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Opinion
Un courant favorable
au report de l'acte d'accusation émerge aux Etats-Unis...
Soraya Hélou
Londres, le 22 décembre 2010
Il est désormais certain que le Liban est entré dans une sorte
de période de trêve au moins jusqu’au mois de janvier. Les
menaces concernant la publication imminente de l’acte
d’accusation du TSL connaissent une pause et le Conseil des
ministres est en congé des fêtes de fin d’année. Toutefois, les
agressions verbales du camp du 14 mars contre le Hezbollah et
l’opposition en général ne semblent pas vouloir baisser d’un
cran, comme si ce camp, se sentant en perte de vitesse n’a le
sentiment d’exister que s’il acte ses adversaires. Le camp du 14
mars multiplie donc les déclarations dans lesquelles il affirme
que ce n’est que partie remise et que l’acte d’accusation du TSL
devrait paraître au plus tôt, ajoutant que le Hezbollah se
comporte comme un accusé. Ces menaces à peine déguisées sont
étayées par des déclarations de responsables occidentaux comme
ministre britannique des AE qui a annoncé récemment que le Liban
connaîtrait des troubles à partir du mois de janvier 2011. Ces
déclarations sont d’ailleurs étonnantes surtout de la part de
responsables occidentaux qui en principe ne se permettent pas
d’annoncer ce genre de mauvaises nouvelles ouvertement et les
transmettent généralement, lorsqu’ils en ont par des voies
diplomatiques ou sécuritaires. Mais voilà, au Liban rien ne se
passe jamais comme dans le reste du monde.
Ces déclarations intempestives ressemblent en effet plus à des
menaces visant à maintenir la pression sur le Hezbollah et
l’opposition, plutôt qu’à des données vérifiées. C’est comme si
la communauté internationale craignait que le report évident de
l’acte d’accusation (il avait été annoncé pour l’été, puis pour
septembre et récemment pour décembre) ne permette au Hezbollah
de sentir qu’il a gagné la première manche et par conséquent
d’affaiblir encore plus le camp du 14 mars déjà affaibli par
ses mauvais choix, ses changements d’orientation ( comme le
voyage en Iran du Premier ministre Saad Hariri) et les fuites de
Wikileaks qui montrent le double langage d’une grande partie de
ses membres. Pourtant, selon des sources diplomatiques bien
informées, le Hezbollah pourrait ne pas avoir gagné la première
manche mais peut-être toute la bataille du TSL. Ces sources
révèlent en effet qu’il existe un courant de plus en plus
important au sein de l’administration américaine, notamment
dans le National Security Council, qui penche pour la non
publication de l’acte d’accusation dans un proche avenir. Selon
ces sources, la thèse de ce courant repose sur les données
suivantes : d’abord la menace de la publication de l’acte
d’accusation est plus utile comme moyen de pression que sa
publication effective. De plus, si cet acte est publié, sans
entente préalable entre les Libanais, le Hezbollah et
l’opposition risquent fortement de mettre à exécution leurs
menaces de réagir. Sans avoir une idée précise du plan d’action
de l’opposition, les partisans de cette théorie sont convaincus
que celle-ci placera le pays sous son contrôle, avec ou sans
violence, (et si elle renverse la majorité parlementaire sans le
moindre acte de violence, la communauté internationale ne peut
qu’accepter ce processus politique démocratique- tous les
diplomates et émissaires internationaux sondés sur cette
question y ont répondu très clairement). Dans ce cas, le camp du
14 mars ne sera plus au pouvoir ou y sera minoritaire, sans
moyen d’influer sur les décisions importantes. De la sorte, la
communauté internationale serait privée de son meilleur allié au
Liban, qui basculerait presque entièrement dans l’axe dit
syro-iranien. Les intérêts occidentaux recevraient ainsi un coup
important puisqu’ils perdraient une prise directe sur le cours
des événements au Liban et en l’absence d’un plan d’agression
israélien clair et aux résultats garantis, cela risquerait de
renforcer encore plus l’opposition et le Hezbollah en
particulier. Dans ce contexte, ce courant pencherait donc vers
un report de la publication de l’acte d’accusation pour une
période prolongée, de manière à maintenir la pression sur le
Hezbollah tout en observant l’évolution des données régionales,
notamment le dialogue entre la communauté internationale et
l’Iran.
Un autre courant au sein de l’administration américaine,
notamment au Département d’Etat traditionnellement plus proche
du lobby sioniste, pense au contraire qu’il faut publier l’acte
d’accusation au plus tôt pour accélérer le processus de
déstabilisation du Liban et de division des Libanais. Jusqu’à
présent, le premier courant semble en train de marquer des
points et s’il y a eu un nouveau report, c’est qu’il peut y en
avoir d’autres. Sans oublier le fait que le TSL est en train de
se transformer en fardeau avec les irrégularités juridiques dans
les amendements de son statut, les révélations de Wikileaks sur
les contacts entre le procureur Bellemare et les renseignements
américains. Ce n’est sans doute pas un hasard si dans son
dernier discours politique le secrétaire général du Hezbollah
sayed Hassan Nasrallah a affirmé que des scandales pires que
ceux de Wikileaks attendent le TSL… Pour l’instant donc, on ne
peut pas dire qu’un courant américain a remporté la partie. Mais
aux Etats-Unis et au sein de la communauté internationale, de
plus en plus de voix penchent vers un report de l’acte
d’accusation…Le camp du 14 mars ne peut pas ignorer cette
tendance et il cache ce nouveau camouflet en haussant le ton.
Une fois de plus, il vit dans ses illusions et le réveil n’en
sera que plus dur.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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