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Suisse
Palestine :
La diplomatie suisse doit défendre le droit international
Silvia Cattori
27 avril 2007
Les propos tenus par la présidente de la Confédération helvétique
Micheline Calmy Rey, à Genève le 26 avril 2007, en présence du
président palestinien Mahmoud Abbas, lors de l’inauguration de
l’exposition Gaza à la croisée des civilisations, ne
sont-ils pas susceptibles d’accréditer une vision totalement
biaisée de la réalité ?
Quand Mme Calmy-Rey déclare : «La Suisse déplore
la reprise de la violence dans la bande de Gaza et en Cisjordanie,
elle invite les parties à poursuivre dans la voie du dialogue et
à s'abstenir de toute action fragilisant le cessez-le-feu à Gaza»,
ne met-elle pas volontairement le bourreau et la victime sur
le même plan, comme s’il s’agissait d’une guerre entre deux
Etats alors qu’il s’agit d’une guerre menée par un Etat
colonial militairement et économiquement fort, Israël, contre un
peuple, les Palestiniens, totalement démuni, qui n’a ni Etat ni
aucun moyen de se défendre ?
Pourquoi cette manière symétrique de présenter des
situations qui sont asymétriques ? Pourquoi ce déni d’une
situation terriblement injuste et déséquilibrée pour les
Palestiniens ? Depuis la trêve conclue en novembre 2006,
Israël a mené 600 opérations militaires, tué, blessé, kidnappé
des centaines de civils palestiniens.
En écoutant Mme Calmy Rey, je me suis souvenue des réflexions
du professeur Bertrand Badie(1), au sujet de ce
discours des politiques qui « l’étonnait beaucoup
quand on parle du conflit israélo-palestinien et qui consiste à
dire : il faut que chacun fasse preuve de bonne volonté. Il faut
que chacun y mette du sien. Il faut que chacun fasse un pas vers
l’autre. Il faut, d’une part qu’Israël soit plus modéré,
mais il faut aussi que les Palestiniens renoncent à la violence
(…) On ne peut pas demander la même chose, en grammaire des
relations internationales, si vous me permettez l’expression, à
un Etat, et à un non-Etat. On ne peut pas demander la même chose
à quelqu’un qui a tout et à quelqu’un qui n’a rien. Et
ceci est extraordinairement dangereux. Car c’est une source de
violence, de radicalisation de la violence, qui est fort préoccupante »
Le rôle de la Suisse, détentrice des Conventions de Genève,
ne serait-il pas de dire le vrai, d’éviter d’accréditer
cette fausse symétrie, d’exiger avant toutes choses le
respect de ces Conventions par la puissance occupante, et le
respect des nombreuses résolutions de l’ONU exigeant,
notamment, le retrait d’Israël des territoires occupés ?
Mme Calmy-Rey a également déclaré avoir « discuté
de la manière d’intégrer l’Initiative de Genève dans
le cadre du plan de paix de la Ligue arabe » avec M.
Abbas. En réalité cette Initiative de Genève, baptisée
également Accord de Genève, et présentée en 2003 comme
un tournant historique, est construite sur la structure des
Accords d’OSLO qui ont prouvé qu’aucune initiative de
paix ne peut aboutir tant que l’occupation se maintient, et que
l’on ne peut décemment demander à des gens qui sont sous
occupation de faire des concessions et négocier d’égal à égal
avec l’occupant.
L’Initiative de Genève, est -tout comme la Feuille
de route et toutes les initiatives qui l’ont précédée-
basée sur un rapport de force qui vise à faire accepter aux
victimes palestiniennes ce qu’Israël n’est jamais parvenu à
leur imposer par la force. Elle contredit au surplus les principes
du droit au retour des réfugiés palestiniens reconnus par la Résolution
194 de l’ONU, et n’est donc pas conforme aux principes d’équité
et aux règles du droit international.
Au moment où les Palestiniens vivent dans des conditions de
plus en plus catastrophiques, au moment où de larges secteurs de
la population, sans revenus, souffrent de malnutrition, au moment
où Israël multiplie les opérations militaires sanglantes contre
des civils, ne devrait-on pas s’attendre à ce que la diplomatie
suisse s’attache -si elle entend aider les Palestiniens et ne
pas ajouter plus de frustrations et d’humiliations- à obtenir
de la part de l’Union européenne la fin du boycott économique,
et le respect du droit international de la part d’Israël, plutôt
que de continuer à bercer les gens d’illusions avec cette Initiative de
Genève qu’elle avait imprudemment initiée et qu’elle
continue de patronner ?
L’annonce qui vient d’être faite, d’une prochaine venue
en Suisse du premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh,
serait-elle le signe que la Suisse entend, désormais, donner
l’exemple en brisant le boycott des membres du Hamas démocratiquement
élus ?
1) Conférence donnée à l’Institut d’Etudes
Politiques par M. Badie, professeur à Sciences PO-Paris, le 19
janvier 2004.
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