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Contrairement à l’Occident, qui opte pour le Fatah, les Palestiniens lui préfèrent le Hamas, qui représente une alternative à son acceptation de l’occupation israélienne
Sari Maqdisi

on Los Angeles Times.com, 20 juin 2007
http://www.latimes.com/news/opinion/la-oe-makdisi20jun20,0,2672122.story?coll=la-opinion-center

En Occident – énorme sentiment de soulagement : le gouvernement Hamas, qui causait tellement de tracas à tout le monde, se retrouve isolé dans la bande de Gaza, et un nouveau gouvernement a été nommé, en Cisjordanie, par le président de l’Autorité palestinienne « modéré » et « amoureux de la paix », Mahmoud Abbas…

Alors : pourquoi les Palestiniens ne partagent-ils pas ce soulagement ? Eh bien ; déjà, il y a le fait que l’ancien gouvernement avait été élu démocratiquement ; or, le voici aujourd’hui remercié, du jour au lendemain, par un oukase présidentiel. Et puis il y a le fait que le nouveau Premier ministre nommé par Abbas – Salam Fayyad – bénéficie du soutien occidental, alors que sa liste électorale n’a remporté qu’à peine 2 % des voix à ces mêmes élections qui assistèrent au tsunami électoral du Hamas. Israël soutient certes Fayyad et Abbas (comme la corde soutient le pendu, ndt), mais tout le monde sait qu’il en va tout autrement de leur propre peuple.

Si le peuple palestinien a envoyé sur les roses le parti Fatah de Abbas, aux élections de l’année dernière, c’était pour une excellente raison. Les Palestiniens voyaient (et continue à voir, aujourd’hui) dans les dirigeants du Fatah des gens sans imagination, égoïstes et corrompus, se satisfaisant des avantages et des émoluments découlant du pouvoir.

Pire encore, sans doute : les Palestiniens ont pris conscience du fait que le soi-disant processus de paix vanté par Abbas (et par Yasser Arafat, avant lui) avait abouti à l’institutionnalisation permanente – et pas du tout à la cessation – de l’occupation de leurs terres par Israël, depuis quatre décennies. Pourquoi penseraient-ils autrement ? Il y a aujourd’hui deux fois plus de colons, dans les territoires occupés, qu’il n’y en avait à l’époque où Yitzhak Rabin et Yasser Arafat s’étaient serré la louche sur la pelouse de la Roseraie de la Maison Blanche, à Washington. Israël a découpé la Cisjordanie en une multitude de cantons assiégés ; il s’est ingénié à augmenter le nombre de colons juifs à Jérusalem Est (tout en supprimant les droits des Palestiniens hyérosolomitains à résider dans la ville) et il a fait de la bande de Gaza virtuellement une prison.

Si les Palestiniens ont voté massivement Hamas, l’an dernier, ce n’est pas seulement qu’ils approuvassent les slogans de ce parti, qu’ils eussent désiré vivre dans un Etat islamique, ni parce qu’ils auraient soutenu les attaques terroristes contre des civils israéliens, mais bien parce que le Hamas était exempt de cette complaisance et de cette corruption propres au Fatah, ainsi que de la volonté de ce parti d’obtempérer à Israël. Les dirigeants du Fatah étaient considérés tout simplement comme les gendarmes de l’occupation israélienne perpétuelle, et l’Autorité palestinienne assumait de son plein gré le rôle de supplétif de l’occupation, en administrant la population palestinienne en son nom : par conséquent, le Hamas offrait une alternative.

Ici (aux Etats-Unis), le Hamas est constamment démonisé ; il est connu avant tout pour ses attentats contre des civils. Des descriptions du Hamas présentent son radicalisme anti-israélien comme s’il s’agissait d’une fin en soi, et non d’un refus de participer à un processus politique qui s’est avéré catastrophique, sur le terrain, pour les Palestiniens.

Le Hamas aurait-il fait des choses innommables ? Certes. Mais le Fatah aussi, et Israël itou (et à  bien plus grande échelle). Dans le conflit israélo-palestinien, on ne trouve guère de petits saints…

A parler franchement, les Palestiniens considèrent parfaitement hypocrite la position anti-Hamas de l’Occident. Ainsi, depuis les élections de l’année dernière, l’Occident a coupé toute aide économique au gouvernement Hamas, arguant, entre autres choses, du fait qu’il refuse de reconnaître Israël. Mais c’est absurde ; après tout, Israël, de son côté, ne reconnaît pas plus la Palestine, que l’on sache ? Le Hamas est accusé de ne pas reconnaître les accords passés. Mais la suspension, par Israël, des transferts de la TVA revenant légitimement à l’Autorité palestinienne, et son refus de construire une liaison routière entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, pourtant prévue par un accord sponsorisé par les Etats-Unis en novembre 2005, sont bien des violations concrètes, et non pas simplement rhétoriques, d’accords passés, qui causent infiniment plus de dommages à des citoyens comme vous et moi, non ? Le Hamas se voit accuser de mélanger la religion et la politique… Mais personne n’a encore jamais expliqué pourquoi la recette Hamas de ce mélange serait pire que la recette israélienne du même cocktail – ni même en quoi un Etat juif serait acceptable, alors qu’un Etat musulman ne le serait pas ?

Personnellement, je suis un humaniste laïc, et je trouve les mouvements politiques et les Etats à forte connotation religieuse pas particulièrement sexy – à dire le moins.

Mais soyons honnêtes : si le Hamas s’est trouvé en opposition à l’Occident, ça n’est pas en raison de son idéologie islamique, mais bien parce que ce mouvement s’oppose (et résiste) à l’occupation israélienne !

Une authentique paix, basée sur une solution à deux Etats, impliquerait la fin de l’occupation israélienne et la création d’un Etat palestinien véritablement indépendant, et bénéficiant de la continuité territoriale.

Or, on en est très loin. Le Fatah semble avoir baissé les bras ; ses dirigeants préférant coincer la bulle et regarder les feuilles à l’envers, en jouissant du simulacre de pouvoir dont ils disposent. Ironiquement, c’est le Hamas qui prend actuellement les positions qui sont des préalables à un véritable plan de paix à deux Etats : en refusant d’admettre la coupure permanente de la Palestine en deux, et en refusant de renoncer au contrôle par les Palestiniens des frontières, de l’espace aérien, de l’eau, des taxes, et même de l’état-civil (tous, abandonnés à la supervision d’Israël par les caciques du Fatah, ndt).

Adopter la « modération » abbassienne ne permet à l’Autorité palestinienne qu’une seule chose : reprendre les contraintes de l’occupation, en lieu et place d’Israël, jusqu’à présent. Toutefois, sur le long terme, la solution à deux Etats est devenue impossible, parce que le Fatah est soit impuissant, soit non-désireux d’obtenir que soit mis un terme au démembrement du territoire naguère encore destiné à un Etat palestinien, lequel dépeçage se poursuit inexorablement.

Le seul choix réaliste qui reste est le choix entre un unique Etat démocratique et laïc, offrant des droits égaux aux Israéliens (sic ; j’aurais personnellement écrit « aux juifs », ndt) et aux Palestiniens – et un apartheid éternel.

Sari Maqdisi est professeur de littérature anglaise et de littérature comparée à l’UCLA (University of California in Los Angeles). Il écrit assez souvent des articles sur le Moyen-Orient

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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