Guerre contre l’Islam et
désinformation
Les injustices subies par Youssef Nada :
Un cas d'école
Silvia Cattori
Lundi 18 janvier 2010
Le devoir d’un journaliste est d’apporter au public les éléments
d’information et d’analyse permettant de comprendre ce qui se
passe. Á l’heure où les États « occidentaux » se sont engagés
dans des guerres unilatérales dévastatrices et des campagnes de
haine raciste contre l’Islam, ce que les journalistes disent -
ou taisent - peut contribuer à ce que des pays et des peuples
soient injustement écrasés et humiliés, et des gens - notamment
de confession musulmane - arbitrairement arrêtés, torturés,
inscrits sur des listes terroristes, brisés à jamais.
Quand on exerce ce métier il est impératif de rester libre de
toute attache. Car une information correcte requiert du
journaliste le respect d’une éthique, et un travail de recherche
courageux pour porter à la connaissance du public ce que les
pouvoirs en place cherchent à occulter.
Dès les années 90, suite à des campagnes de
dénigrement bien orchestrées - et malheureusement toujours à
l’œuvre - la vie de nombreuses personnes de confession
musulmane, a basculé dans l’horreur. Pour sa grande infortune et
celle de sa famille, Youssef Nada, un ingénieur et banquier
italien d’origine égyptienne, a été l’une d’elles.
La douloureuse histoire de Youssef Nada,
inscrit après le 11 septembre 2001, sans que rien ne le
justifie, sur la liste noire des personnes accusées de soutenir
le terrorisme [1]
– et finalement radié de cette liste [2]
après huit années de « vicissitudes kafkaïennes », selon les
propres termes du sénateur suisse Dick Marty – devrait nous
conduire à méditer afin que ce genre d’abominations ne se répète
plus. L’injustice subie par Youssef Nada - une figure politique
très respectée dans le monde, qui occupait notamment une
position éminente au sein du mouvement des Frères musulmans -
nous paraît emblématique du rôle perverti d’une partie de la
presse, et de ses accointances avec les services de
renseignement.
Le ciel est tombé une première fois sur la
tête de Youssef Nada quand, en 1997, le journaliste
Guido Olimpio a publié un
article [3]
dans l’influent quotidien milanais Corriere
della Sera, affirmant, sans apporter aucune preuve tangible,
que Youssef Nada « finançait le mouvement du Hamas », mouvement
de résistance – faut-il le préciser – que l’occupant israélien
pourchassait et s’acharnait depuis longtemps à criminaliser et à
transformer en menace planétaire, aux yeux de « l’Occident ».
Les folles accusations de Guido Olimpio ont
été dûment démenties. Toutefois, la suite des évènements allait
démontrer que l’objectif visé par ces fausses informations avait
été atteint : braquer l’attention des services de renseignements
et des médias du monde entier sur la personne de Youssef Nada,
en faisant d’une pierre plusieurs coups. Donner un visage
planétaire à la « menace musulmane » au travers d’un paisible
financier ; stigmatiser les banques détenues par des musulmans
pour inciter l’Occident à considérer d’avance comme suspectes
leurs transactions financières et à considérer les dons versés à
des organisations caritatives gérées par le mouvement des Frères
musulmans comme destinées à financer le « terrorisme » ;
répandre la peur dans l’opinion publique, en faisant croire que
des musulmans vivants parmi nous, pouvaient cacher des
« terroristes » potentiels, etc.
Les choses ne se sont donc pas arrêtées là.
Dans de nombreux pays, considérés comme « stratégiques », il
s’est trouvé des « experts en terrorisme » pour reprendre, sans
vergogne, comme véridiques, les fantaisies de Guido Olimpio.
En Suisse, c’est le journaliste français
Richard Labévière qui, dès 1997, a
repris, en les aggravant, les affirmations de Guido Olimpio. Á
cette époque d’intoxication et de désinformation intense
destinée à criminaliser le mouvement des Frères musulmans,
Richard Labévière travaillait à télévision publique suisse
romande (TSR). Il s’est attaché à dépeindre Youssef Nada et le
mouvement des Frères musulmans sous les traits de fanatiques
dont il fallait se méfier. Ce qu’il affirmait, a eu un impact
énorme sur des journalistes suisses qui n’avaient aucune
connaissance du monde musulman, et qui s’en sont inspirés en
toute bonne foi.
Le film « documentaire » réalisé par Richard Labévière, diffusé en mai 1998 par la TSR dans son magazine
Temps Présent, mêlait la figure de Youssef
Nada aux images de l’attentat qui, le 17 novembre 1997 à Louxor,
avait coûté la vie à des touristes suisses, ce qui pouvait
laisser penser qu’il y avait des liens entre les deux.
Youssef Nada évoque souvent ce film de
Richard Labévière comme un moment très douloureux et offensant
car il a relancé la polémique, attirant ainsi, une nouvelle fois
l’attention des services de renseignement sur ses activités ;
lui, l’homme respecté dans le monde entier, qui côtoyait les
chefs d’Etats, qui intervenait comme médiateur de paix, à vu là,
suite à cette nouvelle vague de calomnies et de suspicions, sa
réputation compromise sans retour et le vide se faire autour de
lui.
On sait bien aujourd’hui à quoi ont abouti
ces campagnes visant à retourner l’opinion publique contre la
population de confession musulmane, et poursuivies
ad nauseam. En 2001, après l’attentat contre
le World Trade Centre - attentat qui, selon la version
officielle, n’impliquait qu’une poignée de terroristes -
l’Occident a pu faire passer comme une lettre à la poste, aux
yeux de l’opinion, sa guerre globale raciste contre la « terreur
musulmane ».
Les listes noires où les noms de Youssef
Nada, de mouvements politiques, d’entreprises, et de milliers de
musulmans à la moralité irréprochable ont été inscrits, associés
de manière infamante à des attentats terroristes (dont on ignore
à ce jour qui sont les vrais commanditaires), à Ben Laden, à Al
Qaida, se sont avérées arbitraires et illégales. « Un homme,
n’importe quel citoyen, qui vient à se trouver sur ces listes
est précipité instantanément, dans un puits sans fond » a fait
remarquer Dick Marty [4].
