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Opinion
L'acte d'accusation
vers un report de longue durée...
Soraya Hélou
Saad Hariri
Vendredi 18 mars 2011
Entre les révolutions arabes et les tentatives de reprise en
main américaines, la revendication du 14 mars de désarmer la
résistance et la lenteur du processus gouvernemental,
l’actualité libanaise n’évoque plus l’acte d’accusation. Curieux
pour un élément qui a conditionné la vie politique des Libanais
depuis plusieurs mois! Que se passe-t-il donc à ce sujet? En
est-on réellement arrivé au stade où l’enquête se poursuit
discrètement, conformément aux règles élémentaires de secret de
l’instruction, après des mois, voire des années de « fuites »
bien orchestrées? Les questions sont d’autant plus justifiées
que la publication de l’acte d’accusation du TSL avait été
annoncée pour le mois en cours. Or, la dernière nouvelle
annoncée au sujet de cet acte d’accusation a été la remise par
le procureur Bellemare d’une nouvelle copie « amendée et élargie
» au juge Fransen, le 11 mars, c’est-à-dire à la veille du
rassemblement du 13 mars organisé par le 14…
Enquête faite auprès des diplomates européens, il semblerait que
le juge Fransen n’aurait pas été convaincu par la première
version remise par Bellemare qui comporterait des lacunes,
notamment au sujet de certaines dépositions non signées par
leurs auteurs, conformément à la loi et de certaines conclusions
tirées par le procureur sur la base d’éléments insuffisants.
Si Bellemare a tenté de compenser les lacunes de son acte
d’accusation qui aurait dû être publié ce mois en remettant sa
nouvelle copie, selon un timing clairement politique, la réalité
n’en demeure pas moins la suivante: l’acte d’accusation final ne
semble pas prêt à voir le jour dans un proche avenir. Des
sources diplomatiques proches des Européens laissent même
entendre qu’il ne devrait pas être publié avant, au mieux,
septembre prochain. Selon ces sources, l’acte d’accusation a un
double objectif politique aux yeux des Etats-Unis: un objectif
interne, visant à affaiblir le Hezbollah et à renforcer le camp
dit pro-occidental et un objectif régional permettant de mettre
en difficulté la Syrie et l’Iran.
Or, sur le plan interne libanais, depuis la chute du
gouvernement d’union nationale et l’impossibilité pour Saad
Hariri de revenir à la présidence du Conseil en dépit de toutes
les pressions effectuées dans ce sens, le camp du 14 mars est
affaibli et hors des arcanes du pouvoir, il ne peut pas vraiment
profiter de la publication de l’acte d’accusation. D’autant que
les points forts de
l’acte d’accusation ont été discrédités les uns après les autres
par la campagne du Hezbollah. Il y avait ainsi d’abord les faux
témoins qui sont devenus une carte perdante et qui risquent de
provoquer un scandale terrible si le nouveau gouvernement est
formé et les défère devant la Cour de justice libanaise. Il y a
eu ensuite la piste des communications téléphoniques qui est
devenue une passoire ridicule avec les preuves apportées par le
Hezbollah du contrôle de ce secteur par les Israéliens. Les
sources proches des Européens évoquent aussi d’autres pistes
récemment creusées mais elles ajoutent qu’elles ont encore
besoin d’être consolidées. Ce qui les rend inutilisables pour
l’instant. Pour ces raisons, les sources précitées estiment que
la publication de l’acte d’accusation dans un proche avenir
n’est ni efficace ni probable.
Sur le plan régional, la situation serait actuellement si
confuse que les Etats-Unis empêtrés dans leur volonté d’établir
des liens étroits avec la nouvelle direction égyptienne,
d’empêcher une aggravation de la crise bahreinie et une
implication encore plus grande de l’Arabie saoudite, sans
oublier la situation désastreuses en Libye, n’auraient pour
l’instant aucune vision claire.
En Libye, les Américains sont tiraillés entre le maintien d’un
dictateur indéfendable, qui au pouvoir, se retournerait contre
eux, et une rébellion faible et inconnue ne savent plus quelle
attitude adopter alors que le nombre de victimes ne cesse de
s’aggraver. De même, la déstabilisation à Bahrein risque de
renforcer l’influence iranienne dans la région, alors que les
troubles menacent l’Arabie saoudite, à l’intérieur et à ses
frontières avec le Yémen et Bahrein. D’autres pays sont aussi
menacés par une révolte populaire et dans ce contexte explosif,
les Etats-Unis considèrent que la publication d’un acte
d’accusation qui impliquerait des dirigeants iraniens et syriens
ne ferait que compliquer la situation et rendre un dialogue
éventuel encore plus difficile. Pour toutes ces raisons, l’acte
d’accusation pourrait donc attendre un peu dans les tiroirs de
La Haye, d’une part parce que techniquement il n’est pas prêt et
d’autre part parce que dans le contexte actuel sa publication
n’aurait pas l’effet escompté pour tous ceux qui cherchent à
l’instrumentaliser politiquement et sécuritairement. C’est en
tout cas le point de vue des sources précitées.
Le feuilleton de l’acte d’accusation n’est donc pas fini. Il
faut attendre la « Part 2 »… qui, d’ailleurs, n’aura peut-être
jamais lieu.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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