A PROPOS DE LA « SÉCURITE
D'ISRAËL »
Non, Monsieur Sarkozy, c'est la
sécurité des Palestiniens qui est menacée
Silvia Cattori
Gaza, 20 janvier 2008 : restes d’une voiture visée par des
avions israéliens (rafahtoday.org)
30 juin 2008 « Israël a le
droit de se défendre », voilà ce que l’on entend répéter, à la
nausée, depuis des années, par à peu près tous les dirigeants de
l’Europe et des Etats-Unis. Et maintenant, avec une insistance
accrue par M. Sarkozy. Lors de son discours du 23 juin 2008
devant la Knesset, celui-ci a déclaré : « La
France ne transigera jamais avec la sécurité d’Israël » (*).
Et la sécurité des
Palestiniens ? Lequel d’entre ces dirigeants nous parle-t-il
jamais d’assurer la sécurité des Palestiniens ?
Pourtant, ce sont bien les
Palestiniens -sans armée, ni Etat- qui vivent dans l’insécurité
permanente. ?! Donc, qui menace qui en vérité ?
Les statistiques publiées par
B’Tselem, le Centre
israélien pour les droits de l’homme dans les territoires
occupés [1],
indiquent bien que, du 29 septembre 2000 (début de la deuxième
Intifada) au 31 mai 2008, 4’830 Palestiniens (dont 947 enfants)
ont été tués par les Israéliens, alors que 1’055 Israéliens
(dont 123 enfants) ont été tués par les Palestiniens (en réponse
aux attaques meurtrières israéliennes) durant la même période.
Sur cette longue période, les
Palestiniens représentent donc 82% des tués, soit 4.6
Palestiniens tués pour 1 Israélien.
Le
Département des relations nationales et internationales de
l’Organisation de Libération de la Palestine a publié des
chiffres très voisins sur les victimes palestiniennes depuis le
déclenchement de la deuxième Intifada [2],
en indiquant par ailleurs que :
674
Palestiniens dont 300 femmes avaient été tués dans des
« assassinats ciblés », c’est-à-dire des exécutions
extrajudiciaires ;
à peu près
40’000 Palestiniens avaient été blessés ;
60’000
Palestiniens avaient été enlevés, dont 11’000 sont toujours
détenus dans des conditions très dures ;
7’512 maisons
avaient été complètement détruites, soit sous prétexte d’absence
de permis de construire, soit pour la construction du mur dit
« de séparation ».
Mais, plus terrible encore
que les chiffres calculés sur l’ensemble de cette période, est
l’aggravation spectaculaire du caractère violent et meurtrier de
la répression israélienne depuis la prise de contrôle de la
bande de Gaza par le Hamas en mars 2006.
Un article de Patrick
O’Connor, du 4 novembre 2006, relevait que « les
Palestiniens, déjà soumis à l’occupation militaire et à
l’écrasante violence israélienne, ont été tués à un taux de 26
Palestiniens par Israélien tué, depuis que le Hamas a pris le
pouvoir, le 29 mars 2006 [491 Palestiniens contre 19
Israéliens], et de 76 Palestiniens par Israélien
depuis le 1er juillet [381 Palestiniens contre 5
Israéliens]. Bien que les médias de grande
diffusion nous parlent encore d’un "conflit" entre "deux
parties", au cours des sept derniers mois, cela a été tout
simplement un massacre » [3].
A ne considérer que cette
macabre arithmétique – qui ne prend pas en compte les milliers
d’innocents massacrés par Israël lors de sa dernière guerre
contre le Liban et ne montre pas toutes les souffrances humaines
qu’il y a derrière chacun de ces chiffres - il est donc
parfaitement immoral de nous parler constamment de la « sécurité
d’Israël », sans jamais se préoccuper de la sécurité des
Palestiniens.
Et ce discours est d’autant
plus immoral que les Palestiniens vivent sous occupation, et
qu’on leur demande au surplus, à eux aussi, de garantir la
sécurité d’Israël !
Depuis
quand exige-t-on de l’occupé qu’il garantisse la sécurité de
l’occupant ?
Demandait-on aux résistants français – qualifiés de
« terroristes » par les nazis - de garantir la sécurité de
l’occupant allemand ?
Or, en déclarant, lors de sa
visite à Mahmoud Abbas à Bethléem, « qu’il
pouvait comprendre l’état d’esprit des familles israéliennes qui
vivent la peur au ventre », et que « la
sécurité d’Israël sera d’autant mieux assurée que les
Palestiniens auront un Etat » [4],
M. Sarkozy a bien montré que c’est la seule sécurité de
l’occupant qui le préoccupe : les Palestiniens n’ont droit à
quelque considération que dans la mesure où ils y contribuent.
