Les musulmans en Europe (II)
Les
Musulmans de l’Europe unis seulement par le nom
Simon Kuper -
Financial Times
Le 24 août 2007
Les
fidèles sortant d’une mosquée à Amsterdam après la prière
se rassemblent sur le trottoir en ronchonnant à propos des coûts
des soins de santé aux Pays Bas.
La
scène est décrite par Jean Tillie, professeur des sciences
politiques à l’université d’Amsterdam, pour illustrer
comment les Musulmans européens s’engagent dans la politique :
Ils sont très largement concernés par les questions de politique
locale de base.
La
politique concernant les 16 millions Musulmans dans l’UE est un
sujet très discuté. Quelques commentateurs, particulièrement
aux Etats-Unis, présentent les Musulmans comme un bloc
monolithique en incitant les nations européennes à adopter des
politiques radicales.
« La
position du gouvernement français contre la guerre en Irak et la
politique étrangère étatsunienne d’une manière générale,
cherche en partie à apaiser l’opinion musulmane » a écrit
le penseur et l’écrivain Francis Fukuyama en 2004.
Selon
l’auteur étatsunien Bruce Bawer, le précédent président français,
Jacques Chirac, « n’aurait pas osé prendre le risque de fâcher
les Musulmans français en participant au renversement d’un
homme – Saddam - qui
était un héro pour des millions parmi eux ».
Omer
Taspinar, un chercheur à Brookings Institution (un institut de
recherche – think tank - indépendant et non lucratif dans les
domaines de l’éducation, les sciences sociales, économique et
politique. Il est basé à Washington, USA. Ndt) dit que les
Musulmans européens « sont en train de devenir une force
politique plus puissante que la légendaire rue arabe ».
Des
chercheurs universitaires qui étudient les Musulmans européens
affirment que, de toute façon, dans la plupart des pays très
peu de Musulmans votent ; ils
ne forment pas un bloc de vote cohérent ; et l’écrasante
majorité soutient la démocratie et les principaux partis
politiques européens – généralement de gauche. Des partis
musulmans européens existent, comme la liste française
Euro-Palestine (ce n’est pas un parti politique et encore moins
musulman, mais une liste électorale présentée aux élections
européennes en 2004, formée de citoyens de toute confession et
ayant pour but d’établir une paix juste en Palestine, ndt), et
retiennent l’attention des médias mais obtiennent peu de voix.
Jytte
Klausen, un politologue à l’université de Brandeis à
Massachusetts, dit : « dans la plupart des pays [européens],
seulement 10 à 25 pourcent de la population musulmane peuvent
voter ». Les autres sont soit trop jeunes ou ne sont pas des
citoyens nationaux, elle dit. Par exemple, seulement environs 500
000 parmi les 3,2 millions Musulmans en Allemagne ont le droit de
vote. Il y deux exceptions qui sont les pays bas où la moitié
des turcs et des marocains sont des citoyens néerlandais, et
la Grande
Bretagne
où les Musulmans ayant le droit de vote, votent plus que leurs
concitoyens. En général, elle dit, les
partis politiques peuvent ignorer les Musulmans « à un coût
très bas ».
Dans
une étude française, Jonathan Laurence et Justin Vaisse notèrent :
« Il n’y a rien
que l’on peut appeler ‘la communauté musulmane’ ».
Comme un exemple de désaccord, ils disent que le Conseil Français
du Culte Musulman passait des semaines en se querellant sur les
dates [de début] et de fin du mois de ramadan.
Quelques
politiciens ont essayé de courtiser un vote musulman. Mais comme
le note le professeur Tillie, il
y a d’habitude plus de voix à chercher du côté de l’extrême
droite anti-musulmane. Geert Wilders, un homme politique néerlandais
de l’extrême droite, qui propose d’interdire le Coran aux
Pays Bas, obtiendrait environs 13 pourcent des voix selon les
sondages.
C’est
principalement en Grande
Bretagne que la politique étrangère « est très importante
pour les électeurs musulmans – plus que pour quiconque
d’autre », dit le Professeur Klausen. Beaucoup ont
abandonné le parti travailliste, leur maison politique
traditionnelle, après que le gouvernement Blair a soutenu la
guerre en Irak. Quand interrogés sur leurs priorités politiques,
les Musulmans français
ont placé « l’inégalité sociale » en tête.
« Le rôle de
la France
dans le monde » était classée 12e.
Olivier
Roy, un expert français de l’Islam, conteste
les descriptions des émeutes françaises de 2005 comme « l’intifada
des banlieues ». Il souligne « l’absence complète
des drapeaux palestiniens, des références à la guerre en Irak
ou ailleurs dans le monde musulman – ou même des symboles de
l’Islam ».
Est
ce que les Musulmans ont influencé l’opposition de
la France
et de l’Allemagne à la guerre ? Patrick Weil, un
politologue à l’université Paris I –
la Sorbonne
, dit : « c’est le même argument que celui de dire
que la décision de Bush d’aller en Irak était à cause du
lobby pro-israélien ».
Beaucoup
de Musulmans européens s’opposaient à la guerre, mais ainsi
faisaient la plupart des non-Musulmans.
La Grande
Bretagne
était allée en Guerre malgré l’opposition des Musulmans, tout
comme
la France
a interdit le foulard à l’école malgré elle [l’opposition
des Musulmans].
Mais
une infime minorité des Musulmans européens cherche
l’influence politique par d’autres moyens : le
terrorisme. Le cas le plus plausible était les attentats de
Madrid en 2004. Trois jours après, les socialistes, qui
s’opposaient à la guerre en Irak, gagnaient étonnamment les élections
espagnoles.
C’était
en partie dû au fait que le gouvernement conservateur était perçu
comme ayant induit les électeurs en erreur en attribuant les
attentats aux séparatistes basques. Néanmoins, Robin Niblett, le
vice-président exécutif du Centre pour les Etudes Stratégiques
et Internationales basé à Washington, dit qu’une minorité
d’électeurs « auraient pu en effet avoir voulu sanctionné
le [précédent] premier ministre Aznar pour avoir placé les
espagnols directement dans le viseur des terroristes.
Si
les politiciens prennent en compte le risque des attaques
terroristes quand ils prennent les décisions de politique étrangère,
alors plusieurs centaines des jihadistes éventuels auront plus
d’influence sur les politiques européennes que les 16 millions
citoyens européens musulmans.
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Les
musulmans en Europe (I) : Les
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Les
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battent pour s’intégrer
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