Afrique noire
De l'entreprise de
déstabilisation à l'intervention
déléguée aux « amis » africains:
Un plan de dépeçage du Mali
méthodiquement orchestré par les
puissances occidentales
Solidarité Internationale PCF
Mardi 7 août 2012
Article
AC pour
http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Depuis le début de
l'année 2012, le Mali sombre dans le
chaos. Indépendantistes touareg,
rebelles islamistes, coup d’État éclair,
transition « démocratique »,
intervention des pays de la CEDEAO,
ingérences occidentales : la confusion
règne, mais le brouillard de
guerre se dissipe pour peu à peu,
permettant de démêler l'écheveau des
événements successifs.
Présenté
abusivement comme un exemple de «
démocratie », le Mali de l'ancien
putschiste Amadou Toumani Touré (ATT)
donnait en tout cas l'apparence d'un
État stable.
Une stabilité garantie par des relations
guère conflictuelles avec l'ancienne
puissance coloniale, par un étouffement
de l'opposition (au nom du « consensus
»), et par une pratique généralisée de
la corruption et du clientélisme.
Un système à bout
de souffle pour un président réélu en
2007 avec 71% au premier tour. Une «
démocratie » gérée de façon
anti-démocratique, un pays « stable » de
plus en plus incapable de gérer
l'instabilité au nord et surtout un pays
regorgeant de richesses mais enfoncé
dans une pauvreté entretenue par le
système ATT et par la mise en œuvre
zélée des recettes désastreuses du FMI.
L'enjeu :
un pays pauvre regorgeant de richesses,
objet de convoitises
Car si le Mali
reste un des pays les pauvres au monde –
la moitié de la population sous le seuil
de pauvreté, le Mali occupant la 178ème
place sur 182 pour son indice IDH – son
sol et son sous-sol abrite des richesses
considérables.
Troisième
producteur d'or du continent africain,
derrière les géants Ghanéens et
Sud-Africains, exportateur majeur
également de fer et de coton, le
sous-sol Malien recèle surtout de
gisements pétroliers conséquents,
découverts dans le Bassin de Touadenni,
au Nord-ouest du Mali.
Des richesses
pétrolières encore largement
inexploitées qui suscitent la convoitise
des majors américaines, du
grand groupe de la Françafrique Total,
des entreprises d’État chinoises. Le
ministère des mines Malien, encore
maître des concessions pétrolières, a
jusqu'alors préféré confier des blocs
d'extraction à l'entreprise algérienne
SONATRACH et à l'italienne ENI.
La participation
potentielle du Mali au projet de
pipeline TSGP (Transaharian Gas
Pipeline), acheminant le gaz du
delta du Niger vers l'Europe via le
Niger, renforce l'importance stratégique
de l’État sahélien.
La nécessité
d'établir un État « stable » au Mali,
c'est-à-dire plus conciliant envers les
intérêts pétroliers occidentaux,
mais aussi d'exercer un contrôle direct
ou indirect sur un État sécessionniste
au Nord-Mali, est un des facteurs
explicatifs du déroulement de la crise
malienne.
Première
étape : coup d’État d'opérette,
déstabilisation et rupture de l' « ordre
constitutionnel »
La déstabilisation
du Mali commence par un coup d’État
confus, à une semaine d'élections qui
allaient concrétiser le départ du
président Amadou Touré. Le 22 avril, le
capitaine Sanogo dépose le président
malien et annonce la constitution d'un
Comité national pour le redressement
de la démocratie et la restauration de
l’État (CNRDR).
Des putschistes qui
utilisent le prétexte de l'instabilité
dans le Nord-Mali pour rompre l'ordre
constitutionnel, et lancent un
appel immédiat à une aide militaire et
politique des puissances occidentales
pour lutter contre le péril islamiste.
Il ne faut pourtant
que deux semaines pour voir ces
militaires déterminés céder le pouvoir à
un gouvernement de transition présidé
par le bras de droit de Touré,
Dioncounda Traoré, sur proposition de la
CEDEAO, appuyée par les grandes
puissances occidentales, et surtout
concoctée par le dictateur du
Burkina-Faso Blaise Compaoré.
Les putschistes
rentrent alors dans le rang, tout en
occupant une place centrale dans la «
transition démocratique », aux côtés du
nouveau président intérimaire. Un
intermède grand-guignolesque qui soulève
des questions de fond :
Qui est cet
obscur capitaine Sanogo, putschiste
formé aux États-Unis de 2004 à 2010, où
il a bénéficié d'une formation
d'officier de renseignement ?
Quels intérêts
servent ces putschistes, lançant des
appels à l'aide aux puissances
impérialistes et cédant le pouvoir à
leurs premières injonctions ?
Quelle
transition avec le bras droit du système
corrompu d'ATT, Dioncounda Traoré par
ailleurs en « visite médicale » à Paris
pendant les deux semaines précédant sa
prise de fonction début juin ?
Deuxième
étape : un vide politique pour préparer
le démantèlement du Mali
Usant de
l'instabilité comme un prétexte pour
rompre l'ordre constitutionnel,
les putschistes n'ont fait qu'acter la
sécession de facto
du Nord-Mali, sous les
coups du mouvement sécessionniste
Touareg (MNLA) et des groupes islamistes
(Ançar Dine, AQMI).
