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Opinion
Les illusions du 14
mars...
Soraya Hélou
Jeudi 9 décembre 2010
Chaque jour qui passe montre combien une partie des Libanais
aborde les questions politiques sur base de leurs propres
souhaits. Cette partie, composée essentiellement de
personnalités du 14 mars semble vivre dans une bulle et a une
lecture erronée des événements. A chaque nouvelle étape, elle se
répand en explications et en justifications dans les médias qui
n’ont rien à avoir avec la réalité, mais ne consent jamais à
reconnaître son erreur…
Lorsqu’il y a pratiquement un an, le Premier ministre Saad
Hariri s’est rendu pour la première fois à Damas, les
personnalités du 14 mars ont ravalé leur déception et expliqué
en long et en large à leurs supporters que c’est Damas qui a
changé et non le Premier ministre. Il a, selon ses
personnalités, rectifié le tir des relations libano-syriennes et
établi des liens d’Etat à Etat, obligeant les autorités
syriennes à se tenir à égale distance de toutes les parties
libanaises et à traiter avec l’Etat. Pendant des mois, et en
dépit de plusieurs autres visites de Hariri à Damas, ces
personnalités ont continué à affirmer que la Syrie serait sur le
point de lâcher le Hezbollah pour « revenir dans le giron
arabe » et gagner ainsi sa place auprès de l’Arabie saoudite.
Même les mandats d’arrêt émis par la justice syrienne à
l’encontre de plusieurs proches du Premier ministre dans le
cadre de la plainte déposée contre eux par le général Jamil
Sayyed ne les a pas fait renoncer à leur théorie. Il a fallu que
les autorités syriennes disent clairement : la résistance est
pour nous une ligne rouge, pour qu’elles cessent de parler
ouvertement du sujet, mais elles n’en continuent pas moins à
miser sur des pseudo-divergences entre la Syrie et l’Iran, qui
affaibliraient le Hezbollah, mais n’osent plus le déclarer
ouvertement de crainte de paraître ridicules…
De même, lorsque le Premier ministre turc Rajab Tayeb Erdogan
est venu au Liban, ces mêmes personnalités ont voulu montré que
sa visite avait pour objectif de rétablir l’équilibre avec celle
du président iranien Mahmoud Ahmadinajad. Elles ont développé
dans les médias la thèse selon laquelle le Premier ministre turc
compatit intervenir auprès de la Syrie et de l’Iran pour
empêcher le Hezbollah de réagir après la publication de l’acte
d’accusation du TSL en faisant par exemple chuter l’actuel
gouvernement après avoir renversé la majorité au Parlement.
Naturellement, rien de tel n’a été effectué par le Premier
ministre turc qui a insisté sur la nécessité de l’entente
interne et sur l’obligation d’éviter les actes de violence
sécuritaires.
Le Premier ministre Saad Hariri s’est ensuite rendu en Iran dans
un virage total de sa politique. Il s’est donc rendu au cœur du
« pays de Wilayat al Fakih », tellement décrié au cours des
dernières élections législatives en 2009. Comment a-t-il peu
faire cela ? Les personnalités du 14 mars se sont empressées
d’expliquer dans les médias qu’il comptait demander aux
autorités iraniennes de faire pression sur le Hezbollah pour
accepter un compromis après la publication de l’acte
d’accusation et surtout pour qu’il n’entreprenne aucune action
contre le gouvernement une fois l’acte publié. Cette fois, la
réponse a été immédiate et les autorités iraniennes n’ont pas
attendu que le Premier ministre libanais quitte Téhéran pour
affirmer au cours d’une conférence de presse conjointe que le
TSL est politisé et que la résistance est une ligne rouge, tout
en encourageant le dialogue et l’entente.
Le message était pourtant clair, malgré tout, les personnalités
du 14 mars continuent à vivre dans leurs illusions. Mais cette
fois, le coup est venu de leur principal protecteur les
Etats-Unis. La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a
déclaré récemment : Le Hezbollah a le droit de protester
pacifiquement mais n’a pas le droit de porter les armes contre
ses adversaires au Liban. En d’autres termes, un changement de
majorité au Parlement est une affaire interne… Même son de
cloche en provenance de Paris. En d’autres termes, l’Occident
veut bien utiliser le 14 mars pour affaiblir le Hezbollah, mais
il n’est pas prêt à s’impliquer directement dans les méandres
internes libanais.
En dépit de ces données, le 14 mars continue à ruer dans les
brancards, croyant pouvoir encore effrayer l’opposition et le
Hezbollah en particulier. La dernière arme en date ce sont les
« fuites » répétées dans les médias internationaux pour annoncer
le contenu de l’acte d’accusation et sa publication imminente.
Déjà, lorsque le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan
Nasrallah prononçait son discours à l’occasion de la Journée du
Martyr (le 11 novembre), la chaîne MTV annonçait dans une
information urgente que l’acte d’accusation était prêt et en
train d’être traduit. Pourquoi n’a-t-il pas été publié depuis ?
Maintenant, c’est Le Figaro qui revient à la charge annonçant
son contenu et le fait qu’il aurait été pratiquement remis au
juge de la mise en état Daniel Fransen. Il a fallu d’ailleurs
que le bureau du procureur Bellemare démente lui-même cette
dernière « fuite » assurant qu’un communiqué officiel sera
publié pour annoncer cette démarche.
Cette nouvelle manœuvre de maintenir la tension en multipliant
les rumeurs sur la date de la publication et le contenu de
l’acte d’accusation n’est pas plus réaliste que l’approche
politique des personnalités du 14 mars avec la Syrie, l’Iran ou
la Turquie. L’équation est claire : si l’acte d’accusation est
publié avant un accord interne, l’opposition exécutera ses plans
sans tenir compte d’autres considérations. Ce ne sont pas
quelques fuites médiatiques de plus ou de moins qui risquent de
changer la donne. Ce qu’il faudrait par contre, c’est un peu
plus de maturité et de réalisme dans l’approche des questions
politiques. Il serait peut-être temps de renoncer aux illusions…
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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