Syrie
L'intervention est
désormais le moteur de la descente aux
enfers de la Syrie
Seumas Milne
Des femmes syriennes cuisinent dans une
école où elles ont trouvé refuge après
avoir fui leurs maisons
dans la ville de Kafr Hamra, six miles
au nord d'Alep. Photo: Khalil Hamra / AP
Jeudi 9 août 2012
La responsabilité de l’occident
en Syrie avec la France qui passe à
l’offensive
Quand on
évoque les victimes, notamment
civiles, d’un conflit comme celui
qui est en cours en Syrie, certains
disent qu’on ne fait pas d’omelette
sans casser des œufs.
Passons sur
le fait que ces gens là pleurent
quand même les victimes quand elles
sont causées par le camp auquel ils
sont hostiles, et indifférents aux
victimes du camp qui a leurs
faveurs.
On peut
donner l’exemple de Bassam
Mohieddine ce cinéaste Syrien âgé de
57 ans qui vient d’être assassiné
près de chez lui à Damas..
Figurez-vous
que dans l’annonce de sa mort, Le
Nouvel Observateur a déjà pris acte
du fait que la Syrie n’existait plus
:
Un cinéaste alaouite assassiné
près de Damas
Eh oui,
c’était un cinéaste alaouite, pas
Syrien. Demain, le nouvel
Observateur nous parlera de tel
cinéaste en nous disant qu’il est
catholique, de tel autre qu’il est
musulman , bouddhiste ou encore
juif.
Il y a
quelque chose de décidément pourri
dans la presse française.
Notre
ministre de la culture (kicédéja)
n’a pas eu un mot sur l’assassinat
de ce confrère (elle prétend être
cinéaste) .
Pour en
revenir aux omelettes, il y a
omelette et omelette et celle que
concoctent les prétendus rebelles en
Syrie est déjà avariée tant elle
regorge d’ingrédients apportés par
les monarchies du Golfe et les
puissances occidentales emmenées par
les Etats Unis.
Je vous
propose un article de Seumas Milne
qui explique bien tout ça et
notamment les manœuvres occidentales
pour faire en sorte que les Syriens
s’entretuent.
Tous ces gens
là,ces monarques et même le premier
ministre Turc, dépourvus finalement
de vision historique, ne semblent
pas comprendre que la destruction de
la Syrie ne pourra pas être sans
graves conséquences pour leurs pays
respectifs.
Les Etats
Unis s’en contrefichent, tant que
l’exploitation et la
commercialisation du pétrole et du
gaz restent assurées. Ils sauront
très bien gérer des micro-Etats qui
passeront leur temps à s’entre
déchirer entre deux trêves obtenues
par la médiation de l’Oncle Sam.
Pour
comprendre ce qui se passe en Syrie
je ne peux que recommander la
lecture d’un papier de Seymour Hersh
paru dans le New Yorker en 2007 et
disponible en
français ici.
Il y a là de quoi rendre la vue à
bien des aveugles.
Sur le
terrain, la situation semble évoluer
en faveur des troupes
gouvernementale sans qu’on puisse
dire qu’il s’agit là d’un pas
décisif vers un retour au calme en
Syrie. Car comme le dit Seumas Milne,
la paix dépend pour beaucoup de
l’attitude des gouvernements
occidentaux et des monarchies
arabes.
Il n’est pas
du tout acquis que ces derniers vont
jeter l’éponge, au contraire.
J’espère me tromper, mais je pense
qu’il faut s’attendre à plus
d’ingérence de la part de
l’Occident. Avec des prétextes
humanitaires, comme d’habitude.
Tenez, la
France va dépêcher des équipes
médicales en Jordanie auprès des
réfugiés Syriens. Louable attention,
il est vrai.
Mais pourquoi
envoyer des médecins militaires et
ne pas s’appuyer d’abord sur des
organisations bien connues, comme la
Croix Rouge, Médecins du Monde ou
Médecins Sans frontières ?
Mon petit
doigt me dit que c’est le subterfuge
choisi par Laurent Fabius et le
gouvernement français pour se livrer
à des activités d’espionnage et
d’encadrement des combattants
antigouvernementaux sur le flanc sud
de la Syrie.
