Opinion
La Turquie ne doit
pas devenir
une force obstructive en Syrie
Semih Idiz
Semih Idiz
Jeudi 27 décembre
2012 Une
solution négociée en Syrie signerait
l’échec stratégique d’Erdogan
L’actuelle
mission de Lakhdar Brahimi à Damas,
avant un déplacement à Moscou, où il
rejoindra peut-être le vice ministre
syrien des affaires étrangères syrien
serait un signe fort, selon le
journaliste turc
Semih Idiz,
qu’une solution négociée à la crise
syrienne serait en vue.
Selon Semih Idiz, les gouvernements
russe et américain seraient tombés
d’accord sur une formule de transition
sous la direction de l’actuel chef de
l’Etat dans le cadre d’un gouvernement
d’union nationale.
Tous les obstacles ne sont cependant pas
levés, que ce soient ceux que
représentent les irrédentistes qui ne
rêvent que de prendre le pouvoir par la
force et de pendre haut et court Bachar
al Assad ou celui que représente le
positionnement de la Turquie.
Semih Idiz exhorte donc son gouvernement
à abandonner sa vision idéologique pour
adopter une position pragmatique en
phase avec les choix des grandes
puissances puisque son pays n’est plus
au cœur du jeu diplomatique et n’est pas
loin de devenir un partenaire encombrant
pour les Etats Unis.
Si le scénario envisagé par Semih Idiz
se concrétise, ce serait un grave échec
pour la diplomatie de la Turquie qui
pourrait être le dindon de la farce.
En effet, après avoir incité et aidé à
ravager la Syrie, la Turquie se
retrouverait avec un voisin devenu
hostile (et il n’y a aucune raison de
penser qu’une bonne partie de
l’opposition actuelle au régime syrien
ne restera pas ou ne deviendra pas
hostile à une Turquie qui aura montré
son impuissance) après s’être brouillée
avec ses voisins irakien et iranien.
Au passage, les Américains ont manœuvré
subtilement pour que le gouvernement
turc implore la mise en place de
batteries antimissiles Patriot qui, sil
elles auraient été d’un intérêt limité
en cas de conflit ouvert avec la Syrie,
seront par contre un atout important
pour tout conflit armé d’ampleur qui
opposerait les Etats Unis et/ou le
régime sioniste à l’Iran.
La Turquie d’Erdogan rêvait de jouer
dans la cour des grands, le dénouement
de la crise syrienne lui rappellera
peut-être son statut de simple pion pour
Washington.
Djazaïri
La Turquie
ne doit pas devenir une force
obstructive en Syrie
Par
Semih Idiz, Hürriyet (Turquie) 27
décembre 2012 traduit de l’anglais par
Djazaïri
Quand on
examine les dernières tentatives pour
une solution à la crise syrienne, il est
évident que la mission actuellement
effectuée par Lakhdar Brahimi,
l’émissaire conjoint de l’ONU et de la
Ligue Arabe pour la Syrie, ne peut, de
par sa nature même, être du goût
d’Ankara. En fait, des sources au
ministère des affaires étrangères en on
fait savoir assez par des fuites dans la
presse pour corroborer cette idée.
Comme je l’avais observé précédemment
dans cette rubrique, Ankara en est venu
progressivement, quoique avec réticence,
à accepter que des éléments du régime
actuel soient incorporés dans tout
gouvernement de transition post-Assad.
L’idée que Assad lui-même devrait faire
partie de toute formule de règlement
reste cependant exclue [par Ankara].
D’un
autre côté, les informations dans la
presse indiquent que la mission actuelle
de Brahimi consiste à convaincre les
parties syriennes à accepter un plan
négocié par les russes et les américains
qui prévoir un maintien au pouvoir d’Assad
jusque en 2014, à la tête d’un
gouvernement de transition sur une base
élargie, même si son mandat ne sera pas
renouvelé après cette date.
Le
principal aspect ici, n’est pas que ce
plan envisage le maintien au pouvoir d’Assad
jusqu’en 2014, ce qui est quelque chose
d’évidemment difficile à avaler pour les
tenants d’une ligne dure dans
l’opposition syrienne, ceux qui ont
transformé la crise en Syrie en guerre
sectaire.
L’aspect
principal est que Washington et Moscou
se sont mis suffisamment d’accord entre
eux pour être en mesure de proposer un
plan de règlement commun.
J’ai
soutenu en maintes occasions ici que
tout règlement de la crise syrienne
nécessitera forcément la coopération de
ces deux membres permanents du Conseil
de Sécurité. La rencontre de Dublin
début décembre entre le ministre des
affaires étrangères Lavrov et la
Secrétaire d’Etat Clinton avait semblé à
l‘époque n’avoir débouché que sur un
minimum d’accord sur la Syrie. La
mission actuelle de Brahimi indique
toutefois qu’on ne savait pas toute
l’histoire.
Même si
la Russie et les Etats Unis ont des
intérêts stratégiques concurrents au
Moyen Orient, un fait qui a été visible
même pendant la crise syrienne, il
existe des inquiétudes communes qui ont
contraint finalement ces deux puissances
à coopérer. La Russie avait fait valoir
dès le début que la Syrie allait devenir
un défouloir pour des djihadistes
étrangers de toutes appartenances et
avait en parie justifié ainsi son appui
au régime Assad.
Washington, pour sa part, avait démarré
avec une position voisine de celle de la
Turquie, en entretenant un discours
proche de celui d’Ankara, et avait donc
considéré l’opposition syrienne comme
une force unie résistant à un dictateur
impitoyable et luttant pour la
démocratie et les droits de l’homme.
Même si
c’est sans aucun doute vrai pour
certains éléments de l’opposition, le
profil d’une partie des combattants
anti-Assad indique clairement que leur
objectif final ne peut pas être la
démocratie ou les droits de l’homme mais
d’une manière ou d’une autre, un régime
théocratique sunnite et dictatorial sous
la direction des Frères Musulmans.
C’est à
l’évidence la raison pour laquelle
Washington est intervenu pour élargi la
base de l’opposition syrienne, avec
l’idée d’isoler les éléments djihadistes,
que ces derniers soient basés en Syrie
ou ailleurs. Le soutien qu’apporte la
Turquie à l’opposition dirigée
majoritairement par des sunnites
concerne cependant des éléments qui
pourraient être considérés comme douteux
aussi bien par Moscou que par
Washington.
Plus
encore, cependant, la mission de Brahimi
montre une fois de plus que la Turquie
n’est plus au centre des démarches
diplomatiques visant à résoudre la crise
en Syrie. Au contraire, elle se situe de
telle sorte qu’elle pourrait à un moment
être considérée comme une force
d’obstruction essayant d’empêcher un
accord qui ne correspond pas à la façon
dont le gouvernement Erdogan voit
l’avenir de la Syrie.
Le
premier ministre Erdogan et le ministre
des affaires étrangères Davutoğlu
doivent cependant comprendre que
l’avenir de la Syrie ne sera
probablement pas modelé selon la vision
idéologique qu’ils partagent, mais qu’il
sera plus certainement basé sur des
facteurs objectifs qui sont le résultat
de la coopération entre les puissances
incontournables du Conseil de Sécurité.
Washington et Moscou l’ont apparemment
compris. Il serait temps qu’Ankara en
fasse de même.
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