Tirant profit des
justes revendications du peuple Touareg
à l'autonomie et au respect de sa
dignité, le MNLA revendique la
sécession, autrement dit la remise en
cause de l’État malien unifié.
Une revendication qui rejoint certaines
préoccupations des puissances
occidentales intéressées par le
gâteau pétrolier du Nord, ainsi que les
objectifs à court terme des combattants
islamistes.
Des convergences
matérialisées en mai dernier par un
rapprochement avec Ançar Dine,
islamistes fondamentalistes salafistes,
issus du mouvement touareg, dominateurs
à Tombouctou. Avec le MUJAO (Mouvement
pour l'unicité et le jihad en Afrique de
l'Ouest) hégémonique à Gao, Ançar
Dine et le MUJAO
contrôlent désormais l'essentiel du
Nord-Mali, et gagnent du terrain au
détriment des rebelles touaregs.
La menace d'Al-Qaida
Maghreb Islamique
(AQMI) est
plus présente dans les discours que dans
la réalité du terrain.
Ce groupe salafiste, issu d'une scission
du GIA qui a semé le chaos en Algérie
dans les années 1980, représente en
réalité plus un groupe mafieux
trans-frontalier qu'une puissance
politique.
Des groupes
islamistes allègrement financés par le
Qatar,
la monarchie absolue du Golfe
fournissant des fonds, mais aussi
directement des armes et des formateurs
militaires, acheminés via les aéroports
de Tombouctou et Gao, sous le silence
bienveillant de la France et des
États-Unis.
Un 'double jeu'
occidental permettant de pérenniser la
sécession du nord, de laisser croître un
péril islamiste créé de toutes pièces
par leurs alliés du Golfe, et in
fine de justifier leur ingérence
dans les affaires maliennes.
Troisième
phase : préparer l'intervention des
puissances impérialistes, déléguée à
leurs bras armés africains
Après avoir soutenu
la rupture avec l'ordre constitutionnel,
laissé faire l'installation des rebelles
au Nord, les puissances occidentales –
France en tête – utilisent désormais le
prétexte de la crise humanitaire et du
péril islamiste, qu'ils ont eux-mêmes
encouragés, pour justifier leur
ingérence dans les affaires Maliennes.
L'alternance et le
gouvernement de « gauche » n'ont pas
changé la donne. Le ministre de la
Défense français appelle désormais à une
intervention militaire. De son côté, le
ministère des affaires étrangères
Laurent Fabius prépare par sa tournée en
Afrique du nord et de l'Ouest les
modalités pratiques d'une intervention.
Handicapée par son
passé colonial et la réalité encore
actuelle de la Françafrique,soucieuse
de ne pas prendre en charge une action
armée coûteuse économiquement et
symboliquement,
la France prépare une
intervention déléguée aux Etats de
l'Afrique de l'Ouest.
Avec comme fer de
lance, deux « amis démocrates » de la
France.
D'un côté,
le président burkinabé Blaise Compaoré,
le putschiste assassin de Thomas Sankara
en 1987, dictateur depuis 25 ans
ré-élu en 2010 avec 80% des voix.
Compaoré est le premier artisan du plan
de transition confiant le pouvoir à
Dioncounda Traoré, et jouant le rôle du
« médiateur » délégué par la CEDEAO.
De l'autre,
le nouveau président ivoirien installé
par la France, le président de la CEDEAO
Alassane Ouattara. L'ancien
numéro 2 du FMI, ami des États-Unis et
de la France, sécessionniste et
putschiste expérimenté après son
expérience en Côte d'Ivoire, est lui
chargé de jouer le rôle du « va-t-en
guerre », censé dessiner les conditions
d'une intervention prise en charge par
les Etats de la CEDEAO.
L'intervention
militaire africaine, parrainée par leurs
tuteurs occidentaux, paraît désormais
inévitable. La seule incertitude reste
l'issue de ce conflit :
vers un scénario à la Soudanaise
?Soit
une sécession du Nord-Mali, abritant
l'essentiel des gisements pétroliers
actée par l'impérialisme occidental. Une
indépendance reposant peut-être sur le
combat de certains groupes islamistes,
délégué aux États africains, mais aussi
sur la négociation avec le MNLA et la
frange dite « modérée » des islamistes ;
vers un scénario à l'Ivoirienne
ou à la Libyenne ?Soit
le maintien d'un État unifié avec à sa
tête un gouvernement acquis aux intérêts
français et américains, concédant sans
doute une large autonomie au Nord et
livrant des concessions avantageuses aux
grands groupes pétroliers occidentaux ;
Quel que soit le
scénario adopté, le peuple Malien en
sera le grand perdant. Ébranlées par la
crise capitaliste, concurrencés par les
économies émergentes pour le contrôle
des ressources et des marchés, les
puissances impérialistes, françaises,
européennes ou américaines ne reculent
désormais plus devant l'usage
systématique de la force pour briser
toute résistance à son ordre.
Comme en
Libye hier, en Syrie aujourd'hui ou en
Iran demain, il est nécessaire au Mali
de s'opposer à ce plan de destruction
d'une nation souveraine, dépecée après
avoir été appauvrie au profit des grands
groupes occidentaux !
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