Opinion
Les limites de la
souveraineté
Soraya
Hélou
Mardi 12 mars
2013 L’ambassadrice des Etats-Unis a donné
ses instructions et tout le monde (ou
presque) au pouvoir et dans le camp du
14 mars s’est exécuté ! Alors que depuis
la fin des travaux de la sous commission
parlementaire se sont achevés et le vote
en commissions du projet orthodoxe,
l’équation avait changé de «elections
now» à «elctoral law now»,
l’ambassadrice des Etats-Unis est
intervenue directement dans le débat
pour rappeler ses «alliés» à l’ordre.
Mrs Maura Connelly a commencé par lire
un communiqué officiel après son
entretien avec le président de la
Chambre Nabih Berry, avant de rendre
visite au président Amine Gemayel et au
chef des Forces Libanaises Samir Geagea.
Tout cela dans un seul but : affirmer
que les élections doivent se tenir à la
date prévue et pas selon la loi
orthodoxe. Le message a le mérite d’être
clair cette fois et ne prête à aucune
interprétation. La décision de Connelly
d’intervenir directement dans le cours
du débat électoral interne après les
coups de fils répétés et infructueux
entre le chef du Courant du Futur Saad
Hariri d’une part, le président Gemayel
et le chef des Forces libanaises de
l’autre. En effet, sitôt le projet
orthodoxe adopté en commissions, cheikh
Saad a exprimé son mécontentement à ses
deux alliés chrétiens, les Kataëbs et
les Forces libanaises, leur demandant un
peu sèchement (selon nos informations)
de se ressaisir. Mais tous deux ont
répliqué qu’ils ne peuvent pas se
dégager des engagements pris à Bkerké,
en présence du patriarche maronite le
cardinal Béchara Raï et de plus, ils ne
demandent pas à leur allié de les
appuyer comme l’a fait le général Michel
Aoun avec le Hezbollah et Amal. Cheikh
Saad s’est rabattu sur ses alliés
chrétiens «indépendants» et Mrs Maura
Connelly a été chargée de traiter à sa
manière les cas de Gemayel et Geagea.
L’ambassadrice a donc usé de son pouvoir
pour mettre ouvertement les Kataëbs et
les Forces libanaises au pied du mur. En
général, ce genre de «conseils» sont
gardés secrets ou ils sont délivrés en
toute discrétion, diplomatie oblige.
Mais le fait que Mrs Connelly ait choisi
de parler publiquement est la preuve du
mécontentement des Etats-Unis face à
l’acceptation des deux formations
chrétiennes d’un projet qui, à leurs
yeux, affaiblit le Courant du Futur et
l’ensemble de l’alliance du 14 mars sur
l’avenir de laquelle, nul ne parierait
beaucoup. Il fallait donc réagir d’une
manière spectaculaire pour montrer
l’importance des enjeux…
D’ailleurs, le moins qu’on puisse dire
–et Mme Connelly peut être rassurée sur
l’ampleur de son influence auprès des
néo-souverainistes-, le message a été
entendu. D’abord, en deux temps trois
mouvements, le président de la
République et le Premier ministre ont
signé le décret de la convocation du
Corps électoral, alors que brusquement,
les Kataëbs et les Forces libanaises ont
commencé à faire marche arrière au sujet
du projet orthodoxe, préférant s’atteler
à trouver un projet d‘entente.
Certes, le président Michel Sleiman et
le Premier ministre Négib Mikati
affirment avoir entrepris cette
formalité parce que la loi l’y obligent,
mais il ne s’agit nullement d’une
position politique en faveur de la «loi
de Doha». Toutefois, la coïncidence
entre cette double signature et le
communiqué de Mrs Connelly reste
troublante. Toujours est-il que c’est
surtout la nouvelle position des Kataëbs
et des Forces libanaises qui est
flagrante et qui montre à quel point ces
deux formations qui depuis le 14 mars
2005 brandissent le
slogan de la souveraineté croient peu à
leur propre indépendance, voire à leur
autonomie. Dès que l’ambassadrice a dit
son mot, ils se sont vus dans
l’obligation de s’exécuter, faisant
entrer le pays dans une sorte de temps
mort, où l’on prépare soi disant des
projets d’entente qui ne verront sans
doute jamais le jour, juste pour gagner
du temps. En même temps, les
commandements des deux partis chrétiens
ont envoyé des émissaires chez le
président de la Chambre pour lui
demander de ne pas convoquer dans
l’immédiat une séance plénière pour
voter le projet orthodoxe.
Officiellement, il s’agit de donner
encore un peu de temps aux médiateurs en
vue d’aboutir à une entente. Mais en
réalité, ces deux partis craignent
d’être mis au pied du mur : soit ils
respectent les engagements pris à Bkerké,
soit ils exécutent la volonté américaine
et sont discrédités auprès de l’opinion
publique chrétienne, c’est-à-dire auprès
de leurs électeurs. Mais le plus
terrible pour eux, c’est qu’en réalité,
à part Mrs Connelly nul ne fait cas
d’eux, puisqu’en dépit du fait que c’est
la part chrétienne dans les élections
qui pose problème, le Courant du Futur
mène des négociations avec le leader
druze Walid Joumblatt, les laissant,
eux, sur la touche. La situation
pourrait être drôle si elle n’était
aussi dramatique pour le Liban et les
Libanais qui voient chaque jour, les
limites de l’indépendance et de la
souveraineté chez les leaders du 14
mars… En d’autres termes, ce ne sont pas
ceux qui crient à la souveraineté qui
sont forcément les plus indépendants.
Une leçon à retenir…
Source : moqawama.org
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