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Opinion
Désormais, tout se
joue cartes sur tables...
Soraya Hélou
Saad Hariri
Jeudi 13 janvier 2011
Les dés sont jetés. Après des mois d’atermoiement, d’hésitations
et de tentatives de gagner du temps enrobées de promesses
creuses de la part du camp du 14 mars, l’heure de vérité a
sonné. Avec l’annonce officielle de la fin de l’initiative
syro-saoudienne, l’opposition -qui avait voulu donner toute sa
chance à ces efforts- , a fait une dernière tentative de
conciliation en réclamant la tenue d’un Conseil des ministres
extraordinaire pour voir comment faire face aux effets négatifs
de l’acte d’accusation. Mais une fois de plus, le camp du 14
mars a laissé passer la chance d’éviter une nouvelle crise au
pays. Bercé sans doute par les promesses d’appui des Etats-Unis
et de certaines parties arabes et internationales, le camp du 14
mars n’a sans doute pas pris au sérieux les réactions de
l’opposition. Pourtant celle-ci a non seulement donné le temps
nécessaire aux possibilités de règlement, mais elle a aussi
largement expliqué qu’elle ne laisserait pas un de ses piliers
se faire accuser injustement d’un crime qu’il n’a pas commis et
permettre ainsi l’éclatement d’une discorde interne sans réagir.
Tout comme au moment de la formation du gouvernement d’union
nationale présidé par cheikh Saad Hariri, le camp du 14 mars a
obstinément refusé de reconnaître que l’opposition avait obtenu
ce qu’elle réclamait à savoir le tiers dit de garantie…Une fois
de plus, ce camp a fait preuve d’irréalisme et les faits se sont
produits exactement comme l’avait prédit l’opposition.
Le gouvernement de Saad Hariri qui avait été annoncé à partir de
Rabié par le général Aoun qui avait divulgué les noms de « ses
ministres » avant la naissance officielle du gouvernement a été
déclaré démissionnaire à partir de Rabié toujours. Même le
scénario de la démission du ministre Adnane Sayyed Hussein a été
mis au point en coordination avec l’opposition et Saad Hariri
est sorti de la Maison Blanche ancien Premier ministre en
entrant il y était encore. Un pas important a donc été franchi
et avec la démission du gouvernement né après l’accord de Doha
et les élections législatives de 2009 s’ouvre une nouvelle étape
dans la vie politique libanaise.
Et maintenant ? La question est sur toutes les lèvres. S’il est
difficile de prévoir avec précision la suite des événements
puisque la scène libanaise est ouverte à plusieurs joueurs, on
peut déjà dire qu’en toute logique, le président de la
République après avoir déclaré le gouvernement démissionnaire
devrait fixer la date de nouvelles consultations parlementaires
obligatoires. Et c’est là que les pronostics se multiplient. La
grande inconnue reste la position de Walid Joumblatt. S’il se
range aux côtés de l’opposition (Ce qui est le plus probable),
celle-ci pourra imposer son candidat pour la présidence d’un
nouveau gouvernement. Sinon, le Liban entrera dans une crise
gouvernementale et devra se contenter d’un gouvernement
démissionnaire chargé de gérer les affaires courantes et par
conséquent incapable de prendre les décisions importantes
rendues nécessaires par la publication de l’acte d’accusation.
Comme ce n’est certes pas le but recherché par l’opposition, il
faut donc croire qu’elle a bien étudié ses initiatives et si
elle a décidé de faire chuter l’actuel gouvernement c’est parce
qu’elle sait qu’elle peut en former un autre. Dans ces
conditions, deux scénarios sont possibles: soit cheikh Saad
Hariri est de nouveau nommé. Dans ce cas, cela signifierait
qu’un compromis est en préparation et il formerait un
gouvernement sans les faucons du 14 mars et donc plus en mesure
de prendre les décisions qui protégeraient le Liban des
conséquences de l’acte d’accusation. Soit l’opposition plus
Joumblatt parvient à nommer une personnalité sunnite crédible
qui, elle, formerait un gouvernement plus aligné sur la position
de l’opposition. Dans ce cas, le rapport des forces actuel
serait modifié et le 14 mars aurait perdu ses positions au sein
du pouvoir. Certaines sources proches du 14 mars vont même
jusqu’à laisser entendre que Saad Hariri préférerait ne pas
assumer de responsabilités officielles dans l’étape actuelle et
ce serait de bon gré qu’il céderait la présidence du
gouvernement à une autre personnalité, pour retrouver ce poste
lorsque cette crise sera dépassée. Mais d’autres sources proches
de l’opposition sont beaucoup moins optimistes au sujet de
l’attitude de cheikh Saad. Elles estiment qu’après avoir refusé
le compromis en position de force en tant que Premier ministre,
il ne peut pas l’accepter maintenant. L’opposition devra former
un gouvernement sans le 14 mars, dans un climat de protestation
voire de condamnation du 14 mars et de ses protecteurs
internationaux, même si cela doit entraîner un changement
politique important. Si ce scénario permettra à l’opposition de
tenir les rênes du pouvoir et de prendre les décisions qu’elle
juge nécessaires pour sortir le pays de la crise, celle-ci doit
aussi s’attendre à des tentatives de la faire échouer, sur le
terrain ou par le biais de décisions internationales. Toutefois,
la démarche de l’opposition est totalement démocratique et ni
l’Onu, ni les Etats-Unis ne peuvent condamner un changement de
gouvernement qui se fait selon les règles démocratiques et sans
grabuge sur le terrain.
Quel que soit le scénario qui se produira, une grande majorité
de Libanais pense que tout vaut mieux que le pourrissement qui
était en train de gagner toutes les institutions de l’Etat. Une
nouvelle étape commence. Elle a le mérite d’être basée sur des
positions plus claires. Pendant près de six ans, il n’y a eu que
mensonges et coups bas, sous couvert de préserver l’unité
nationale. Désormais, il faudra jouer cartes sur tables et les
Libanais sauront enfin qui cherche à sauver le pays et qui
cherche à le noyer dans les déclarations pour mieux en faire un
instrument entre les mains des Etats-Unis et d’Israël.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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