La Havane
Washington
fait la loi en Europe
Salim Lamrani
Lundi 15 janvier 2007
Loin d’être une
« simple question bilatérale » comme
l’affirme Washington, les sanctions économiques que les
Etats-Unis imposent à Cuba ont une portée mondiale. Au début du
mois de janvier 2007, suite à une injonction du Département du
Trésor étasunien, l’hôtel Scandic Edderkoppen d’Oslo
a refusé de louer des chambres à une délégation cubaine de 14
membres venue participer au Salon du tourisme de Lillestroem à 40
kilomètres de la capitale1.
La
chaîne de 140 établissements, qui a été rachetée en mars 2006
par la multinationale étasunienne Hilton Hotels, a
expliqué qu’en vertu de la loi Helms-Burton votée par le Congrès
étasunien en 1996, il lui était interdit de faire du commerce
avec tout ressortissant cubain. « Nous sommes propriété
du groupe Hilton des Etats-Unis et nous appliquons leurs décisions »,
s’est borné à répondre Geir Lundkvis, le directeur
administratif des hôtels Scandic en Norvège2.
Ce n’est pas la première fois que l’administration
Bush inflige une profonde meurtrissure à la souveraineté d’une
autre nation. Le 3 février 2006, une délégation de 16
fonctionnaires cubains, réunie avec un groupe de chefs
d’entreprise étasuniens, avait été expulsée de l’hôtel
Sheraton María Isabel de la capitale mexicaine, en flagrante
violation du droit international3.
Christina Karlegran, porte-parole de la multinationale Hilton
& Scandic, a affirmé que l’établissement appartenait
à une entreprise étasunienne et que, par conséquent, elle était
sujette aux restrictions imposées par les sanctions économiques
contre Cuba. « Nous devons respecter la loi étasunienne »,
s’est-elle justifiée, oubliant que la loi d’un pays ne peut
pas s’appliquer sur le territoire d’une autre nation4.
Cette affaire a suscité un tollé général en Norvège.
Le Syndicat norvégien des employés municipaux et généraux (Norwegian
Union of Municipal and General Employees), fort
de 300 000 membres, a annoncé qu’il boycotterait désormais
les hôtels Scandic. « Nous sommes déjà en train
de chercher d’autres hôtels pour nos conférences »,
a informé Anne Grethe Skaardal, son secrétaire général. « Pour
nous, il est inacceptable que les Etats-Unis imposent leurs
diktats au monde. De plus, nous sommes fermement opposés au
boycott des Etats-Unis contre Cuba », a-t-elle souligné5.
La Confédération des syndicats du commerce, la
corporation la plus importante du pays qui compte 830 000
affiliés, a exigé du gouvernement qu’il « prenne des
mesures pour que les entreprises comme Scandic – qui respectent
le boycott et le blocus illégal des Etats-Unis et non les lois
norvégiennes – ne puissent plus opérer en Norvège6 ».
En guise de réponse, la chancellerie s’est limitée à faire
une déclaration appelant les entreprises à respecter les lois de
la nation7.
Le Centre antiraciste d’Oslo a déposé une plainte
contre la compagnie pour discrimination raciale. En effet, selon
Henrik Lunde, son porte-parole, « la loi stipule que
personne ne peut se voir interdire l’accès en raison de sa
citoyenneté ou de son origine ethnique ». « Les
entreprises étrangères qui s’établissent en Norvège doivent
respecter les lois norvégiennes », a-t-il précisé8.
Washington
applique désormais ses lois en Europe, foulant à ses pieds le
principe de non extraterritorialité et faisant preuve d’un mépris
manifeste à l’égard de la souveraineté de la Norvège.
L’administration Bush n’a aucun scrupule à bafouer les bases
fondamentales du droit international, à plonger dans l’embarras
des gouvernements alliés et à infliger une humiliation à leurs
peuples. Tout cela au nom d’un fanatisme irrationnel à l’égard
d’une petite nation de 11 millions d’habitants.
Ce
récent scandale illustre la portée intolérable des sanctions économiques
que subissent les Cubains depuis près d’un demi-siècle. Par
crainte de froisser l’administration Bush, l’Union européenne
est – une nouvelle fois – restée silencieuse au sujet de
cette grave violation de la dignité d’une nation. Washington règne
ainsi en maître incontesté au niveau international car,
malheureusement, l’Union européenne est une entité politique
inexistante à ses yeux.
Notes
1
Granma, « Hotel noruego comprado por la Hilton niega
hospedaje a misión cubana », 5 janvier 2007.
2
Ibid.
3
El Nuevo Herald, « México estudia sancionar al
Sheraton », 7 février 2006.
4
Doug Mellgren, « Hotel Chain Faces Boycott Over Cuba Ban »,
Associated Press, 6 janvier 2007.
5
Ibid.
6
Doug Mellgren, « Protestas en Noruega porque cadena Hilton
no acepta cubanos », Associated Press, 5 janvier
2007.
7
Ibid.
8
The
Norway Post,
« Hotel Chain Accused of Racism », 5 janvier 2007.
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