Pourquoi des soi-disant « spécialistes du
monde arabe » ou « experts en terrorisme », ont-ils œuvré de
manière à propager un climat de peur et d’inquiétude vis-à-vis
de la religion musulmane et à abonder dans le sens voulu par la
propagande israélienne, c’est-à-dire, à viser continuellement,
et en priorité, le mouvement des Frères musulmans, et à le
désigner comme le péril absolu ? Pourquoi se sont-ils faits les
instigateurs de ces campagnes mensongères ? Quel était
finalement leur agenda ? Agissaient-ils de façon indépendante ou
dans le cadre d’une stratégie organisée – et, si oui, par qui ?
La question « cui bono ? » pourrait bien
nous conduire sur la bonne piste.
La stratégie d’Israël a toujours consisté à tout tenter pour
entraîner les grandes puissances dans sa confrontation avec ses
voisins arabes et iraniens. Les campagnes orchestrées pour
accréditer la « menace terroriste » devaient contribuer à
déstabiliser les mouvements de résistance à l’occupant israélien
en Palestine et au Liban, et les États qui, comme la Syrie,
l’Iran, étaient dans la ligne de mire des États-Unis. [5]
Les gouvernements israéliens successifs ont
toujours présenté la résistance palestinienne légitime -
incarnée hier par le mouvement du Fatah (qu’il a réussi à
mâter), et, depuis les années 90, par le mouvement du Hamas -
comme des « terroristes » représentant une menace pour toute la
région. En martelant que le Hamas et le mouvement des Frères
musulmans qui, en Égypte s’oppose à Hosni Moubarak, ne faisaient
qu’un, Israël a obtenu le plein ralliement du dictateur
égyptien.
De même, en présentant la résistance libanaise incarnée par le
Hezbollah, comme inféodée à l’Iran, et l’Iran lui-même comme une
menace nucléaire, l’État d’Israël - fortement appuyé dans sa
propagande de guerre par le réseau pro-israélien et divers
services de renseignements aux Etats-Unis et en Europe - a
réussi à entrainer l’occident dans sa confrontation regionale
sur fond de peur de l’Islam.
Le ciel est tombé une deuxième fois sur la
tête de Youssef Nada quand, après les attentats du 11 septembre
2001, son nom, celui de ses associés ainsi que leurs sociétés,
ont été inscrits sur la liste noire des personnes et
institutions accusées de financer Al Qaida.
Aujourd’hui, grâce à sa formidable
pugnacité, après huit années d’actions exténuantes et coûteuses
auprès des tribunaux pour sauver son honneur et celui de sa
famille, et être reconnu dans son innocence et son extranéité au
terrorisme, il a obtenu la levée des accusations infamantes
contre lui et la radiation de son nom de la liste terroriste des
Nations Unies ; mais pas encore celle de toutes ses sociétés [6].
Ce n’est donc pas encore la fin de ses
tribulations ! Dans cette folle histoire il a subi des torts
moraux et des dommages estimés à plus de 380 millions de francs
suisses. A qui va-t-il pouvoir présenter la facture de cet
hallucinant gâchis auquel des journalistes sans scrupules ont
activement contribué ?
Nous avons demandé à Youssef Nada si ceux
des journalistes qui l’ont dépeint avec insistance et force
affabulations, dans des avalanches d’articles et de livres
traduits en plusieurs langues, comme le « chef d’un projet
islamique qui voulait conquérir l’Occident », avaient, quand
deux tribunaux l’ont innocenté, rectifié leurs erreurs et
reconnu le mal qu’ils lui avaient causé. Il nous a répondu
qu’aucun d’entre eux ne lui a jamais adressé la moindre excuse,
ni écrit une ligne dans les médias qui avaient diffusé leurs
accusations mensongères, pour faire connaître aux lecteurs
abusés son innocence, établie depuis 2005, et admettre qu’ils
s’étaient fourvoyés.
Face aux fabrications délibérées d’un
prétendu « ennemi islamiste », il convient de choisir son camp :
le camp de la vérité et de la justice ; le camp de la défense de
ceux qui sont discriminés par nos sociétés « civilisées ».
On n’est jamais mieux servi que par
soi-même. Durant ces années de cauchemar où il a eu à affronter
tracas et humiliations, Youssef Nada a pris la plume pour
désigner les « vandales » qui ont détruit sa vie et celle de sa
famille. Une famille qui vivait jusque là dans le confort
tranquille d’une grande demeure donnant sur le lac de Lugano et
qui, privée du jour au lendemain de ses revenus et de ses
avoirs, s’est trouvée à devoir licencier ses domestiques et à
vivre à l’étroit, mais qui a su faire front avec cette foi des
gens qui n’ont rien à se reprocher et savent que la justice est
de leur côté.
Partant de son douloureux cas, Youssef Nada
a voulu rendre justice à tant d’autres frères et sœurs musulmans
anonymes n’ayant pas les moyens de faire entendre leur voix, et
bien plus maltraités que lui, par les manipulations médiatiques
qui ont précédé les attentats du 11 septembre, et par la folie
sécuritaire qui s’en est suivie.
Sur son site personnel [7]
(jamais fini faute de temps) Youssef Nada raconte, avec distance
et précision, ce qu’il a observé, constaté, compris, analysé, au
cours de cette pénible odyssée.
Blessé par les injustices subies,
profondément atteint, affaibli par le grand âge, mais infiniment
digne face à l’adversité, il résume ainsi en préambule son état
d’esprit d’alors : « Youssef Nada, banquier
prétendument terroriste, armé de foi et de courage, luttant pour
établir son innocence et pour obtenir justice ».