Finalement,
ce n’est peut-être pas anodin si Le
Point titre ainsi son papier sur
cette mission médicale :
Syrie : la France passe
à l’offensive
Le soutien des
régimes occidentaux et du Golfe aux
combattants rebelles n’apporte pas la
libération aux Syriens mais une escalade
des conflits sectaires et de la guerre.
par Seumas Milne, The
Guardian (UK) 7 août 2012 traduit de
l’anglais par Djazaïri
La destruction de la
Syrie bat maintenant son plein. Ce qui
avait commencé comme un soulèvement
populaire il y a 17 mois est maintenant
une guerre civile totale alimentée par
des puissances régionales et mondiales
et qui menace d’engloutir l’ensemble du
Moyen Orient. Alors que la bataille pour
l’antique cité d’Alep continue à
détruire et que les atrocités se
multiplient des deux côtés, le danger
que le conflit déborde par delà les
frontières de la Syrie s’accroît.
La défection du
premier ministre Syrien est le coup le
plus spectaculaire marqué pour l’instant
dpar un programme bien financé même s’il
est peu probable qu’il signale un
effondrement imminent du régime. Mais la
capture de 48 pèlerins Iraniens – ou
Gardiens de la révolution sous cette
couverture selon qui vous croyez – ainsi
que le risque de plus en plus élevé
d’une attaque turque dans les régions
kurdes de Syrie et un afflux de
combattants djihadistes donnent une idée
de ce qui est en jeu aujourd’hui.
L’interventionnisme
régional et occidental est à la base de
l’escalade du conflit. Ce n’est pas
l’Irak, bien sûr, avec des centaines de
milliers de soldats au sol, ou la Libye
avec des bombardements aériens
dévastateurs. Mais la forte augmentation
des livraisons d’armes, des financements
et du soutien technique fournis pas les
Etats Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite,
la Turquie et d’autres ces derniers mois
a donné un coup de fouet considérable
aux moyens d’action des rebelles, ainsi
qu’au bilan des victimes.
Barack Obama a
jusqu’ici résisté aux demandes des
faucons néo-conservateurs et libéraux
pour une intervention militaire directe.
Au lieu de cela, il a autorisé des
formes plus traditionnelles de soutien
militaire clandestin, dans le style du
Nicaragua, apporté par la CIA aux
rebelles syriens.
Les Etats-Unis, qui
avaient soutenu le premier coup d’Etat
en Syrie en 1949 , financent depuis
longtemps des organisations
d’opposition. Mais il y a quelques mois,
Obama a donné un ordre secret autorisant
(ainsi qu’un soutien ouvert, financier
et diplomatique) un soutien clandestin à
l’opposition armée. Ce qui comprend les
paramilitaires de la CIA sur le terrain,
le «commandement et le contrôle»ainsi
que l’assistance en matière de
télécommunications, et l’acheminement
des livraisons d’armes du Golfe via la
Turquie pour des groupes de combattants
syriens partenaires. Après le blocage le
mois dernier par la Russie et la Chine
de sa dernière tentative pour obtenir
l’appui des Nations Unies pour un
changement de régime par la force,
l’administration américaine a fait
savoir qu’elle allait maintenant
intensifier le soutien aux rebelles et
coordonner avec Israël et la Turquie des
plans de «transition» pour la Syrie.
“Vous remarquerez que
ces deux derniers mois, l’opposition a
été renforcée,” a déclaré un haut
fonctionnaire américain au New York
Times vendredi dernier. “Maintenant nous
sommes prêts à accélérer.” Ne voulant
pas être en reste, William Hague, se
vantait que la Grande-Bretagne était
aussi en train d’accroître sont soutien
“non-létal” spour les rebelles. Les
Etats autocratiques d’Arabie Saoudite et
du Qatar apportent l’argent et des armes
, comme l’a reconnu cette semaine le
Conseil National Syrien (CNS) soutenu
par l’Occident, tandis que la Turquie,
membre de l’OTAN, a mis en place la
logistique et la formation de base pour
l’Armée Syrienne Libre (ASL) dans ou
près de la base aérienne américaine d’Incirlik.
Pour les Syriens qui
veulent la dignité et la démocratie dans
un pays libre, la dépendance rapide et
multiforme de leur soulèvement vis-à-vis
de l’aide étrangère est un désastre –
plus encore que ce ne fut le cas en
Libye. Après tout ce sont désormais des
officiels du régime dictatorial et
sectaire d’Arabie Saoudite qui choisit
quels groupes armés obtiendront de
l’argent, et non pas des Syriens. Et ce
sont des agents secrets des États-Unis,
le pays qui parraine l’occupation
israélienne du territoire syrien et des
dictatures dans la région, qui décident
quelles unités rebelles auront des
armes.
