
de ces exemples ainsi que
d’autres.
Il doit être exigé des
gouvernements de l’OTAN qu’ils
paient pour dommages et intérêts
financiers aux familles
libyennes, de la même façon que
ce que les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne exigeraient pour
le compte de leurs propres
citoyens dans des circonstances
identiques. Le monde ne peut pas
tolérer des doubles standards
par lesquels des nations
puissantes abusent de citoyens
impuissants. Les conventions
internationales de guerre de
Genève doivent être mises en
application et la force égale de
la loi doit être appliquée.
Le Combat pour
Misurata
Quoique les attaques soient
étendues, certains des pires
abus se produisent à Misurata.
La ville dispose du seul grand
port en Libye et traite le
transport pour le pays, y
compris les plus grands dépôts
pétroliers et à gaz. L’OTAN fera
tout pour prendre la Ville.
Des réfugiés rapportent que
le drapeau à l’Étoile de David
israélien a été hissé sur la
plus grande Mosquée de Misurata
le deuxième jour des combats,
des actions visant à humilier et
contrarier à la population
locale.
Des forces de l’OTAN ont
coupé l’approvisionnement
alimentaire et médical partout
dans le pays. Mais le poisson
est abondants dans des eaux
méditerranéennes. Des pêcheurs
courageux ont pris leurs bateaux
du port, et essayent de récolter
le poisson pour la population
affamée. Pour entraver leur
persévérance, des drones
américains et des avions de
guerre britanniques tirent des
missiles sur les bateaux de
pêche, visant délibérément des
navires non-militaires pour les
déloger.
Pourtant malgré toute sa
puissance de feu et ses
avantages tactiques, l’OTAN
semble être en train de perdre.
Selon la délégation d’enquête
aujourd’hui, beaucoup de
rebelles ont quitté) Misurata et
sont repartis en bateau pour
Benghazi. La majeure partie du
centre de Misurata est
maintenant libre et sous
contrôle militaire central. Le
peuple libyen a abattu deux
hélicoptères de combat près de
la ville de Zlitan. Et bien
qu’Al Jazeera ait montré toute
une histoire sur un soulèvement
majeur contre Kadhafi à Tripoli,
une des femmes d’un leader
tribal vit dans la rue qui
aurait supposément été au centre
de la manifestation et aurait
déclaré qu’elle n’a vu aucune
foule depuis sa fenêtre. Et il
n’y a pas de bus à Tripoli comme
ceux qui ont été décrits dans la
vidéo d’Al Jazeera.
On doit se demander : quel
genre de société l’OTAN
pense-t-elle créer si Kadhafi
peut en fait être expulsé, ce
qui semble très peu probable ?
Washington et Londres n’ont-ils
rien appris de leur échec en
Irak ? La cruauté et la
dégradation des forces de l’OTAN
alimentent déjà des haines
profondes qui continueront pour
la génération suivante.
Qui pourrait être fier de
tels "alliés" ? Sûrement pas le
peuple libyen.
Des soldats de l’OTAN ne
valent guère mieux que des
voyous. N’importe qui d’autre
serait étiqueté de terroriste.
Plus inquiétant, il peut être
garanti que les actions de
l’OTAN auront des conséquences
sérieuses à long terme sur la
stabilité politique en Libye.
Des vendettas se forment entre
des tribus et des clans
familiaux et celles-ci se
poursuivront pendant des
décennies. Les exactions (de
l’OTAN) font preuve d’une vision
à extrêmement court terme et
sont autodestructives.
L’OTAN devrait prendre cet
avertissement à cœur : ses
soldats ne sont pas à l’abri de
répercussions juridiques. La
Communauté Internationale de
Paix agit dors et déjà pour
soutenir les droits naturels de
la Libye aux Nations unies.
Beaucoup d’entre nous dans la
Communauté Internationale de
Paix défendront les femmes de
Libye. Et nous exigerons une
accusation pour crimes de guerre
et des dommages et intérêts
financiers majeurs envers les
gouvernements de l’OTAN, pour le
compte du peuple libyen.
Personne ne croit à
l’histoire de l’OTAN selon
laquelle Kadhafi est le parti
coupable. Nous savons que
Washington, la Grande-Bretagne,
la France, l’Italie – et Israël
sont ici les véritables
criminels.
Les femmes assassinées de
Misurata auront la justice.
l’OTAN peut compter dessus.
Susan Lindauer, ex-correspondante américaine
pour la Libye aux Nations unies.
Article paru 7 juin 2011 sur
http://www.veteranstoday.com/2011/0...
Traduction copyleft
Jean-Luc Guilmot - 11 juin 2011
Cet article peut être
réimprimé en tout ou en partie
avec l’attribution à l’auteur.
Susan Lindauer a couvert la
Libye aux Nations unies comme
correspondante américaine de
1995 à 2003 et a initié des
pourparlers pour le Procès de
Lockerbie. Lanceuse d’alertes
sur les événements du
11-Septembre, au même titre que
la turco-américaine Sibel
Edmonds, elle est l’auteur du
livre Préjudice Extrême :
L’histoire terrifiante du
Patriot Act et les
dissimulations du 11/9 et de
l’Irak qui relate son calvaire
en tant que deuxième Américaine
non arabe à avoir été inculpée
au travers des lois Patriot Act,
et à avoir dû faire face à des
accusations secrètes, des
preuves secrètes, des
témoignages secrets d’un jury
d’accusation, ainsi qu’à des
menaces de détention illimitée.
© LE GRAND SOIR -
Diffusion non-commerciale autorisée et
même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 17 juin 2011
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