Nous vous invitons à lire ce que Youssef
Nada présente comme une « étude de cas sur
l’utilisation abusive de slogans sur la lutte contre le
terrorisme, pour stigmatiser les militants politiques musulmans. »
Extraits du récit de Youssef Nada [8]
« LE
“SMOKING GUN ”
En
octobre 1997 un banquier m’a appelé pour me demander si j’avais
lu l’article paru à mon sujet dans le
Corriere della Sera.
Je lui ai dit que non. Il m’a dit : c’est très grave, vous
devriez le lire et le transmettre à votre avocat pour qu’il
engage une action en justice.
Il m’a
fallu lutter de 1997 à 2005 pour obtenir du Tribunal pénal de
Milan une condamnation de l’auteur de cet article :
Guido Olimpio [9]
du Corriere della Sera.
Un procès civil contre lui est actuellement toujours en cours
[à Milan, ndt].
Les
mensonges de Guido Olimpio figurant dans son article du
Corriere della Sera
ont été diffusés et répandus partout.
Parmi ceux qui ont contribué à répandre ces mensonges, que ce
soit par jalousie ou par haine, sciemment ou non,
intentionnellement ou non, qu’ils aient été engagés pour
désigner des « activistes islamistes », ou motivés politiquement
ou financièrement, ou par leur propre agenda professionnel, ou
qu’ils aient été induits en erreur, on relève les noms
suivants : Richard Labévière [10],
Roland Jacquard,
Leo Sisti,
Kevin Coogan, Paolo Fusi,
Daniel Pipes [11],
Victor Comras,
Sylvain Besson [12],
Lorenzo Vidino [13],
Mike Isikoff,
Mark Hosenball, Douglas Farah
et d’autres dont les noms seront indiqués ultérieurement.
Chacun d’eux a été utilisé
pour répandre des histoires fabriquées, par les moyens à sa
disposition, que ce soit des journaux, des films, des chaînes de
télévision, des livres, des sites internet, des rapports de
sécurité, et des témoignages devant la Chambre des
Représentants.
En cherchant à mettre ensemble les pièces de
la mosaïque, les grandes agences d’information allèrent encore
plus loin en ajoutant de graves modifications qui mirent en
cause leur crédibilité. La Télévision Suisse romande, la BBC, et
l’AFP sont parmi celles qui m’ont causé le plus de torts.
Quand je me suis mis à chercher sur Google
ce qu’on avait écrit à mon sujet, j’ai trouvé 200’000 pages
répétant les mêmes fabrications.
Au cours du long processus d’enquête, ce
furent surtout l’ignorance et le manque de connaissance qui
conduisirent à de mauvaises interprétations ; tout cela aboutit
finalement à soutenir des accusations sans fondement. Celles-ci
devinrent un problème pour ceux qui dans le monde devaient
investiguer. Aucun enquêteur n’a jamais pu mettre la main sur
aucun élément de preuve pour soutenir ces fausses allégations,
simplement parce qu’elles n’existent pas.
Ceux des enquêteurs qui ont été trompés par
les mensonges qu’ils ont repris dans leurs rapports officiels ou
témoignages, ne peuvent continuer à s’abriter derrière l’excuse
que leurs preuves sont classées, alors que des avocats
commencent à vérifier et à enquêter. Je leur recommande
sincèrement de reconsidérer leurs sources et de reconnaître leur
erreur.
L’enquête pénale a commencé dans divers pays
au sujet de cette diffusion de fuites mensongères. D’autres
actions vont suivre pour démasquer ceux qui ont utilisé ces
mensonges pour en faire des articles, des livres ou des rapports
officiels.
(…)
Par qui le mal est
arrivé pour commencer
Le
20.10.1997 le Corriere della
Sera publiait en page 4 (Corriere economia)
un article signé par
Guido Olimpio intitulé « Hamas perde meta’ del tesoro » (« Le
Hamas perd la moitié de son trésor »).
QUI EST GUIDO
OLIMPIO ?
Il est
né en Albanie le 15.04.1957. Son niveau d’éducation n’est pas
connu. Il a commencé à travailler au journal Il Tempo à l’âge de
23 ans. Il a été correspondant du
Corriere della Sera
en Israël. Il a déclaré le 09.10.2002 devant le Tribunal pénal
de Milan, avant d’être mis en accusation, qu’il avait des
contacts avec le FBI des États-Unis, qu’il « avait donné une
audience au Congrès des États-Unis en 1996 et qu’il avait
témoigné devant la commission de sécurité du Congrès des
États-Unis ».
Le cas
AL TAQWA / NADA faisait partie de son témoignage
[la banque de Youssef Nada qui sera conduite à faire faillite,
ndt].
L’article de Guido
Olimpio avait pour titre : « Le Hamas perd la moitié de son
trésor »
Y figurait également un
tableau contenant des déclarations agressives sans aucun
fondement, au sujet de soit disant magiciens de la finance, de
banquiers qui opéraient depuis les paradis fiscaux des Caraïbes
et des montagnes suisses.
L’auteur, Guido Olimpio, y désignait à
plusieurs reprises, sans aucune preuve, la Banque Al Taqwa comme
la principale source de financement du Hamas et d’autres groupes
islamistes ; notamment la Jamaa Islamia égyptienne, le FIS
algérien et le Alnahda tunisien.
Il y écrivait également que les dirigeants du Hamas étaient en
train d’enquêter pour savoir où avaient disparu les « cinquante
milliards de lires » que la Banque Al Taqwa avaient donné au
Hamas, cette banque, qui avait son quartier général aux Bahamas
et des bureaux à Lugano, étant considérée comme le « poumon de
l’appareil financier des intégristes ».
Il affirmait en outre que la Banque Al Taqwa était le moteur
financier des partis islamistes au niveau planétaire. Il
désignait le président de la banque YOUSSEF NADA et affirmait
que ce dernier avait chargé son associé et adjoint Ghaleb Himmat
de la mission de soutenir le Hamas, la Jamaa Islamia égyptienne,
le FIS algérien et le Alnahda tunisien.
