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Union
européenne
La faillite morale de l'Union
européenne
Salim Lamrani
27
mars 2007
L’Union européenne agonise en tant qu’entité politique. Son
rôle sur la scène internationale est insignifiant car elle est
incapable d’adopter une politique étrangère indépendante de
la ligne prônée par Washington. Elle suit docilement
l’aventurisme belliqueux de l’administration Bush notamment à
l’égard de Cuba. En effet, elle se prête aux campagnes contre
le gouvernement de La Havane avec une servilité déconcertante.
Pire encore, elle se rend complice des violations massives des
droits de l’homme commises par la CIA, complicité qui l’entraîne
vers une faillite morale sans précédents.
L’hypocrisie
de la Suède
Le 12 mars 2007, lors de la réunion de la Commission des
droits de l’homme des Nations unies à Genèvre, le ministre des
Affaires étrangères suédois, Carl Bildt, a accusé Cuba de ne
pas respecter les droits de l’homme. Cette stigmatisation est
purement idéologique car, selon le rapport 2006 d’Amnesty
International, Cuba est, de loin, la nation qui viole
le moins les droits de l’homme sur le continent américain, du
Canada jusqu’à l’Argentine1. Elle illustre également
l’hypocrisie de la Suède et de l’Europe en général,
promptes à s’en prendre à la petite nation caribéenne agressée
depuis près d’un demi-siècle par les Etats-Unis, tout en
maintenant un silence assourdissant sur les crimes commis par la
Maison-Blanche à travers le monde2.
Le délégué cubain, Rodolfo Reyes Rodríguez, a pour sa
part regretté que la Suède se prête à la stratégie de
propagande étasunienne, dont le but n’est autre que de
justifier les implacables sanctions économiques dont est victime
la population cubaine depuis 1960. Il a également pointé du
doigt le manque d’autorité morale du gouvernement scandinave
pour donner des leçons sur les droits de l’homme3.
En effet, en mai 2005, le Comité contre la torture de l’ONU
a condamné la Suède pour avoir expulsé vers le Bangladesh une
jeune réfugiée politique qui avait été violée par des
policiers. Selon le Comité, les autorités suédoises n’avaient
pas nié le fait qu’elle avait été persécutée, emprisonnée,
torturée et violée, mais avaient quand même procédé à son
expulsion4.
En
novembre 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a
considéré de manière unanime que l’expulsion de quatre
Syriens s’apparentait « à une violation de leur droit
à la vie et de l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant ».
La Suède a également procédé à d’autres expulsions vers des
pays pratiquant la torture, toutes condamnées par le Comité
contre la torture. Les droits des réfugiés et demandeurs
d’asile ont été bafoués surtout lorsqu’il s’agissait de
Roms, dont les demandes étaient considérées par les autorités
comme « manifestement infondées5 ».
En guise de réponse, Stockholm a dénoncé les déclarations
« inacceptables » du responsable cubain devant
la Commission de Genèvre et a évoqué la possibilité d’une
crise diplomatique entre les deux pays. Visiblement, certaines vérités
ne sont pas du goût de tout le monde6.
La provocation des députés italiens
Le 18 mars 2007, un groupe de cinq députés italiens en quête
de sensationnalisme a orchestré une provocation dans les rues de
La Havane en défilant avec des panneaux politiques exigeant la « liberté »
pour les « prisonniers de conscience ».
L’objectif recherché par le député européen Marco Capatto,
le vice-président du Sénat italien Maurizio Turco, les députés
Mateo Meccati et Elisabetta Zamparutti et l’ex députée María
Fida Moro, tous membres du parti radical, était de créer un
incident avec les autorités cubaines et de déclencher ainsi une
campagne médiatique internationale à leur encontre. Mais la
provocation était tellement grossière que le gouvernement cubain
les a superbement ignorés. Ils ont déambulé dans les rues de
la capitale sans être aucunement inquiétés7.
« A
notre grande surprise, il ne s’est rien passé lors de notre
manifestation dans les rues. Nous y sommes restés environ une
demi-heure et tout était tranquille. Le fait que nous n’ayons
pas été arrêtés est quelque chose que je laisse à votre réflexion »,
a déclaré Marco Capatto, avouant ainsi le but qu’il
recherchait. Frustrés, ces derniers se sont résignés à quitter
l’Île sans même obtenir la satisfaction d’être expulsés8.
Deux jours plus tard, le 20 mars 2007, les députés ont
effectué une visite à Miami. Cette escale n’avait pas pour but
de manifester contre le fait que cette ville abrite et protège
des terroristes anti-cubains confessés tels que Orlando Bosch ou
José Basulto. Il ne s’agissait pas non plus de dénoncer le
fait que Miami organise des activités publiques en faveur de la
libération du Ben Laden latino-américain qu’est Luis Posada
Carriles, responsable de plus d’une centaine d’assassinats
contre des civils innocents. Non, leur voyage n’avait d’autre
but que de se réunir avec l’organisation d’extrême droite
cubaine, Madres contra la Represión et de tenir une conférence
de presse en sa compagnie. Il s’avère que ce groupuscule, qui
reçoit d’importantes subventions de la part de Washington, a
entièrement financé le voyage des cinq députés, de Rome
jusqu’à Miami en passant par La Havane et Panama, ce qui
explique l’étape en Floride9.
