Cuba
El País et la
victoire électorale de Hugo Chávez
Salim Lamrani
© Salim
Lamrani
Lundi 26 novembre
2012
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Depuis l’arrivée au pouvoir de Hugo
Chávez en 1999, le quotidien espagnol
El País,
a adopté une ligne éditoriale très
critique à l’égard du Venezuela. Le
principal journal espagnol a délaissé
l’impartialité journalistique au profit
d’un militantisme anti-Chávez.
Hugo Chávez est un président
populaire et dispose d’une légitimité
démocratique incontestable. En effet,
depuis son arrivée au pouvoir en 1999,
seize élections ont eu lieu au
Venezuela. Il en a remporté quinze, dont
la dernière en date, le 7 octobre 2012,
qui lui a octroyé un quatrième mandat
présidentiel consécutif pour une durée
de six ans. Il a toujours battu ses
opposants avec un écart allant de dix à
vingt points[1].
Toutes les instances internationales, de
l’Union européenne à l’Organisation des
Etats américains, en passant par l’Union
des nations sud-américaines et le Centre
Carter, sont unanimes pour reconnaître
la transparence des scrutins. James
Carter, ancien président des Etats-Unis,
a même déclaré que le système électoral
était le « meilleur au monde[2] ».
L’ensemble de la communauté
internationale a félicité le président
Chávez pour ce nouveau succès[3].
Néanmoins, il y a un secteur qui
n’a guère apprécié ce nouveau triomphe
électoral, à savoir les médias
occidentaux, lesquels, à quelques rares
exceptions, avaient pris fait et cause
pour le candidat de l’opposition
Henrique Capriles, contrevenant ainsi à
la déontologie journalistique qui prône
l’impartialité et l’objectivité
informationnelle.
L’exemple emblématique de cette dérive
est le quotidien espagnol
El País. En effet, ses
comptes-rendus postélectoraux illustrent
le parti-pris du plus important journal
de la péninsule ibérique. Ainsi, au
lendemain du scrutin, le journal a
regretté que « Goliat a[it] vaincu
David », soulignant que cette victoire
permettra au « commandant » vénézuélien
de poursuivre « son caudillisme
messianique[4] »
et de gouverner « durant 20 années de
suite ». « C’est trop », insiste le
quotidien[5].
El País
fait également part de son
incompréhension face aux choix des
Vénézuéliens. Comment ont-ils pu voter
pour Chávez, « un ancien
lieutenant-colonel parachutiste », « qui
maltraite la démocratie », et « malgré
l’échec de sa gestion et l’incertitude
que suppose sa maladie », puisqu’il est
« affaibli par un cancer diagnostiqué en
juin 2011 » ? Comment a-t-il pu
remporter un nouveau succès malgré « la
violence dans les rues, les coupures du
service électrique, les promesses non
tenues et les proclamations idéologiques
planétaires », malgré « l’inflation, la
monnaie surévaluée et la dette[6] » ?
De la même manière, comment Henrique
Capriles, « candidat jeune et
populaire » qui « a réalisé une campagne
brillante », qui a « pris pour bannière
la réconciliation nationale durant la
campagne », qui a adopté « une politique
proche des problèmes des Vénézuéliens –
insécurité citoyenne, pénurie,
détérioration des services publics,
corruption, etc. –qui a ignoré l’échange
de coups idéologiques que lui proposait
le chavisme », et qui propose « un plus
grand respect des règles démocratiques
et une meilleure gestion de l’économie »
a-t-il pu perdre par plus de dix points
d’écart[7] ?
Le quotidien tire ses propres
conclusions : Seul « un peuple avili
jusqu’à l’anesthésie par les prébendes
d’un caudillo instigateur de
ressentiments : un illuminé de la haine
sociale » a pu choisir Chávez au
détriment de Capriles, se montrant
incapable de voir « le caractère inepte
du gouvernant ni ses abus[8] ».
El País
dénonce également « l’utilisation sans
scrupules des ressources de l’Etat » par
le président Chávez durant ses mandats.