L’article portait également sur le
financement des groupes armés accusés de promouvoir le
terrorisme, et attribuait ce financement à la Banque Al Taqwa, à
l’organisme de gestion Al Taqwa, à leur président YOUSSEF NADA,
et à son adjoint Ghaleb Himmat.
(…)
LA DEUXIÈME VAGUE
En
novembre 1997, j’ai reçu un appel de MM. Schreiber et Richard
Labévière de la Télévision suisse romande. Ils voulaient
m’interviewer au sujet de l’article du
Corriere della Sera. Je les ai informés que
notre avocat avait introduit une action en justice contre Guido
Olimpio et le Corriere della Sera
devant le Tribunal pénal de Milan et j’ai
refusé de leur accorder une interview.
Le 14 mai 1988, [plus d’une
année] après l’attaque terroriste inhumaine et barbare de
Louxor, en Égypte où de nombreux touristes suisses avaient été
tués, la Télévision suisse romande a diffusé un film
documentaire réalisé par Richard Labévière.
QUI EST RICHARD
LABÉVIÈRE ?
Citoyen
français, né le 04.05.1958, domicilié à 01210
Ferney-Voltaire/Ain/France, 23 bis Rue de Meyrin
[il collaborait alors avec la Télévision suisse romande (TSR).
Actuellement, il affirme vivre entre le Liban et la France
(ndt)]. Bachelier et
journaliste. Le bruit a couru que, de 1991 à 1997, il a été
utilisé pour des activités de renseignement au Centre des
Nations Unies de Genève pour le compte de pays d’Europe et du
Moyen-Orient. Nous ne savons pas si c’est vrai ou non.
Ce qui
est étonnant est que Labévière a, par la suite, fait de son
film [14]
un livre [15],
dans lequel il a encore ajouté d’autres fabulations. Comme ses
connaissances [de la question
musulmane] étaient
médiocres, il a essayé de recueillir des informations au
Moyen-Orient. On constate le même phénomène avec tous ceux qui
ont tenté d’enquêter sur n’importe quelle faction islamiste,
qu’il s’agisse de journalistes ou d’agents du renseignement. Il
a utilisé comme source, des gens qu’il qualifiait d’experts, qui
en savaient plus que lui mais qui, néanmoins, étaient soit des
ignorants en la matière mais pas moins que lui, ou qui visaient
les mêmes objectifs que lui ! Tous ceux qu’il a présentés comme
des références dans son film, pour qu’ils contribuent à nous
calomnier, appartiennent à cette catégorie.
Il n’a
présenté, dans son livre ou son film, aucun élément de preuve
pour soutenir ce que lui-même ou ses experts ont prétendu,
excepté quelques individus stipendiés au Moyen-Orient, ainsi que
l’article mensonger de Guido Olimpio dans le
Corriere della Sera.
Il a retenu ces éléments comme des preuves fiables, alors que,
de son côté, Guido Olimpio, lors de l’audience à son encontre au
Tribunal pénal de Milan où il a été inculpé, a tenté de faire
valoir comme preuve le livre de Labévière pour soutenir ses
propres fabrications !
Parmi les fantaisies écrites
par Labévière figure l’histoire fabriquée selon laquelle,
pendant la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire en 1940,
Youssef Nada avait travaillé pour le troisième Reich allemand,
l’Abwehr de l’amiral Canaris, et avait participé à un complot
contre le roi Farouk. Labévière s’est ainsi montré nul en
arithmétique parce que, à cette époque, j’étais un enfant de
neuf ans (je suis né en 1931).
Dans ses publications, datant de septembre
2002, un autre prétendu expert international du même acabit
nommé Kivin Coogan, et que les milieux du renseignement ont
coutume de consulter, a écrit ce qui suit :
« À cet égard, Labévière cite également des rapports égyptiens
selon lesquels Youssef Nada a travaillé pour le renseignement
militaire de l’Abwehr allemande, dans les années 1930 et 1940
(nous rappelons au lecteur que, dans son livre, Labévière a
écrit 1940, et que Coogan a ajouté une nouvelle fantaisie :
1930 ?). Il convient également de rappeler que Francois Genoud,
le banquier nazi suisse, a commencé à développer des contacts
dans le monde arabe pour le compte des renseignements allemands
dans les années 1930 ».
Le film de Labévière, tout en répétant les
fausses histoires de Guido Olimpio dans le Corriere della Sera,
ajoutait des images sans aucun rapport, de Louxor,
d’Afghanistan, de Ben Laden, et autres.
Madame Carla Del Ponte
et le Dr. Urs Von Daeniken
Madame
Carla Del Ponte, la Procureure fédérale Suisse à cette époque,
et le Dr. Urs Von Daeniken, chef de la sécurité au sein de la
Police fédérale suisse, ont tous deux été interrogés dans le
film documentaire [de Richard
Labévière] où il
leur est demandé pourquoi ils ne veulent pas ouvrir un dossier
pour enquêter sur les faits qu’il relate au sujet de Nada et
d’Al Taqwa. La réponse qu’ils donnent dans le film est que les
éléments présentés par ses auteurs ne contiennent aucune
substance concrète ou preuve permettant l’ouverture d’une
procédure d’enquête.
Quand j’ai vu le film j’ai
appelé à la fois les bureaux de Madame Del Ponte et du Dr. Von
Daeniken, le 26 mai 1998, pour demander une rencontre.
Une semaine après, le 02.06.1998, j’ai reçu
de leur part un fax fixant un rendez-vous. (…)
Le résultat de cette rencontre a été que,
pour eux, le film n’avait aucun sens ; si cela avait été
crédible un dossier d’enquête aurait dû être ouvert ; c’est
également ce que Mme Del Ponte disait dans le film. En même
temps, le Dr. Von Daeniken est venu droit vers moi et m’a dit :
« à part le film, j’ai des questions concernant deux
transactions qui nous ont été signalées ». Je l’ai assuré que
j’étais très confiant dans le fait que nos transactions ne
pouvaient pas toucher ou venir de sources douteuses et que nous
étions prêts à donner des réponses ou des clarifications
concernant tout document relatif à toute transaction n’importe
où dans le monde. Il m’a répondu que ses collaborateurs
spécialisés se mettraient en contact avec moi.