Les députés italiens savaient pertinemment qu’ils ne
risquaient strictement rien à Cuba et c’est ce qui explique
leur activisme. Auraient-ils le courage d’aller soutenir les
dissidents colombiens, guatémaltèques ou honduriens ?
Auraient-ils le courage de manifester dans les rues de Washington
dénonçant les crimes contre l’humanité commis quotidiennement
en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo ? Auraient-ils le
courage de manifester devant le bureau des services italiens de la
sécurité militaire (SISMI) « qui ont joué un rôle
actif dans l’enlèvement de l’Imam Abou Omar à Milan en 2003 »
avec la complicité du gouvernement de Silvio Berlusconi, selon le
rapport de l’Union européenne sur les disparitions orchestrées
par la CIA ? La veulerie et la duplicité semblent décidément
être à la mode10.
La complicité de l’Union
européenne dans les vols secrets de la CIA et les cas de
disparition
Le 14 février 2007, le Parlement européen a rendu public
son rapport qui accuse les gouvernements du vieux continent de
complicité flagrante avec les cas de disparitions forcées et les
enlèvements clandestins orchestrés par la CIA. Comble de la
fourberie, une semaine auparavant, le 7 février 2007, ces mêmes
gouvernements signaient la Convention des Nations unies contre les
« disparitions forcées », qui criminalise
l’emploi des geôles secrètes. L’Union européenne est
experte dans ce genre de suicide moral11.
Selon le rapport, les avions de la CIA, transportant en
toute illégalité des personnes soupçonnées de liens avec le
terrorisme, à destination des centres de torture de Guantanamo,
d’Afrique et… d’Europe, ont effectué au moins 1 245
escales dans les aéroports européens. Aucun gouvernement
n’ignorait le caractère criminel de ces vols secrets. Des pays
européens – dont certains sont membres de l’Union européenne
– tels que la Pologne et la Roumanie ont même ouvert sur leurs
territoires des centres de torture mis à la disposition des
bourreaux étasuniens. D’autres tels que le Royaume-Uni, l’Autriche,
l’Allemagne, la Pologne, le Portugal, le Danemark, la Roumanie,
l’Espagne et, ironie de l’histoire !, l’Italie et la Suède,
ont participé à l’enlèvement de suspects sur leur territoire12.
Le Parlement a condamné « l’acceptation et la
dissimulation de cette pratique, en plusieurs occasions, par les
services secrets et les autorités gouvernementales de certains
pays européens ». Dans la majorité des cas, ces enlèvements
s’accompagnaient d’une « détention au secret et un
usage de la torture durant les interrogatoires ». Selon
l’ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan, Craig
Murray, les échanges de renseignements obtenus sous la torture
par les services de pays tiers « avec les services
secrets britanniques étaient une pratique connue et tolérée par
le gouvernement britannique13 ».
Ces graves violations des droits de l’homme ont été réalisées
avec la pleine connaissance des plus hauts dirigeants de l’Union
européenne tels que Javier Solana, secrétaire général du
Conseil de l’UE, et Gijs de Vries, coordinateur de la lutte
antiterroriste, qui ont été « incapables de fournir des
réponses satisfaisantes » sur leur rôle dans ces
exactions. Personne ne peut prétendre ignorer cette terrible réalité.
Ainsi, tant que l’Union européenne fera preuve de ce genre de
double morale et de dépravation en s’en prenant lâchement à
une petite nation du Tiers-monde tout en occultant ses crimes,
elle continuera de se morfondre dans les affres du discrédit sur
la scène internationale et aux yeux du monde.
Notes
1
Salim Lamrani, Cuba, l’Union européenne et les droits de
l’homme (Pantin : Le Temps des Cerises, 2007), à paraître.
2
Agence France Presse, « Tensos los vínculos entre
Cuba y Suecia », 22 mars 2007.
3
Ibid.
4
Amnesty International, « Rapport annuel 2006 :
Suède », avril 2006.
5
Ibid.
6
Agence France Presse, « Tensos los vínculos entre
Cuba y Suecia », op. cit.
7
Javier Galeano, « Diputados italianos se suman a protesta de
las Damas de Blanco », 19 mars 2007.
8
Rui Ferreira, « En Miami diputados italianos que protestaron
en Cuba », El Nuevo Herald, 20 mars 2007.
9
Ibid. ; El Duende, « Por donde le entra el agua
al coco a los italianos », La Radio Miami, 21 mars
2007.
10
Parlement européen, « Activités de la CIA en Europe :
le Parlement adopte son rapport final et presse el Conseil
d’obtenir davantage d’informations des Etats membres »,
14 février 2007. www.europarl.europa.eu/news/expert/infopress_page/019-3030-043-02-07-902-20070209IPR02947-12-02-2007-2007-true/default_fr.htm
(site consulté le 26 mars 2007) ; Ignacio Ramonet, « CIA,
vols secrets », Le Monde Diplomatique, mars 2007, p.
1.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Ibid.
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