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Opinion
Un show
spectaculaire et des discours sans consistance
Soraya Hélou
Saad Hariri
Lundi 14 mars 2011
On nous avait annoncé une surprise et elle a été de taille.
Taille étant bien le mot qui s’impose puisque les Libanais
participant au rassemblement du 13 mars ou plantés devant leurs
écrans de télévision ont pu constater que le chef du Courant du
Futur en a une de mannequin. Si jamais il ne parvient pas à
reconquérir le poste de Premier ministre, il pourrait entamer
une nouvelle carrière. Pour singer une publicité qui avait fait
mouche en France il y a quelques années, le 13 mars cheikh Saad
Hariri a donc enlevé le haut et tous ceux qui l’ont vu se
demandent quand va-t-il enlever le bas. Trêve de plaisanterie,
mais il est vrai que le spectacle donné par cheikh Saad dimanche
méritait ce genre de commentaires, d’autant qu’il se voulait
cool, décontracté, jeune et plein de dynamisme et qu’il a dû
répéter la scène plusieurs fois avec ses « coachs » grassement
payés et que le résultat a été une scène lente, absolument pas
naturelle et à la limite ridicule. D’ailleurs, au lendemain du
13 mars, c’est cette scène qui est le plus restée dans les
esprits et qui a suscité une série de blagues plus ou moins
réussies.
Cela, sur le plan de la forme. Sur le fond, hélas, il n’y a pas
grand-chose à dire, les neuf orateurs qui se sont succédés à la
tribune ont brillé par l’inconsistance de leurs discours,
tournant autour du slogan du rassemblement « non aux armes »,
sans apporter le moindre élément nouveau. Samir Geagea a ainsi
collecté des extraits de poèmes piqués un peu partout chez les
grands poètes arabes et il les a déclamés avec suffisamment
d’emphase pour donner l’illusion d’un contenu intéressant. Ghazi
Youssef- le seul chiite que les organisateurs ont réussi à
convaincre de prononcer un discours mais dont la plupart des
présents ignoraient la confession, au point que la présentatrice
a dû insister sur cet aspect avant de lui donner la parole- a
évoqué
l’impact négatif des armes de la résistance sur l’économie
libanaise. Boutros Harb a tenté de se démarquer en tentant de
tendre la main à l’autre camp, Amine Germayel a répété des
slogans déjà entendus, ainsi que Farès Souhaid Samir Frangié et
bien sûr Elias Atallah, sans oublier Farid Mkari qui a toujours
impressionné les Libanais par ses talents oratoires.
Tous ces orateurs, dont une grande majorité de chrétiens,
avaient pour objectif de « chauffer la salle », en attendant le
clou du spectacle, le discours de Saad Hariri.
Cheikh Saad a donc prononcé son allocution qui en fait, ne
contenait qu’une seule phrase intéressante: acceptez-vous,
a-t-il demandé à la foule, un gouvernement sous la tutelle des
armes? Car en fait, toute la justification de cette campagne est
là: Saad Hariri et avec lui, son camp, ont perdu la présidence
du Conseil et ils veulent la récupérer. Si cela devait arriver,
« cool Saad » oublierait du coup le poids des armes sur la scène
interne ainsi que la gigantesque campagne qu’il est en train de
mener. Pour lui, tout tourne donc autour de la présidence du
Conseil dont il estime avoir été injustement privé par la ruse
et la trahison. Au passage, il n’a pas pu s’empêcher de régler
quelques comptes, notamment avec le président de la Chambre qui,
selon lui, est le dernier à pouvoir donner des leçons sur
l’alternance du pouvoir puisqu’il occupe cette fonction depuis
1992. Mais là cheikh Saad oublie qu’il a eu l’occasion en 2005
et en 2009 de le changer, après les élections législatives dans
lesquelles son camp avait obtenu la majorité. Mais il n’a pas
voulu le faire, convaincu que Nabih Berry pourrait se retourner
contre le Hezbollah et qu’il vaut mieux le garder à sa place
pour provoquer une scission dans le camp chiite. Si ses calculs
se sont avérés faux, il n’a qu’à s’en blâmer lui-même. Mais
procéder à une autocritique ne semble pas être le fort de Saad
Hariri ni de son camp. Ils ont mal calculé la position de Nabih
Berry et celle de Walid Joumblatt, ils n’ont pas compris que
l’opposition était en mesure de procéder à un changement de
majorité selon un processus démocratique et constitutionnel le
moment voulu et ils ont sous estimé la capacité d’endurance du
Premier ministre désigné Négib Mikati. Ils ont donc accumulé les
erreurs et veulent que la nouvelle majorité en paie le prix.
Mais ce n’est pas à travers le rassemblement du 13 mars qu’ils
pourront atteindre leur objectif. Les présents et ceux qui
regardaient à travers la télévision ont vainement attendu un
programme concret, une démarche, un processus qui puisse
indiquer comment ils vont concrétiser leur « rejet des armes »,
mais rien n’est venu. Du bla bla, du bla bla et encore du bla
bla, avec toutefois un portrait gigantesque du roi Abdallah
d’Arabie parachuté sur la place de la liberté sans aucune
justification. Est-il donc le parrain de ce mouvement de la
liberté, de la démocratie et de la souveraineté? Quant à Rafic
Hariri, il était certainement le grand absent du meeting du 13
mars.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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