Quelques semaines après, ses assistants,
M. Christian Duc et M. Serge Bacci m’ont appelé pour prendre
rendez-vous et sont venus à mon bureau. Les prétendues
transactions au sujet desquelles ils avaient reçu des
informations étaient fausses ; elles n’avaient jamais eu lieu et
ne pouvaient pas avoir eu lieu ; je leur en ai expliqué la
raison et j’ai répondu à leurs questions concernant notre
histoire et nos activités. Nous avons compris que tout était en
ordre et que, de leur côté, ils n’avaient rien à redire. Nous
avons apprécié leur comportement respectueux et professionnel.
LA TROISIÈME VAGUE
Comme
on pouvait s’y attendre, les calomnies contenues dans l’article
du Corriere della Sera
et le film de Labévière
commencèrent à se développer et à produire leurs fruits
empoisonnés.
Le 9 décembre 1999, je suis
arrivé à l’aéroport d’Atlanta, en provenance de Zurich, en
transit pour Nassau aux Bahamas. Les services d’immigration
étatsuniens m’ont stoppé, m’ont empêché d’embarquer dans mon vol
pour Nassau et m’ont renvoyé à Zurich par le vol retour de
Swissair.
Lorsque je leur en ai demandé la raison, ils
m’ont répondu : « Contactez le plus proche consulat des
États-Unis et demandez-leur ». En examinant mon passeport
italien, je me suis aperçu qu’ils y avaient inscrit un numéro de
code ; ce code était 217.4’6’A7811 5412 ATC 212 ‘0’.
Le 15 décembre 1999, j’ai appelé le consul
des États-Unis à Milan et je suis allé le voir. Quand il a vu le
passeport, il m’a dit : « Vous devez ouvrir un dossier. Pour
ouvrir un dossier vous devez demander un visa, apporter tout ce
qui a été écrit sur vous dans les médias, le traduire en
anglais, et apporter également tous vos documents bancaires,
actions, obligations, correspondants, et les traduire en
anglais. Apportez aussi l’inscription de votre entreprise. »
En fait, je me suis mis à rire et n’ai pu m’empêcher de lui
demander : « Vous êtes sérieux ? Vous voulez que je vous amène
cinq ou six camions ? Je ne veux pas aller aux États-Unis, tout
ce que je veux, c’est laver mon nom de tout soupçon. Je ne
connais pas la raison de ce qui s’est passé. Ce pourrait être
une erreur ou une fausse information. » Néanmoins j’ai fait la
demande de visa comme il l’avait indiqué.
Quatre mois plus tard, le 27 avril 2000,
j’ai reçu une lettre disant qu’ils m’avaient trouvé « inéligible
en vertu de l’article 212’a’’3’’b’ qui stipule notamment que
tout étranger qui s’est engagé dans des activités terroristes ou
qui est un représentant ou un membre d’une organisation
terroriste étrangère est inadmissible. Les allégations du
journal italien selon lesquelles vous étiez le financement
d’organisations terroristes pourraient être la base d’un refus
en vertu de l’article 212’a’’3’’b’ ; vous pouvez engager un
avocat aux États-Unis et traiter directement avec l’INS. »
Je suis retourné voir le consul. Il était très détendu et m’a
dit « Vous devez demander un nouveau visa de catégorie I. C’est
la procédure officielle. Si vous ne l’acceptez pas, je ne peux
pas vous aider. »
Je l’ai quitté puis lui ai envoyé une lettre relative aux
documents juridiques ; j’ai également envoyé une autre lettre à
l’Immigration and Naturalization Service (IMS) à Atlanta,
disant : « Ma principale préoccupation n’est pas de voyager aux
États-Unis ou dans n’importe quel autre pays ; c’est uniquement
que mon nom soit lavé de tout soupçon. Je suis prêt à me
soumettre à toute enquête, qu’elle soit formelle ou informelle,
pour répondre à toute question pouvant conduire à ce que mon nom
soit réhabilité. »
Deux
mois plus tard, le 23 juin 2000, j’ai reçu leur réponse disant
que ce qui s’était passé [le
refoulement du 9 décembre 1999 à l’aéroport d’Atlanta. Ntd]
découlait des
instructions du siège, à Washington D.C. et que ma lettre avait
été transmise à leur bureau.
Trois mois plus tard, le 29
septembre 2000, n’ayant reçu aucune réponse du bureau en
question, je leur ai adressé une nouvelle lettre demandant une
réponse.
Sept mois plus tard, le 8 février 2001, j’ai
reçu une réponse disant : « Vous nous avez demandé de vous
conseiller sur la personne à contacter pour discuter de votre
cas. La personne appropriée serait le consul américain dans
votre pays de résidence. Nous vous remercions d’avoir porté
cette question à notre attention et de nous donner l’occasion de
répondre à vos préoccupations. »
Le 30 mars 2001, j’ai contacté à nouveau le
consul des États-Unis à Milan en lui donnant copie de ma
correspondance avec le Département de la justice. Il m’a répondu
(sur un petit Post-it jaune 3M) : « Aucune autre mesure ne peut
être prise dans votre cas tant que vous n’avez pas fait une
nouvelle demande de visa. »
Le 22 mai 2001, j’ai fait une nouvelle
demande de visa en suivant son conseil.
Le 13 juin 2001, je lui ai envoyé un fax
pour tenter d’obtenir un rendez-vous, vu qu’il n’avait pas
répondu à ma lettre et à ma demande de visa et que je n’arrivais
pas à le joindre par téléphone ; je n’ai reçu aucune réponse.
J’ai donc cherché pendant un an et demi, de
décembre 1999 à juin 2001, à obtenir une réponse, mais en vain.
Alors j’ai décidé d’attendre leur réponse.
