Amérique latine
Le jeu dangereux
d'Henrique Capriles et
de l'opposition vénézuélienne
Salim
Lamrani
Henrique
Capriles
Jeudi 18 avril
2013
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Le
candidat de la droite vénézuélienne
refuse de reconnaitre sa défaite lors
des élections présidentielles du 14
avril 2013, malgré la transparence des
scrutins reconnue par les observateurs
internationaux. Au contraire, il incite
ses partisans à « exprimer leur colère ».
Le bilan est lourd : au moins 7 morts et
61 blessés.
Suite à la victoire électorale de
Nicolás Maduro le 14 avril 2013,
Henrique Capriles Radonski a rejeté le
suffrage populaire et a appelé ses
partisans à « exprimer leur colère » et
leur « frustration » dans les rues,
exigeant un recompte total des voix.
« Toute cette rage, libérez-là », a-t-il
lancé lors d’une conférence de presse
télévisée transmise par la chaîne
Globovisión, en appelant à des
manifestations massives contre
l’autorité élue du pays[1].
Les conséquences de cet appel du
leader de l’opposition ont été
dramatiques. Sept personnes ont été
assassinées par les groupuscules
d’extrême droite, dont six militants
socialistes célébrant la victoire de
leur candidat et un policier, et plus de
61 personnes ont été blessées[2].
Une militante du PSUV, le parti
gouvernemental, a été brûlé vive et se
trouve dans un état critique. Luisa
Ortega Díaz, Procureur général de la
République, a condamné les actes de
violences : « On l’a brûlé vive.
Imaginez un peu les niveau d’agressivité
et de violence de ces personnes[3] ».
Plusieurs centres médicaux, symboles des
programmes sociaux lancés par Hugo
Chávez, ont été brûlés, ainsi que des
bureaux de l’entreprise nationale de
télécommunications CANTV, des magasins
alimentaires gouvernementaux (MERCAL),
des entreprises de production et de
distribution d’aliments (PDVAL),
appartenant à l’Etat ainsi que de
nombreux services publics et autres
commerces[4].
Capriles, également gouverneur de l’Etat
du Miranda, s’en est pris publiquement à
Tibisey Lucena, Présidente du Conseil
national électoral (CNE) : « Vous devez
vous rendre compte que les décisions
erronées augmentent les conflits qui
existent aujourd’hui dans le pays. Vous
avez la responsabilité de faire face aux
Vénézuéliens ». Suite à ces
déclarations, l’opposition a fait le
siège de la résidence de la Présidente
du CNE, nécessitant l’intervention de la
police[5].
Aucune sollicitation formelle
Le Procureur Díaz a fermement condamné
l’attitude de Capriles : « Si le
candidat que le peuple n’a pas choisi
n’est pas satisfait du résultat, il
dispose des outils nécessaires pour
solliciter le Conseil national électoral
(CNE) et une fois épuisée la voie
administrative, il peut s’en remettre à
la justice, au Tribunal Suprême de
Justice. Mais jusqu’à présent, le
candidat non élu n’a pas fait appel au
CNE pour un quelconque recours, pour
réclamer ses droits ou avancer des
arguments. Il devrait formaliser ces
actions auprès du CNE et non pas appeler
à des actions violentes dans les rues
[…]. Porter atteinte à MERCAL, PDVAL,
les centres médicaux et les services
publics de l’Etat vénézuélien revient à
porter atteinte au peuple[6] ».
Le vice-président Jorge Arreaza a
confirmé ces déclarations et a informé
que l’opposition, malgré ses
déclarations publiques, n’avait
entrepris aucune démarche formelle pour
exiger un audit total de l’élection :
« L’audit portant sur les 54% des
suffrages s’est révélé exacte. Pour
effectuer l’audit des 46% restants, une
démarche formelle doit être effectuée.
Ils ne l’ont pas fait car le but est de
générer de la violence ». En effet,
comme l’exige la législation, 54% des
votes ont été automatiquement recomptés
le jour même[7].
Le président Nicolás Maduro, dont
l’élection a été reconnue par toute
l’Amérique latine, l’Union européenne et
une grande partie de la communauté
internationale[8],
et qui s’est déclaré favorable à un
recomptage des voix à condition que
l’opposition en fasse la démarche, a
vivement condamné les actes de
violences. « Quiconque prétend porter
atteinte à la majorité en démocratie
appelle de fait à un coup d’Etat »,
a-t-il averti. Selon lui, l’opposition
se trouve désormais « en marge de la
Constitution et de la loi[9] »
et devra répondre de ses actes devant la
justice[10].
Maduro a également explicitement accusé
Capriles d’être responsable de la
situation : « Vous êtes le responsables
des morts dont nous portons le deuil
aujourd’hui […] et vous devez répondre
de vos actes[11] ».