Les militants de
l’opposition insistent pour affirmer
qu’ils vont préserver leur autonomie,
fondée sur un soutien populaire
profondément enraciné. Mais il est clair
que la dynamique du soutien externe
risque de transformer les organisations
qui en dépendent en instruments de leurs
commanditaires, plutôt que les personnes
qu’ils cherchent à représenter. Les
financements du Golfe ont déjà aiguisé
le sectarisme religieux dans le camp des
rebelles, tandis que les informations de
cette semaine sur la désaffection de
l’opinion vis-à-vis des combattants
rebelles à Alep illustrent les dangers
de groupes armés étrangers qui
s’appuient sur des gens d’ailleurs
plutôt qie sur leurs propres
communautés.
Le régime syrien est
bien entendu soutenu par l’Iran et la
Russie, comme il l’est depuis des
dizaines d’années. Mais une meilleure
analogie pour comprendre l’implication
des pays occidentaux et du Golfe dans
l’insurrection syrienne serait si l’Iran
et la Russie sponsorisaient une révolte
armée, disons, en Arabie Saoudite. Pour
les médias occidentaux, qui ont
largement traité du soulèvement syrien
comme d’une lutte unidimensionnelle pour
la liberté, les preuves aujourd’hui
inévitables de tortures et d’exécutions
de prisonniers ar les rebelles – ainsi
que de kidnappings par des organisations
du genre al Qaïda, qui une fois de plus
se retrouvent dans une alliance avec les
Etats Unis – semblent avoir été comme un
choc.
En réalité, la crise
syrienne a toujours eu plusieurs
dimensions correspondant aux lignes de
faille les plus sensibles de la région.
C’était au début un authentique
soulèvement contre un régime
autoritaire. Mais il a écolué de plus en
plus vers un conflit sectaire dans
lequel le régime Assad dominé par les
Alaouites a pu se présenter lui-même
comme le protecteur des minorités –
alaouite, chrétienne et kurde – contre
une marée d’opposition dominée par les
sunnites.
L’intervention de
l’Arabie saoudite et d’autres
autocraties du Golfe, qui ont essayé de
se protéger d’un bouleversement arabe
plus large en jouant la carte
anti-chiite, a pour objectif transparent
une société sectaire, pas une société
démocratique. Mais c’est la troisième
dimension – alliance de la Syrie avec
Téhéran et le mouvement résistance
chiite libanais, le Hezbollah – qui a
transformé la lutte en Syrie en guerre
par procuration contre l’Iran et en un
conflit global.
Beaucoup d’opposants
Syriens opposeront qu’ils n’avaient
d’autre choix que d’accepter le soutien
de l’étranger s’ils devaient se défendre
eux-mêmes contre la brutalité du régime.
Mais comme le soutient le leader de
l’opposition indépendante Haytham Manna,
la militarisation du soulèvement a
réduit sa base populaire et démocratique
– tout en aggravant considérablement le
bilan des victimes.
Il y a toutes les
chances que la guerre puisse se répandre
hors de Syrie. La Turquie, qui a une
importante population alaouite chez elle
ainsi qu’une minorité kurde réprimée
depuis longtemps, a revendiqué le droit
d’intervenir contre les rebelles Kurdes
en Syrie après le retrait par Damas de
ses troupes dans les villes kurdes. Des
affrontements provoqués par la guerr en
Syrie se sont intensifiés au Liban. Si
la Syrie devait de fragmenter, tout le
système post-ottoman des frontières et
des Etats du Moyen Orient pourrait être
remis en question avec elle.
Cela pourrait se
produire aujourd’hui indépendamment de
la durée de survie d’ Assad et de son
régime. Mais l’intervention en Syrie
revient à prolonger le conflit, plutôt
que de donner un coup fatal au pouvoir.
Seule la pression pour un règlement
négocié, que l’Occident et ses amis ont
si vigoureusement bloqué, peut
maintenant donner aux Syriens la
possibilité de déterminer leur propre
destin – et de stopper la descente du
pays aux enfers.
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