LA DATE NOIRE DU 11
SEPTEMBRE 2001
Nous
[associés faussement au financement du terrorisme avant ces
attentats, ndt]
avons dûment condamné l’acte barbare et inhumain que nous
considérons comme contraire à toute civilisation et toute
religion ; nous avons publié dans les journaux nos condoléances
aux familles des victimes. Copie de ce communiqué de presse a
été envoyé aux consulats des Etats-Unis à Milan et à Berne.
Les noms des pirates de
l’air ont été distribués à toutes les banques du monde entier
avec des instructions précises pour que tout compte ou
opération, concernant ou lié à chacun d’entre eux, soit signalé.
Le 20 septembre 2001, nous avons vérifié
tous nos dossiers et n’y avons trouvé aucun de ces noms là. (…).
Nous avons suivi et respecté les instructions et fait le rapport
requis, y compris tous les documents s’y rapportant, et les
avons remis à la Banque centrale des Bahamas. La Banque centrale
les a transmis au Procureur général des Bahamas qui les a
envoyés aux États-Unis.
Le 29 octobre 2001, le Consulat des
États-Unis à Rome m’a appelé et m’a dit : « Le 27 avril 2000
vous avez envoyé une lettre à Washington disant que vous vouliez
que votre nom soit lavé de tout soupçon. Quelqu’un vous
appellera demain de Washington, seriez-vous disponible, à 8h30
heure de Washington, 14h30 heure suisse ? » J’ai répondu
positivement.
Le lendemain, M. John Cosenza du FBI m’a appelé et m’a dit qu’il
allait prendre le jour suivant un vol pour Milan et qu’il me
demandait de le rencontrer au consulat. Je suis arrivé au
consulat à l’heure précise ; il y avait une longue file
d’attente à l’entrée. J’ai demandé au garde de les informer que
j’étais arrivé, par le biais de l’interphone. La réponse fut :
« OK, s’il vous plaît, restez dans la file d’attente ». Je leur
ai demandé de leur dire : « Nada ne reste pas dans la file des
mendiants », et je suis parti.
Lorsque je suis arrivé chez moi, j’ai appris que le Consulat des
États-Unis m’avait appelé quatre fois. Ils m’ont à nouveau
appelé, et se sont excusés en me disant qu’ils m’attendraient en
bas. J’ai pris avec moi une copie du fichier que j’avais donné à
la Banque centrale et la leur ai remise. Je leur ai raconté ma
conversation avec le consul et que celui-ci me demandait de lui
apporter des documents qui auraient rempli plusieurs camions ;
je leur ai dit que, comme ce monsieur ne connaissait guère plus
en matière de finance que son salaire, le contrat de location de
sa maison, sa nourriture, ses habits et ceux de sa femme,
comment aurait-il pu comprendre quelque chose aux documents
financiers d’une banque ? Et comment aurais-je pu les lui
amener ?
Ils m’ont posé des questions, au sujet de ce
qui avait paru dans le Corriere della Sera, à mon sujet et au
sujet de la Banque Al Taqwa, au sujet du Centre islamique de
Milan, de Ahmed Idris Nasreddin [16],
ainsi qu’au sujet de ma famille et de mon activité, aussi bien
comme homme politique que comme banquier. Ils étaient deux :
John Cosenza et Linda Viti ; j’ai compris que c’étaient des
agents basés à Rome. Quatre ans plus tard, j’ai pu lire leur
rapport et j’ai découvert qu’ils avaient fait de leur mieux pour
reproduire l’entretien honnêtement, mais qu’ils avaient mélangé
certains noms et certains faits.
Le 5 novembre 2001, M. Hosenball, de News
Week, m’a appelé pour me poser de nombreuses questions au sujet
de Nasreddin et de la Mosquée de Milan, ainsi qu’au sujet de
notre avocat dont il m’a demandé le numéro de téléphone. Il a
appelé notre avocat et l’a informé de sa conversation avec moi.
Mais ce qu’il lui a rapporté n’était pas exact, il donnait
d’autres significations à notre conversation et embrouillait les
choses. Lorsque l’avocat m’en a informé, je lui demandé
d’envoyer officiellement à M. Hosenball le contenu correct de la
conversation et de tenir ce dernier pour responsable s’il y
apportait le moindre changement. Le lendemain, j’ai appelé
M. John Cosenza et je l’ai informé de cette conversation.
Le 5 novembre 2001, Nasreddin est arrivé du
Maroc ; j’ai accompagné son fils pour aller l’accueillir à
l’aéroport de Milan. À Chiasso, sur notre route en direction de
Lugano, la Police suisse des frontières nous a arrêtés, nous a
enfermés dans un garage avec la voiture, et a inspecté celle-ci
complètement. Cela a duré deux heures ; lorsque je suis arrivé
chez moi, j’ai téléphoné à mon avocat, et pris rendez-vous avec
lui pour le lendemain matin. »
On peut lire d’autres parties du récit de
Youssef Nada sur son site, où il raconte par exemple, comment
les choses se sont précipitées de façon dramatique pour lui et
ses associés, un fatidique 7 novembre 2001, lorsque des dizaines
de policiers ont fait irruption à son domicile alors que son
épouse dormait, ainsi qu’à celui de son associé Himmat et dans
ses bureaux à Lugano, pour mener une perquisition, sous la
direction de Claude Nicati, Substitut du Procureur fédéral
suisse, qui lui signifiait sans ménagement qu’il « était
accusé d’utiliser sa société Al Takwa Mamagement et sa Bank Al
Taqwa pour financer une organisation terroriste. » [17]
Le soir même, le président George W. Bush en
personne apparaissait à la télévision pour accuser M. Nada, ses
associés et sa banque de soutien au terrorisme et déclarer « Nous
allons les affamer ».
Les médias se sont déchaînés contre lui.