M. Sarkozy est même allé
beaucoup plus loin. Ses propos sonnent comme un déni du droit
des Palestiniens à résister à l’occupation - pourtant reconnu
par le droit international – et comme une apologie de la
collaboration avec l’occupant : « Ce qui
garantira la pérennité et la sécurité de l’Etat d’Israël sur
laquelle je me suis engagé - c’est le combat politique de toute
ma vie - c’est la création d’un Etat palestinien à ses
frontières, démocratique, moderne où il y aura des hommes comme
Mahmoud Abbas ou d’autres, mais des hommes comme lui qui sont
portés par les urnes et non pas par les armes, où il n’y aura
qu’une seule autorité pour faire régner l’autorité, l’armée
palestinienne et pas les milices ou une bande de terroristes. » [5].
Alors que tout le monde sait
que le Hamas a précisément été porté au pouvoir par un scrutin
parfaitement démocratique dont les Etats-Unis et les pays de
l’Union Européenne se sont ingéniés à torpiller le résultat qui
leur déplaisait, ces propos sont une véritable insulte au peuple
palestinien et à la simple vérité !
Ni l’occupation continue des
territoires palestiniens, ni les massacres qu’Israël y a
perpétrés, ni les lois racistes qui discriminent également les
Arabes israéliens, ni la politique d’apartheid pratiquée par
l’Etat d’Israël [6]
n’ont empêché M. Sarkozy, devant la Knesset :
de déclarer
qu’il mesurait l’honneur de pouvoir s’adresser à cette « Assemblée
qui est le symbole d’une des plus authentiques démocraties du
monde » ;
d’affirmer
son « admiration pour ces femmes et pour ces
hommes d’exception qui voulaient un Etat où seraient assurées
"une complète égalité des droits sociaux et politiques pour tous
les citoyens, sans distinction de croyance, de race, ou de sexe" » ;
d’assurer qu’
« il n’y a aucun autre Etat dans le monde dont
l’existence même fut dès le départ à ce point liée à
l’affirmation d’un idéal de justice et d’une volonté de vivre en
paix » [7].
Ces propos sont tous
rigoureusement contraires à la vérité.
Néanmoins, nos dirigeants
continuent de se bousculer pour clamer à l’envi qu’il faut
assurer la « sécurité d’Israël » !
Et les médias traditionnels
continuent eux aussi à accréditer l’idée que ce sont les
Israéliens qui sont menacés et qu’il s’agit de « protéger » !
La perversion du vocabulaire
a toujours été une arme efficace de propagande et de lavage de
cerveau. Ainsi, l’agression permanente devient « le droit de se
défendre » ; les résistants qui défendent leur peuple contre les
agresseurs israéliens deviennent des « terroristes », des
« activistes » ou des « extrémistes », c’est-à-dire une
catégorie déshumanisée sur laquelle on peut tirer à vue ; un
Etat qui pratique ouvertement l’apartheid devient « une des plus
authentique démocraties du monde ».
Il ne reste plus, alors, qu’à
marteler le message. Joseph Goebbels, le sinistre ordonnateur de
la propagande du IIIème Reich l’avait déjà dit : il suffit de
répéter constamment un mensonge pour en faire une vérité, et
plus le mensonge est énorme, mieux cela fonctionne
Silvia Cattori
(*). Voir : « Discours
de M. le président de la République à la Knesset », Lundi 23
juin 2008, Site Internet de la Présidence de la
République.
[1]
Voir :
http://www.btselem.org/english/Statistics/Casualties.asp
[2]
Voir : « The
second Intifada : 4950 Palestinians killed including 945
children », by Ameen Abu Wardah - IMEMC News,
18 octobre 2007.
[3]
Voir : « Israel’s
Large-Scale Killing of Palestinians Passes Unreported », by
Patrick O’Connor, The Electronic Intifada, 4
novembre 2006.
Voir aussi le commentaire de l’article
susmentionné fait par Nidal, sous le titre « L’assassinat
sous forme de tableau Excel »,
tokborni.blogspot, 5 novembre 2006.
[4]
Voir : « VISITE
D’ETAT EN ISRAEL ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS,
CONFERENCE DE PRESSE CONJOINTE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
M. NICOLAS SARKOZY, ET DU PRESIDENT DE L’AUTORITE PALESTINIENNE,
M. MAHMOUD ABBAS - PROPOS DE M. SARKOZY – (Bethléem, 24 juin
2008) ».
[5]
Voir note 4.
[6]
Voir :
« Omar
Barghouti : Aucun État n’a le droit d’exister comme État raciste »,
par Silvia Cattori, silviacattori.net, 6
décembre 2007.
« Le
Comité de l’ONU exhorte Israel à retirer sa loi sur la
citoyenneté, à démanteler le Mur, à lier le Fonds National Juif
aux principes antidiscriminatoires et à reconnaître les villages
non reconnus. », Centre juridique Adalah –
Newsletter d’Adalah - Volume 34, Mars 2007.
« A
propos d’Israël, saviez-vous que... », par Haitham Sabbah,
30 octobre 2007.
[7]
Voir note (*), dans l’encadré.
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