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INITIATIVE DE GENÈVE

La diplomatie suisse s'obstine à poursuivre une initiative mort-née
Silvia Cattori


Débarquement à Tel Aviv - sous les applaudissements de soldats israéliens -
de nouveaux colons venus participer à la spoliation du peuple de Palestine

Lundi 22 novembre 2010

Le 1er décembre 2003, dans le cadre d’une cérémonie très mondaine, Mme Calmy- Rey, en charge du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), avait convié 700 personnes à la cérémonie de lancement officiel de l’« Initiative de Genève ». Initiative qui – aujourd’hui encore - est présentée par ses initiateurs comme une référence incontournable pour régler le « conflit » israélo-palestinien en tant que « seul modèle d’une paix fondée sur la solution de deux États ».

Il convient de préciser que ceux qui ont formulé le projet de l’initiative [1] n’appartenaient pas, comme on aurait pu le penser, au DFAE, mais venaient de milieux privés. C’est le Suisse M. Alexis Keller qui en a eu l’idée. Un fils de banquier qui n’avait jamais été ni en Israël ni en Palestine et qui ne connaissait pas grand chose à ce « conflit » ; terme peu approprié pour exprimer la situation née de l’expulsion hors de leur terre des natifs palestiniens par des "colons juifs" venus s’y installer.

Ainsi, quand il affirmait « Il y a une réelle fenêtre d’opportunité pour le processus de paix. Qu’on le veuille ou non, l’Accord de Genève est devenu incontournable dans les discussions pour la solution des deux États », il ne savait à l’évidence pas de quoi il en retournait ; il ne faisait que ressasser les habituels clichés sur la « paix », servis depuis belle lurette par les médias et les chancelleries.

Ce fut bien imprudent, de la part de Mme Calmy-Rey, d’endosser le projet de ce personnage imbu de lui-même, et de lui offrir le statut de « rapporteur spécial pour le Proche-Orient » car, ni les liens qu’il avait établis à l’origine avec la partie israélienne, ni sa compréhension biaisée et superficielle des exigences fondamentales de justice du peuple palestinien spolié par Israël, ne pouvaient faire de M. Keller, un « rapporteur » crédible [2].

Cette initiative a été qualifiée de farce par les factions palestiniennes en lutte contre l’État colonial militarisé d’Israël qui, depuis sa création en 1948, procède en toute impunité à l’épuration ethnique des populations arabes et à l’annexion illégale de terres volées.

Les appels à la prudence n’ont pourtant pas manqué [3]. Mais Mme Calmy-Rey a poursuivi obstinément ce projet mal conçu.

Les fonds engagés, en pure perte, par la Confédération suisse pour la promotion de l’Initiative de Genève – sans parler des fonds versés par des fondations privées - sont énormes. « Au total, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a débloqué environ onze millions de francs pour le soutien à l’Initiative de Genève entre 2003 et 2010. La plus grande partie de cette somme a servi à soutenir les parties israélienne et palestinienne ainsi que des médiateurs privés. La répartition entre la partie israélienne et palestinienne s’est faite en fonction de leurs programmes de sensibilisation respectifs à l’Initiative » [4].

S’ils n’ont rien apporté aux Palestiniens qui végètent depuis 62 ans dans les camps de réfugiés, ils ont alimenté toute une ribambelle de médiateurs privés pour lesquels les conflits sont un business valorisant et très profitable, et que des États comme la Suisse financent à mauvais escient. Mais ils ont également servi les intérêts personnels de Palestiniens [5] qui depuis les pourparlers de Madrid en 1990, trahissent la cause de leur peuple en tirant profit de ces faiseurs de paix illusoire et en faisant des concessions dans le cadre de négociations avec I’occupant israélien.

Sept ans après son lancement spectaculaire, l’Initiative de Genève n’a produit aucun des effets annoncés et la situation des Palestiniens n’a fait que s’aggraver. Pourtant Mme Calmy-Rey persiste et signe et va répétant que « cette initiative propose une solution détaillée et complète à toutes les questions du conflit entre Israéliens et Palestiniens » sans faire le moindre cas des citoyens qui se scandalisent de ses propos et qui l’interpellent [6].

Comment prendre au sérieux cette initiative quand on sait que le DFAE, en manque d’imagination, sous-traite ses bons offices sur un dossier aussi douloureux - et sujet à manipulation de la part d’Israël qui occupe une position dominante - à des cabinets privés, comme le Centre pour le dialogue humanitaire (CDH) [7] ?