C’était le début de huit années cauchemardesques au cours
desquelles, comme le dit M. Nada : « Les
vandales sont réapparus. Les vieilles histoires et les mensonges
ont été répétés dans les médias. (…). L’article du Corriere
della Sera de Guido Olimpio ainsi que le film de Labévière ont
recommencé à circuler avec de nouvelles inventions et
fabrications. »
Quelques leçons à tirer
La plupart des gens l’ignorent, des
journalistes, des responsables de rédactions travaillant dans
les médias traditionnels ne sont pas forcément neutres : ils se
font souvent l’écho de nouvelles biaisées qui participent
activement à la guerre de propagande de certains États en guerre
et contribuent à justifier l’inacceptable ; ou, pour les mêmes
motifs, taisent délibérément certains évènements [18].
Les gens ignorent également que,
malheureusement, les nouveaux médias ne sont pas épargnés non
plus par les manipulations étatiques [19].
Des blogs et des sites, qu’ils croient honnêtes, militants,
radicaux, sont la création d’agents de renseignement qui, par le
biais des forums notamment, cherchent à infiltrer les milieux
dissidents, à mesurer l’impact des articles que ces derniers
diffusent, à soulever des faux débats entre faux messagers, pour
ensuite ameuter les décideurs politiques sur l’ampleur de la
menace « antisémite » par exemple, et, last but
not least, à identifier les « islamistes » qui tombent dans
leurs provocations.
En 1990, Israël et les États-Unis ont
parfaitement réussi à entraîner l’Organisation des Nations Unies
dans la guerre du Golfe qui opposa l’Irak à une coalition de 34
États. Cette guerre qui devait, selon leurs dires, apporter la
« paix en Palestine » et « un nouvel ordre mondial » n’a apporté
ni l’un ni l’autre. Au contraire, elle a été le point de départ
de guerres toujours plus meurtrières, et toujours en cours. Des
pays entiers ont été détruits, démembrés, contaminés pour des
millénaires par des bombes à l’uranium appauvri. Des peuples,
ont été jetés dans la misère, la faim et dans la peur des
cancers en grande augmentation. Ils ne comprennent pas que cette
barbarie puisse continuer de s’abattre sur eux, sans soulever,
au niveau mondial, la vague d’indignation qui pourrait permettre
de l’arrêter.
Comment notre monde dit « civilisé » en
est-il arrivé à ce degré d’inhumanité ?
Le journaliste britannique John Laughland [20]
apporte des éléments de réponse à cette lancinante question. Il
a brillamment analysé les techniques de désinformation utilisées
pour conditionner l’opinion en vue d’atteindre des objectifs
politiques [21].
Il se réfère notamment à l’ouvrage de Serge Tchakhotine « Le
viol des foules par la propagande politique » [22],
pour nous rappeler ceci : « … le rôle des
journalistes et des médias est fondamental pour s’assurer que la
propagande est constante (…) la propagande ne saurait
s’interrompre (…) une des règles fondamentales de la
désinformation moderne est que le message doit être répété très
souvent (…) les campagnes de propagande doivent être dirigées de
manière centralisée et très organisée… ».
Laughland se fonde également sur les
affirmations du journaliste à Sky TV, Tim Marshall, pour
illustrer les liens pervers tissés entre journalistes et membres
des services secrets. Il cite comme exemple les évènements qui
ont conduit à la chute de Milosevic, où Tim Marshall « se
vante de ses nombreux contacts avec les services secrets, en
particulier ceux de Grande-Bretagne et des États-Unis (…) Un des
thèmes qui traversent son livre [23]
sans qu’il le veuille, est que la frontière entre les
journalistes et les barbouzes est ténue. Au début du livre,
Marshall parle en passant des « liens inévitables entre les
agents, les journalistes et les politiques », disant qu’ils
« travaillent tous dans le même domaine ». Il continue sur le
ton de la plaisanterie en disant que c’est une « association de
barbouzes, de journaleux et de politicards, plus le peuple »,
qui a causé la chute de Milosevic. Il adhère au mythe de la
participation du « peuple » mais le reste de son livre montre
qu’en réalité le renversement du président yougoslave n’a pu
avoir lieu que grâce à des stratégies politiques conçues à
Londres et à Washington. »
Soyons clairs : certes, les États de droit
ont besoin de services de renseignements pour assurer leur
sécurité, mais les citoyens n’ont pas à accepter que ces États
les trompent, par la fabrication de fausses informations. Il est
de ce fait inacceptable que des journalistes entrent dans ce
jeu.
[1]
Voir :
« L’incroyable
histoire de Youssef Nada », par
Silvia Cattori, Mondialisation, 13 juin
2008.
« Islam :
L’ennemi fabriqué », par Silvia
Cattori, Mondialisation, 16 novembre 2008.
[2]
Voir : « Nous
avons toujours cru en l’innocence de Youssef Nada »,
par Silvia Cattori, silviacattori.net, 24
septembre 2009.
[3]
Voir : « Hamas
perde meta’ del tesoro », par Guido
Olimpio, Corriere della Sera, 20 octobre
1997.
[4]
Quotidien suisse italien Corriere del Ticino
du 25 septembre 2009. Sans la dénonciation par Dick Marty, de
ces listes noires illégales, qui a contribué à médiatiser le
sort de M. Nada, celui-ci serait peut-être encore sur cette
liste, associé au « terrorisme » fabriqué, comme tant d’autres
plus malchanceux que lui.
[5]
Voir la vidéo en trois parties intitulée : « Criminal
State : A Closer Look at Israel’s Role in Terrorism »,
par Jeff Gates.
[6]
Le 23 septembre 2009, a été retiré de la liste le nom de Youssef
Nada et, le 22 octobre 2009 les noms de sa BANK
AL TAQWA et de AL TAKWA MANAGEMENT. Les
noms de ses deux associés avaient été retirés précédemment :
celui de Ali Ghaleb Himmatt le 10 août 2009, et celui d’Albert
Huber (décédé en mai 2008) le 12 août 2008. Voir :
http://www.un.org/sc/committees/1267/docs/De-listed.htm.
