Opinion
A Damas, le
patriarche Raï a montré le chemin
Soraya
Hélou
Mardi 12 février
2013
Le patriarche
maronite le cardinal Béchara Raï a
surpris tout le monde, sauf bien entendu
le Vatican et ses proches, et il s’est
rendu à Damas pour assister à la
cérémonie d’intronisation du nouveau
patriarche grec orthodoxe. Avec une
grande sagesse, il a d’ailleurs attendu
vendredi soir pour annoncer la visite le
lendemain, ne laissant pas le temps à
ceux qui sont contre cette visite de
préparer leurs critiques. De toute
façon, le patriarche avait pris sa
décision et rien n’aurait pu l’empêcher
de l’exécuter. Mieux que personne, il
mesure l’importance de cette visite
surtout en cette période
particulièrement délicate et alors que
le chemin de Damas est surtout pratiqué
dans le sens des départs, non des
arrivées. Ceux qui ne voient les
événements que sous l’angle de leurs
intérêts étroits et de leur haine ne
peuvent pas en comprendre la portée.
Petits ils sont, petits ils resteront.
Mais pour tous les autres, cette visite
de 24 heures entrera forcément dans
l’Histoire. C’est en effet la première
fois depuis l’époque du mandat français
au début du siècle dernier qu’un
patriarche maronite se rend à Damas. Et
le cardinal Raï a attendu que la
situation soit réellement mauvaise pour
accomplir ce qui ressemble fort à un
pèlerinage. Il ne s’est pas rendu en
Syrie lorsque le régime de Damas était
au plus fort de sa puissance, ni lorsque
les parties libanaises qui réclament
aujourd’hui sa chute ne savaient pas
comment l’impliquer davantage dans les
affaires internes libanaises. Non, le
patriarche maronite s’est rendu à Damas
alors que la situation y est précaire et
que les Syriens, toutes communautés
confondues, ont plus que jamais besoin
d’un témoignage concret de solidarité.
C’est donc en messager de paix et en ami
que le patriarche Béchara Raï s’est
rendu à Damas. Il n’est pas question
pour lui d’appuyer une partie politique
contre l’autre, puisque sa mission est
au-delà des considérations politiques et
surtout politiciennes, mais d’exprimer
son soutien à tous les Syriens en cette
période d’inquiétude. Le cardinal Raï a
surtout voulu transmettre aux Syriens,
un message de foi dans l’avenir. Il
s’agit aussi avant tout de rassurer les
chrétiens inquiets pour leur avenir avec
la montée des intégrismes et de montrer
au monde entier que les chrétiens de la
région doivent rester sur place dans
cette terre qui est la leur autant
qu’elle est celle des communautés
musulmanes. L’Eglise maronite n’est pas
peut-être pas la plus grande Eglise
d’Orient (C’est l’Eglise grecque
orthodoxe qui occupe cette place), mais
si elle veut, comme elle le dit, jouer
un rôle prépondérant auprès des
Chrétiens d’Orient, cela ne se fait pas
seulement à travers les déclarations. Le
patriarche maronite ne pouvait donc pas
être absent d’une cérémonie aussi
importante que l’intronisation du
nouveau patriarche grec orthodoxe,
surtout en ces temps aussi délicats. De
plus, les chrétiens du Liban -au sein
desquels les maronites sont les plus
nombreux- sont les seuls dans la région
à avoir encore un rôle politique
déterminant. Il est donc important pour
ceux qui se sentent actuellement menacés
que le chef spirituel de ces chrétiens
vienne exprimer son soutien et sa foi en
l’avenir.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir
les visages émus des fidèles en
accueillant le patriarche maronite.
C’est dans les moments difficiles que
l’on a le plus besoin de soutien et
c’est ce qu’a compris le cardinal
Béchara Raï qui n’a pas été avare de
bénédictions à tous ceux qui sont venus
prier et à ceux qui n’ont pas pu venir.
C’était certainement un grand moment
d’émotion, pour les chrétiens de Syrie,
mais aussi pour tous les chrétiens de la
région. Et c’est ainsi que l’a voulu le
patriarche et avec lui le Vatican, qui a
clairement exprimé aux sceptiques qu’il
appuie totalement cette visite.
Seulement bien sûr, le secrétaire
général du 14 mars Farès Souhaid- qui
était bien silencieux ces derniers
temps- connaît mieux les intérêts des
chrétiens que le Vatican et le
patriarche réunis. Il a donc vu dans
cette visite, une menace pour la
présence chrétienne dans la région.
Alors que la seule grande menace pour
ces chrétiens c’est justement Farès
Souhaid et ses compagnons qui n’ont rien
trouvé de mieux pour les protéger que de
s’allier aux extrémistes qui massacrent
à tour de bras, pillent et brûlent les
églises (20 églises ont été détruites en
Syrie), attaquent l’armée en Syrie et au
Liban et n’en finissent plus de semer la
haine et la violence. Mais ce ne sera
pas la première fois que Farès Souhaid
et ses compagnons ne comprennent rien ni
à la stratégie ni à l’évolution de la
situation. Car même si la visite du
patriarche Raï à Damas n’est pas
politique, elle constitue toutefois un
indice de l’étape à venir. Maintenir la
présence chrétienne dans la région est
une priorité pour le Vatican et pour
tous ceux qui veulent éviter le chaos et
l’éclatement d’une discorde entre
sunnites et chiites dans la région, dont
les chrétiens seraient la première
victime. Cette visite s’inscrit donc
dans cette stratégie et il est clair que
le plan de donner le pouvoir aux groupes
extrémistes dans la région est en train
de prendre l’eau. Grâce sans doute à la
résistance du régime syrien, mais aussi
à la voracité des groupes extrémistes
qui ont rapidement montré leur
incapacité à gérer la diversité. Le
monde est en train de prendre conscience
de cette réalité, mais si l’Eglise
d’Orient ne décide pas de prendre son
destin en mains, nul ne l’aidera. C’est
ce message qu’a voulu transmettre le
patriarche Raï à Damas, en prenant
lui-même le risque, montrant ainsi le
chemin aux autres.
Source : moqawama.org
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