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Opinion - El Watan
Émeutes:
L'embrasement
Salim Mesbah
Photo: El Watan
Vendredi 7 janvier 2011
Depuis lundi, le pays connaît une série d’émeutes qui rappellent
curieusement Octobre 88. La soudaine hausse des produits de
première nécessité et le sentiment de hogra ont mis le feu aux
poudres. Face au silence des autorités - et des médias
gouvernementaux - les émeutes se propagent et font déjà
plusieurs blessés.
Mardi 4. Une rumeur se propage comme une traînée de
poudre dans les quartiers des Trois Horloges et de Jean
Jaurès à Bab El Oued. Une descente de police serait prévue
pour déloger tous les vendeurs à la sauvette qui squattent
les trottoirs. Mercredi 5. Les jeunes du quartier sont
décidés à en découdre avec les forces de l’ordre si jamais
on leur interdisait l’occupation de leurs endroits
habituels. A 19h30, sans raison particulière et sans que les
forces de l’ordre aient entrepris la moindre opération, un
début d’émeute embrase les quartiers Triolet, Trois
Horloges, Carrière, et celui du cinquième arrondissement où
se trouve le commissariat du quartier.
«Tout est parti d’une énorme rumeur, confirme Nacer,
président de SOS Bab El Oued. On a voulu pousser les jeunes
à bout pour les faire sortir dans la rue. La situation
actuelle est propice à l’embrasement avec la dernière
augmentation des prix de certains produits. Cela rappelle ce
qui s’est passée en octobre 88.» Les échauffourées dans le
quartier de Bab El Oued vont durer jusqu’à 2h du matin et
verront de très nombreux groupes de jeunes, mobiles et
scandant des slogans hostiles au pouvoir, s’en prendre aux
forces de l’ordre et à plusieurs magasins du quartier.
Cinquième arrondissement et quartier des Trois Horloges :
Abribus détruits, poteaux de signalisation arrachés, magasin
Bellat dévalisé, agence Mobilis endommagée et commissariat
pris d’assaut.
Commissariat harcelé
Mohamed, employé chez Bellat, n’est pas près d’oublier ce
qu’il a vécu mercredi. Dès les premiers attroupements, il
décide de baisser rideau. Il ne devra son salut qu’en
décidant de se barricader dans la cave du magasin. «J’ai vu
des jeunes s’en prendre aux rideaux de la devanture,
confie-t-il, encore sous l’effet de l’émotion. J’ai compris
que si je ne descendais pas vite m’enfermer dans la cave,
j’allais le payer cher.» Les présentoirs seront détruits et
toute la marchandise emportée. Mohamed estime les pertes
occasionnées à 34 millions de centimes. Après Bellat,
l’agence Mobilis, située juste à côté, connaîtra le même
sort. Les émeutiers repartiront en emportant avec eux le
matériel informatique et détruiront le mobilier. Le
commissariat du cinquième arrondissement sera lui aussi
harcelé durant une bonne partie de la nuit. Des bandes de
jeunes tentent de pénétrer à l’intérieur du QG, obligeant
les forces de l’ordre à faire usage de jets de gaz
lacrymogène et de tirs de sommation. Quartier du Triolet.
Dans les showroom Renault et Geely, des voitures sont
calcinées, des pneus démontées, des pare-chocs arrachés et
des pare-brise fracassés.
Le gardien de Renault hospitalisé
Le showroom Renault n’est plus qu’un tas de gravats. Des
pans entiers du faux plafond ont été arrachés, des bris de
glace jonchent le sol, une Logan et une Sandero calcinées
sont abandonnés dans un coin du magasin, le mobilier est
détruit et les ordinateurs envolés. Au total, ce sont neuf
voitures qui seront endommagées durant cette nuit de folie,
qui a vu des jeunes armés de couteaux et de pioches,
détruire tout sur leur passage. Cette expédition fera une
victime : le gardien du showroom Renault, frappé d’un coup
de couteau et hospitalisé aux urgences de l’hôpital Maillot.
«Ils ont volé ce qu’ils ont pu et détruit ce qu’ils ne
pouvaient pas prendre avec eux, affirme un commercial de
chez Renault. Il y en a pour dix millions de DA de
dégâts.» Chez Geely (constructeur chinois) cinq véhicules
sont démontés. L’un des cadres de l’entreprise SIPAC,
représentant Geely en Algérie, a assisté impuissant à la
destruction du showroom. «Il y avait des policiers en
faction près du magasin qui regardaient sans intervenir la
destruction du magasin. Quand j’ai demandé de l’aide, ils
m’ont répondu qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre pour le
faire.»
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