En revanche, les noms
de ses autres sociétés, BA TAQWA FOR COMMERCE
AND REAL ESTATE COMPANY LIMITED ; NADA
INTERNATIONAL ANSTALT ; WALDENBERG AG ;
YOUSSEF M. NADA & CO. GESELLSCHAFT M.B.H,
figurent encore sur la liste à l’heure où nous écrivons (voir :
http://www.un.org/sc/committees/1267/consolidatedlist.htm).
[7]
Voir :
http://www.youssefnada.ch/
[8]
Extraits traduits de l’anglais par JPH.
[9]
Guido Olimpio, correspondant du « Corriere
della Sera ». En 1996, Guido Olimpio avait témoigné à
Washington, auprès de la "Task force" sur le terrorisme et les
armes non conventionnelles. Présenté comme « expert en
terrorisme international », M. Olimpio couvre les affaires du
Moyen Orient depuis les années 80. De 1999 à l’été 2003, il
était chef correspondant pour le Corriere della
Sera en Israël.
Il a publié divers recueils de ses articles
qui ont fait tant de mal au monde musulman, dont « La rete del
terrore. Come nascono e agiscono i militanti delle Guerre
Sante », Sperling & Kupfer, 2002.
Ses prétendues
révélations ont aussi contribué au malheur de Kassim Brittel.
Cet Italien d’origine marocaine, victime d’« extraordinary
rendition », (consignes spéciales basées sur le kidnapping
et le transfert par la CIA dans des lieux secrets), voyageait au
Pakistan quand, le 10 mars 2002, il a été enlevé par les
Services de renseignement pakistanais. Torturé, puis « vendu »
aux officiers du FBI et de la CIA, enfin livré aux Services
secrets marocains, il est toujours emprisonné au Maroc, alors
même que son innocence a été démontrée, et malgré la pressante
invitation au gouvernement italien, contenue dans la Résolution
du Parlement européen sur les « vols secrets de la CIA », pour
que l’Italie « fasse des pas concrets pour sa
libération ».
Son épouse nous avait confié : « Déjà en 2001,
quatre mois avant que mon mari ne soit enlevé illégalement et
remis à des agents de la CIA au Pakistan, Guido Olimpio avait
écrit un article dans lequel il le présentait comme un dangereux
terroriste. »
Pour plus de détails, voir : « Islam :
L’ennemi fabriqué », par Silvia
Cattori, Mondialisation, 16 novembre 2008.
[10]
Chef du service de politique internationale à RFI de 1999 à
2008, Richard Labévière a poursuivi ses enquêtes sur les Frères
musulmans et le terrorisme islamique. On peut lire ses articles
et les interviews qu’il a données à ce sujet, sur les moteurs de
recherche. Compte tenu des fausses informations qu’il a
propagées sur Youssef Nada, et sur le mouvement des Frères
musulmans – le Hamas est le mouvement de résistance contre
l’occupant qui a évité jusqu’ici la liquidation de la cause
palestinienne - il est troublant de lire aujourd’hui sous sa
plume des articles où il apparaît comme un défenseur de la cause
palestinienne.
[11]
Voir : « Daniel
Pipes, expert de la haine »,
Réseau Voltaire, 5 mai 2004.
[12]
Auteur de « La conquête de l’Occident », Sylvain Besson,
journaliste au quotidien genevois Le Temps,
s’est-il laissé prendre dans cette folle spirale de la menace
exagérée, voir fabriquée ? Toujours est-il que, dans son
incroyable essai, il affirme de manière fantaisiste que, parmi
les documents séquestrés chez Nada, il y avait un plan de
conquête de l’Occident par les Frères musulmans. Exactement ce
que les services de propagande israéliens et leurs associés
cherchaient à faire croire !
[13]
Auteur de « Al Qaeda in Europe : The New Battleground of
International Jihad ». Les écrits de Lorenzo Vidino, consacrés à
l’Islam politique et au terrorisme en Europe ont participé à la
fabrication de l’ennemi musulman. Vidino a témoigné auprès de l’United
States House of Representatives sur l’extrémisme islamique
en Europe.
[14]
La TSR a diffusé, le 14 mai 1998, un
documentaire fait d’amalgames et d’approximations, réalisé par
Richard Labévière, en lien avec l’attaque terroriste barbare qui
avait eu lieu le 17 novembre 1997 à Louxor, et au cours de
laquelle de nombreux touristes suisses avaient été tués.
[15]
« Les Dollars De La Terreur - Les Etats-Unis et Les
Islamistes », Grasset & Fasquelle, 1999.
Richard Labévière a également publié ultérieurement, et dans la
même veine, « Les coulisses de la terreur », Grasset, 2003.
[16]
Responsable avec Youssef Nada de la banque suisse
Al-Taqwa son nom aussi a été abusivement mis
sur la liste des organisations suspectées de liens avec Al-Qaida.
[17]
Voir (en anglais) le compte rendu de cette journée fait par
M. Nada sur son site :
http://www.youssefnada.ch/7%20NOVEMBER%202001.asp
[18]
Voir : « Une
répression passée sous silence », par
Seumas Milne, Réseau Voltaire, 10 janvier
2010.
[19]
Voir par exemple : « Israël
déploie une équipe de cybernautes pour diffuser de la
désinformation positive », par
Jonathan Cook, info-palestine.net, 25
juillet 2009.
[20]
John Laughland a été administrateur du
British
Helsinki Human Rights Group,
association étudiant la démocratie et le respect des Droits de
l’homme dans les anciens pays communistes, et membre de
Sanders Research Associates. Il est
aujourd’hui directeur de recherches à l’Institut
pour la Démocratie et la Coopération.
[21]
Voir : « La
technique du coup d’État coloré »,
par John Laughland, Réseau Voltaire, 4
janvier 2010.
[22]
Le viol des foules par la propagande politique,
par Serge Tchakhotine, Gallimard, réédition en poche 1992.
[23]
Shadowplay, par Tim Marshall, Beograd :
Samizdat B92, 2003.
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