Comment ne pas être scandalisé d’apprendre que ce Centre privé a été en charge depuis 2001, avec M. Keller, de la « médiation » et de la promotion de l’Initiative de Genève, ainsi que de son suivi jusqu’en 2006 ?

Au lieu de rémunérer grassement de prétendus « médiateurs » très éloignés de la véritable réalité, et de continuer à amuser la galerie avec cette initiative illusoire, n’eut-il pas fallu, face au durcissement de l’occupation militaire israélienne et à ses carnages répétés à Gaza, en avoir déjà tiré les conclusions qui s’imposent ?

Sept ans après le lancement officiel de l’Initiative de Genève, nous avons voulu savoir ce que M. Keller - qui avait alors déclaré : « Si dans trois ans, rien ne s’est passé, la solution des deux États est morte » - ce qu’il en pensait aujourd’hui. Sollicité, il s’est esquivé en nous disant :

« Je n’ai vraiment pas le temps. Et il y a d’autres raisons plus politiques que je ne peux pas mentionner au téléphone. Parce que je suis tout de même encore impliqué dans des négociations secrètes maintenant, et donc je ne veux pas m’exprimer là-dessus ».
« Impliqué sur l’Initiative de Genève ? » lui avons-nous demandé.
« Non, pas sur la question de Genève, sur la question israélo-palestinienne », nous a-t-il répondu, et d’ajouter : « J’ai promis, notamment aux Américains, que je ne m’exprimerais pas ou peu là-dessus » [8].

Alors nous nous sommes adressés à ceux qui savent ce qui se passe véritablement sur le terrain ; notamment à Ziyad Clot, auteur de l’ouvrage « Il n’y aura pas d’État palestinien » [9], en lui demandant s’il considère plausible de continuer à affirmer, comme le fait Mme Calmy-Rey, que l’Accord signé à Genève en 2003 « est la seule solution détaillée et complète sur la table, capable de résoudre toutes les questions du conflit entre Israéliens et Palestiniens » ?

M. Ziyad Clot nous a répondu [10] : « Personnellement, j’ai toujours pensé que l’initiative de Genève était dangereuse car elle implique des renoncements graves sur les droits des réfugiés palestiniens et, notamment, sur le droit au retour. Cette question reste au cœur de l’expérience et de l’identité palestinienne et le caractère juste et équitable d’un éventuel accord de paix, auquel je ne crois pas, la capacité à le mettre en œuvre, seront largement jugés à la lumière de la manière dont le problème des réfugiés aura été traité.

Sur le terrain, il s’agit aussi de prendre conscience que la réalité des territoires occupés palestiniens s’est radicalement transformée depuis les accords d’Oslo de 1993 en raison de l’accélération de la colonisation israélienne. J’ai bien peur que ce processus soit irréversible. Pour construire un État, il faut un territoire : celui-ci est en voie de disparition avec la présence de plus de 500’000 colons israéliens en Cisjordanie incluant Jérusalem-Est. Il faut aussi une continuité géographique : du fait de la séparation durable entre la Cisjordanie et Gaza, de la division entre le Fatah et le Hamas, elle n’existe plus. (…)

Je crois que l’Accord de Genève, et avec elle la solution des deux États, ne sont plus d’actualité. Je pense que l’on est bien au delà du stade où la solution de deux États est encore envisageable ; je me demande même si elle a jamais été possible. (…)

La conclusion à laquelle j’arrive est que le processus de paix n’est pas seulement un spectacle, c’est aussi un « business ». Avec quantité de gens qui vivent de ce business. Entre les diplomates, les journalistes, les membres des ONG, les experts en tout genre dont je faisais partie lorsque je travaillais moi-même comme conseiller juridique auprès de l’OLP. Des intérêts propres à la structure dudit « processus de paix » expliquent sa fuite en avant alors même que l’objet des négociations a malheureusement largement disparu : le territoire palestinien, Jérusalem-Est comme capitale de l’Etat palestinien etc. (…) »

Mme Calmy-Rey aura-t-elle l’humilité de reconnaître qu’il est inopportun de continuer de financer la promotion d’une initiative sans pertinence ?

Documents joints

« External Evaluation of Programme – Activities Fostering the Geneva Initiative –
Final Report », Bâle, 11 décembre 2009.
(PDF - 513 ko)

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Source : Silvia Cattori
http://www.silviacattori.net/...


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