Capriles, qui n’a eu de cesse d’accuser
de partialité le Conseil national
électoral durant la campagne
présidentielle, s’était montré beaucoup
plus indulgent à l’égard de
l’institution lors des élections
régionales du 16 décembre 2012. Il y
avait une raison à cela : le CNE l’avait
déclaré vainqueur dans l’Etat du Miranda
et il en avait salué la décision. Suite
au résultat serré du scrutin du 14 avril
2013 – 262 473 voix d’écart en faveur de
Maduro (50,75%) –, Capriles a rejeté le
suffrage populaire[12].
Pourtant, lors de son élection en tant
que gouverneur (51,86%), la différence
avec son opposant de gauche Elías Jaua
était à peine de 45 111 voix sur un
total de plus de 2 millions d’électeurs.
Ce dernier avait néanmoins accepté sa
défaite[13].
Les médias occidentaux ont soigneusement
occulté les appels de Capriles à la
violence. En guise de comparaison,
imaginons un instant que suite à sa
défaite électorale en mai 2012, le
président sortant Nicolas Sarkozy ait
refusé de reconnaitre la victoire de
François Hollande en raison du résultat
serré (3,28% d’écart), ait appelé ses
partisans à manifester dans les rues
pour « exprimer leur colère », et que
ceux-ci aient assassiné six militants du
Parti socialiste et un policier. La
nouvelle aurait-elle fait la une des
journaux ?
L’opposition vénézuélienne par la voix
de Capriles, qui n’a avancé pour
l’instant aucune preuve factuelle et n’a
présenté aucun recours légal jusqu’à
présent pour contester l’élection[14],
semble faire le pari de la radicalité
qui l’a amené à orchestrer un coup
d’Etat en avril 2002 contre le Président
Hugo Chávez, avec la participation
active de l’administration Bush.
Celle-ci avait été la seule avec
l’Espagne à reconnaitre la junte
putschiste dirigée par Pedro Carmona
Estanga, aujourd’hui en fuite en
Colombie pour échapper à la justice.
Capriles avait lui-même participé à la
rupture de l’ordre constitutionnel en
assiégeant l’ambassade de Cuba et en
procédant à l’arrestation de Ramón
Rodríguez Chacín, alors Ministre de
l’intérieur et de la Justice du
gouvernement légitime. Capriles avait
ainsi été mis en examen et avait passé
plusieurs mois en prison[15].
La droite vénézuélienne vient de
recevoir un soutien de poids dans son
entreprise déstabilisatrice : les
Etats-Unis, qui refusent de reconnaitre
l’élection de Nicolás Maduro[16].
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est
Maître de conférences à l’Université de
la Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son dernier ouvrage s’intitule
État de siège. Les sanctions économiques
des Etats-Unis contre Cuba, Paris,
Éditions Estrella, 2011 (prologue de
Wayne S. Smith et préface de Paul
Estrade).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« El violento llamado de paz de
Capriles », 15 avril 2013.
[2]
EFE,
« Fiscal general de siete
muertos en incidentes en
Venezuela », 17 avril 2013 ;
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Siete socialistas son las
víctimas fallecidas durante
violencia convocada por Capriles »,
16 avril 2013.
[3]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Fiscal de la República: Hechos
violentos en el país dejan siete
fallecidos y 61 lesionados », 16
avril 2013.
[4]
EFE,
« El jefe del Parlamento
venezolano pide una averiguación
penal sobre Capriles », 16 avril
2013 ; Agencia
Venezolana de Noticias,
« Maduro: Quien venga por la vía
violenta encontrará al Estado »,
15 avril 2013.
[5]
Ibid.;
Agencia Venezolana de Noticias,
« El violento llamado de paz de
Capriles »,
op. cit.
[6]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Fiscal de la República: Hechos
violentos en el país dejan siete
fallecidos y 61 lesionados »,
op. cit.
[7]
EFE,
« Capriles llama de nuevo a
movilizarse ‘en paz’ hacia las
oficinas electorales », 16 avril
2013.
[9]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« El violento llamado de paz de
Capriles »,
op. cit.
[10]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Presidente Maduro: Derecha
pagará ante la ley lo que han
hecho », 16 avril 2013.
[11]
EFE,
« Maduro responsabiliza de
muertos a Capriles y dice que
tendrá que responder », 16 avril
2013.
[12]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Maduro: Hemos derrotado el
golpe de Estado », 16 avril
2013.
[13]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Jaua: No hay elementos para
decir que hubo fraude en
elecciones presidenciales », 16
avril 2013.
[14]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Defensoría del Pueblo no ha
recibido denuncias del proceso
electoral », 16 avril 2013.
[16]
The
Associated Press,
« EEUU : no estamos listos para
felicitar a Maduro », 17 avril
2013.
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