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Opinion
D'étranges
coïncidences...
Soraya Hélou
Le procureur Daniel Bellemare
Jeudi 12 mai 2011
Le procureur Daniel Bellemare n’a décidément pas beaucoup de
chance. Chaque fois que, comme par hasard, il prend une nouvelle
initiative au sujet de son acte d’accusation, elle coïncide avec
un développement politique libanais ou régional. Et sa démarche,
purement juridique bien évidemment devient sujette à des
interprétations politiques de nature à la discréditer.
Le 17 janvier, il avait donc remis la première version de son
acte d’accusation, tant de fois annoncé et autant de fois
reporté, au juge de la mise en état Daniel Fransen.
Malheureusement pour lui, c’est ce même jour qu’avait choisi le
président de la République pour organiser les consultations
parlementaires après la chute du gouvernement d’union nationale
présidé par Saad Hariri. Il lui avait échappé que ce rendez-vous
constitutionnel avait été fixé quelques jours à l’avance et
comme, bien évidemment toujours, il ne suit pas les informations
politiques libanaises, il en ignorait tout. Loin de lui toute
idée de vouloir exercer des pressions sur les députés, notamment
ceux de Walid Joumblatt, pour leur faire comprendre que « la
justice » est en marche et que les coupables choisis
politiquement restent dans le collimateur du TSL.
Moins de deux mois plus tard, le 11 mars, il revoit sa copie et
remet au juge Fransen un nouvel acte d’accusation modifié. Il
lui a totalement échappé que le vendredi 11 mars est à deux
jours du « grand rassemblement » organisé par le 14 mars pour
confirmer ses principes et son combat le dimanche 13 mars et
auquel il avait du mal à attirer un million de sympathisants,
comme il l’avait promis. Daniel Bellemare a même failli faire
des heures supplémentaires, puisqu’il a remis sa nouvelle copie
peu avant 17h, heure de La Haye, c’est-à-dire au moment de la
fermeture des bureaux. Mais le samedi étant férié, il fallait à
tout prix remettre le nouvel acte d’accusation avant dimanche,
pardon avant lundi, histoire de redonner confiance aux partisans
du 14 mars déprimés par la perte du pouvoir de leur chef.
Moins de deux mois s’écoulent encore et voilà que le 6 mai,
Daniel Bellemare remet une troisième copie au juge de la mise en
état et les rumeurs qui filtrent au sujet de son contenu font
état du rajout de noms de personnalités syriennes, les mêmes que
celles qui font l’objet actuellement de sanctions américaines et
européennes. Cette nouvelle démarche du procureur du TSL
coïncide étrangement avec la volonté occidentale de peser sur le
régime syrien pour lui faire accepter les conditions transmises
par les différents émissaires arabes qui se sont rendues
récemment à Damas.
Il n’échappe à personne, même au plus profane en matière
juridique, que c’est sans doute le seul acte d’accusation d’un
tribunal international qui est modifié deux fois en l’espace de
quatre mois. Indépendamment du manque de crédibilité que ces
modifications risquent de faire peser sur l’ensemble du
processus judiciaire du TSL, les coïncidences avec des
événements locaux et régionaux sont particulièrement
frappantes. Pourquoi ne pas avoir cité les personnalités
syriennes dans les précédentes moutures, au moment où rien ne se
passait encore en Syrie et où les Etats-Unis croyaient encore
pouvoir la convaincre de distendre ses liens avec l’Iran et avec
le Hezbollah ? Pourquoi les démarches de Bellemare
coïncident-elles toujours avec l’agenda propre du 14 mars ? Et
pourquoi le porte-parole du TSL s’est-il empressé de dire hier
que ces nouvelles copies ne signifient absolument pas que le
travail précédent était mal fait ou insuffisant ? Il a sans
doute raison. Elles signifient surtout que la conjoncture
libanaise et syrienne a besoin, aux yeux des Américains et de
leurs alliés, d’un coup de bâton car la situation est en train
d’évoluer en faveur de leurs adversaires…
Autrement dit, c’est une preuve de plus de l’utilisation
politique du TSL par les Américains et leurs alliés. Après les
révélations de Wikileaks, ceux qui ne sont pas encore convaincus
de cette réalité sont soit aveugles et sourds, soit refusent de
la voir…
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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