Opinion
L'acte
d'accusation,
un nouvel épisode de la guerre contre la
résistance
Soraya Hélou
Mohammed Najib Mikati, Premier ministre
Lundi 4 juillet
2011
Un nouvel épisode
dans le long feuilleton de l’enquête
internationale et du TSL consacrés à
l’assassinat du premier ministre martyr
Rafic Hariri : Le juge de la mise en
état Daniel Fransen a estimé que l’acte
d’accusation du procureur Bellemare est
convaincant et par conséquent, une copie
a été remise au procureur près la Cour
de Cassation libanaise, avec quatre
mandats d’arrêt. La procédure peut
sembler normale, elle suscite toutefois
de nombreuses questions, comme tout ce
qui se passe dans le cadre de cette
prétendue justice internationale. Sur le
timing d’abord. Comme par hasard, la
décision du juge Fransen est intervenue
à un moment crucial pour le gouvernement
Mikati, à la veille du vote de confiance
du Parlement. Plus encore, elle
intervient à un moment où le camp du 14
mars est au plus bas, miné par
l’éloignement de son chef Saad Hariri
installé à Paris et par la succession de
paris perdus, au sujet d’abord de la
chute du gouvernement d’union nationale,
puis de la désignation de Mikati, et
encore au sujet de son incapacité à
former un gouvernement et enfin à
l’incapacité de ce gouvernement
d’adopter une déclaration ministérielle
qui pourrait plaire à de nombreuses
parties y compris internationales. Le
gouvernement avait en effet su parvenir
à une formule qui ne heurte pas la
communauté internationale et qui devait
lui permettre d’obtenir une confiance
plus large au Parlement avec les votes
positifs des députés Michel Murr et Imad
el Hout. En face, toutes les initiatives
du 14 mars avaient tourné court : la
journée de la colère s’était retournée
contre Saad Hariri, le slogan du
désarmement du Hezbollah n’a pas suscité
la vague d’approbation escomptée et le
pari sur le découragement de Mikati n’a
pas abouti.
C’est dans ce moment politique
particulier que Fransen prend sa
décision, redonnant soudain du punch au
14 mars qui a retrouvé un bon slogan
pour mener la guerre au gouvernement en
lui réclamant « l’arrestation des quatre
coupables présumés, sinon, il sera
accusé de protéger les assassins ».
Après des semaines de désenchantement,
voilà le camp du 14 mars qui reprend du
poil de la bête, multiplie les réunions
et se prépare à une nouvelle campagne
contre le gouvernement avec deux
objectifs essentiels : pousser la
résistance à la faute sur le terrain à
force de provocations et entraîner
ensuite la démission du gouvernement.
Le camp du 14 mars qui, du temps où Saad
Hariri était Premier ministre et où les
négociations syro-saoudiennes étaient en
cours avait annoncé à maintes reprises
qu’il ne comptait pas adopter l’acte
d’accusation aveuglément et qu’il
étudierait attentivement les preuves
avancées avant de décider s’il est
convaincant ou non, a vite sauté sur
l’occasion de réclamer l’arrestation des
quatre personnes contre lesquelles un
mandat d’arrêt a été émis sans même
savoir ce que contient l’acte
d’accusation.
A ce sujet, une question procédurale
importante se pose : dans quelle justice
au monde un acte d’accusation est-il
tenu secret et les personnes dont
l’arrestation est requise ne peuvent
même pas savoir sur quels indices est
basée leur inculpation ? Pour bien moins
que cela, la défense peut faire valoir
le vice de procédure et estimer par
conséquent que les poursuites sont
inacceptables.
Autre question de forme, alors que la
réunion entre le procureur Mirza et la
délégation du TSL était encore en cours,
les médias du 14 mars ont commencé à
divulguer les noms des 4 personnes
faisant l’objet de mandats d’arrêt.
Comment les ont-ils eus, alors que
l’acte d’accusation est censé rester
secret et que le TSL reconnaît la
présomption d’innocence dans ses propres
statuts ? Les médias du 14 mars ont
commencé aussi à annoncer la prochaine
visite d’une délégation du TSL en Syrie
pour communiquer aux autorités de Damas
les noms syriens mis en cause dans
l’acte d’accusation. Comment
pouvaient-ils savoir cela, alors que la
nouvelle a été démentie ? Enfin,
dernière question de procédure, le
procureur Bellemare a annoncé qu’il
pourrait y avoir des annexes publiées
bientôt, avec d’autres noms et d’autres
inculpations. Selon quelle logique
juridique, un acte d’accusation peut-il
devenir un feuilleton, dont les épisodes
sont programmés selon un agenda
politique ? Ainsi, on peut aisément en
déduire que le TSL et la communauté
internationale qui l’appuie attendent
les réactions du Hezbollah et des
autorités syriennes pour aller plus loin
ou non. En termes politiques, cela
s’appelle du chantage. Si le
gouvernement Mikati démissionne, on
pourrait peut-être en rester là pour
l’instant. Et si les autorités syriennes
se décident à lâcher le Hezbollah, on
pourrait éviter d’impliquer des
personnalités proches du pouvoir… L’idée
est d’utiliser à fond la justice
internationale comme une arme de
pression politique sur la Syrie et le
Hezbollah et demain peut-être les
Palestiniens et l’Iran. Comme critères
de justice, on peut faire mieux et la
guerre contre l’axe de la résistance
déclenchée en 2004 avec la résolution
1559 se poursuit sous d’autres formes
mais avec la même violence. La
résistance ne se fait pas d’illusions,
mais elle s’y oppose comme elle l’a déjà
fait par le passé. Et la victoire sera
au final du côté du droit, non de la
prétendue justice politisée.
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