Liban
L'acte
d'accusation et le cafouillage des
télécoms
Soraya Hélou
Mardi 30 août
2011
Le fait
est passé presque inaperçu en raison de
l'actualité fournie ces derniers temps,
mais surtout parce que les arguments
sont solides et que l'orchestre mené par
ceux qui se tiennent derrière le TSL et
leurs alliés libanais ne savent comment
y répondre. Lorsque la logique impose
une réflexion, ceux qui ne veulent pas
la faire préfèrent l'occulter. C'est ce
qui se passe avec le contenu de la
dernière conférence de presse du
président de la commission parlementaire
de l'Information et des Télécoms Hassan
Fadlallah. Les médias du 14 mars l'ont à
peine mentionnée, sans en évoquer le
contenu, simplement pour dire qu'il
s'agit d'une répétition de ce qui avait
été précédemment dit. Et voilà on ferme
le dossier en évitant de se pencher sur
le fond. Pourquoi ? Parce que le fond
risque de jeter le doute sur le contenu
et la crédibilité de l'acte
d'accusation. Voilà donc les critères
professionnels du TSL qui publie un acte
d'accusation essentiellement basé sur
l'indice des communications
téléphoniques entre divers groupes de
lignes à un moment précis et dans un
cercle géographique précis avant d'en
déduire que ces groupes appartiennent
aux auteurs de l'assassinat du Premier
ministre Rafic Hariri le 14 février
2005. A l'aide de schémas complexes et
colorés, le procureur Bellemare monte
son scénario et déduit des éléments
qu'il a tirés des relevés des
communications des différentes sociétés
de téléphonie mobile au Liban, violant
ainsi le principe de respect de la vie
privée des gens que les auteurs de
l'attentat étaient divisés en petits
groupes qui ont surveillé et exécuté
l'assassinat en communiquant entre eux
par le biais des lignes cellulaires.
C'est aussi simple que cela : une
coïncidence dans le temps et le lieu
permet au procureur international
d'accuser d'un crime odieux quatre
personnes. Et lorsque le député Hassan
Fadlallah en présence du ministre des
Télécoms et avec l'aide d'experts dans
le secteur de la téléphonie démontre que
la fédération internationale des
télécommunications a constaté et dénoncé
le contrôle israélien du secteur
libanais de téléphonie, il passe outre.
Tout comme il passe outre le fait que
dans cette conférence de presse et celle
qui l'avait précédée et qui avait tenue
en collaboration avec l'ancien ministre
des Télécoms Charbel Nahas, il a été
démontré que les indications de lieu
dans les relevés ne sont pas très
précises. D'ailleurs, il est possible
d'abord de falsifier les relevés des
télécommunications, ensuite d'introduire
des puces électroniques dans des
appareils qui permettent d'appeler à
partir de ces appareils à l'insu de
leurs propriétaires, tout comme il est
possible de cloner un appareil et de
faire comme s'il en avait appelé un
autre alors que le numéro initial ne l'a
pas fait. En d'autres termes, ni les
appels, ni les indications de lieu ne
sont authentifiés. Sans parler du fait
que sur des centaines de milliers
d'appel réalisés au même moment dans des
lieux proches ou utilisant les mêmes
réseaux, truqués ou non, il est
difficile de sélectionner seulement
quelques uns juste pour pouvoir accuser
un petit groupe...
C'est cela l'enquête du procureur
Bellemare. Six ans de travail avec des
équipes ultra-professionnelles et des
moyens énormes sans parler des salaires
hallucinants (certains membres de la
commission d'enquête internationale
touchent 40000 dollars par mois, sans
parler des « bonus » en extras donnés
par des parties intéressées par le cours
de l'enquête, tels que montrés par le
petit film révélé par le secrétaire
général du Hezbollah sayed Hassan
Nasrallah au cours d'une de ses
conférences de presse et qui n'a poussé
aucun des valeureux magistrats à ouvrir
une enquête) pour aboutir à un tel acte
d'accusation construit autour d'une
hypothèse non vérifiée et qui n'est pas
la seule piste, basé sur des preuves
indirectes peu crédibles ni
politiquement ni techniquement, et
dépourvu du moindre mobile. Alors qu'en
matière d'enquête judiciaire, la
première question des enquêteurs est la
suivante : à qui profite le crime ? Même
sans la moindre arrière-pensée, il est
difficile de prendre au sérieux un tel
acte d'accusation. Mais qui, au sein du
TSL et même du Conseil de sécurité qui
est à l'origine de la création de ce
tribunal aura l'honnêteté de dire à M.
Bellemare de revoir sa copie ?
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