Le journal détaille son accusation :
Chávez a mis en place des programmes
sociaux qui ont permis la « réduction de
l’analphabétisme, l’extension de soins
médicaux, l’augmentation du nombre
d’universitaires, [la création des]
marchés populaires, etc.[9] ».
Et il conclut par une critique : « Ce
n’est pas une politique qui édifie des
bases solides pour générer de la
richesse dans le futur[10] ».
Le quotidien tente également de
relativiser la victoire de Chavez et
souligne que le secteur « du pays le
plus dynamique, générateur de richesse,
productif, a depuis longtemps tourné le
dos au président ». Seul le secteur
« dépendant, qui survit, reste attaché à
Chávez et la structure clientéliste de
l’Etat vénézuélien[11] ».
Néanmoins, il reste un espoir selon
El País. En effet, « la Constitution
vénézuélienne prévoit que si le
président décède durant la première
moitié de son mandat, de nouvelles
élections doivent être convoquées ».
Ainsi, « les doutes sur son état de
santé que tout le monde a à l’esprit
peuvent ouvrir d’autres horizons durant
les premières années de son mandat[12] ».
Selon le quotidien espagnol, après la
défaite dans les urnes, il reste
l’espérance de voir le président Chávez
succomber à sa maladie.
Au vu d’une telle éventualité,
El País distille des conseils à
l’opposition vénézuélienne : « Après la
défaite, l’opposition devra être capable
de rester unie pour affronter avec
certaines garanties les élections
régionales dans plusieurs Etats qui
auront lieu à la mi-décembre, et
persévérer sur le chemin parcouru durant
ce scrutin[13] ».
Le quotidien conclut en faisant une
analogie historique : « Si le dictateur
Juan Vicente Gómez (1908-1925) a retardé
de 20 ans l’entrée du Venezuela dans le
XXe siècle, Chávez risque de faire la
même chose au XXIe siècle[14] ».
Le traitement médiatique de la victoire
électorale d’Hugo Chávez au Venezuela
par
El País est emblématique de la
dérive des médias occidentaux qui, pour
la plupart, délaissent leur rôle premier
– informer de manière impartiale et
objective – pour se transformer en
pourfendeurs zélés des dirigeants
politiques qui prônent un modèle de
société alternatif au capitalisme
néolibéral mondialisé, afin de protéger
les intérêts des grands conglomérats
économiques et financiers auxquels ils
appartiennent, et préserver l’ordre
établi.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est
Maître de conférences à l’Université de
la Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son dernier ouvrage s’intitule
État de siège. Les sanctions économiques
des Etats-Unis contre Cuba, Paris,
Éditions Estrella, 2011 (prologue de
Wayne S. Smith et préface de Paul
Estrade).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez logra un cuarto mandato
como presidente »,
El País, 8 octobre 2012.
[3]
Francisco Peregil, « Los aliados
del chavismo en América Latina
reciben aliviados su victoria »,
El País, 8 octobre 2012.
[4]
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez logra un cuarto mandato
como presidente »,
op. cit.
[5]
El País,
« Más Chávez », 9 octobre 2012.
[6]
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez logra un cuarto mandato
como presidente »,;
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez reactiva la revolución
bolivariana »,
El País, 8 octobre 2012 ;
El País, « Más Chávez »,
op. cit.
[8]
Ibsen Martínez, « ¿Dos
Venezuelas ? »,
El País, 11 octobre 2012.
[9]
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez logra un cuarto mandato
como presidente »,;
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez reactiva la revolución
bolivariana »,
El País, 8 octobre 2012 ;
El País, « Más Chávez »,
op. cit.
[10]
El País,
« Más Chávez »,
op. cit.
[11]
« Chávez reactiva la revolución
bolivariana »,
op. cit
[12]
El País,
« Más Chávez »,
op. cit.
[13]
Luis Prados & Maye Primera,
« Chávez logra un cuarto mandato
como presidente »,
op. cit
[14]
« Chávez reactiva la revolución
bolivariana »,
op. cit
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