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Cuba
Cuba et la gestion des cyclones
Salim Lamrani
Salim Lamrani
7 septembre 2008
L’ouragan Gustav qui a frappé les Caraïbes à la fin du mois
d’août 2008 a eu un coût humain et matériel dramatique. Le
cyclone avec ses vents à près de 340 kilomètres/heure, le plus
violent des cinquante dernières années, a provoqué la mort de
plus d’une centaine de personnes dont 11 en Jamaïque, 66 en
Haïti, 8 en République dominicaine et 26 aux Etats-Unis. Cuba,
qui a été terriblement touchée, a subi des dégâts matériels
considérables1.
« Une attaque nucléaire » : telle a
été la comparaison effectuée par l’ancien président cubain Fidel
Castro au sujet de la catastrophe naturelle qui a ravagé le
pays. En effet, les provinces de Pinar del Río, Matanzas et de
l’île de Jeunesse ont offert un spectacle de ruine et de
désolation. Des 25 000 logements que compte l’Île de la
Jeunesse, 20 000 ont été partiellement ou totalement détruits.
Près de 45% des habitations de Pinar del Río, soit 102 000
logements, sont partiellement endommagées ou complètement
rasées. Ce cyclone a été plus ravageur que l’ensemble des 14
ouragans qui ont frappé l’île au cours des huit dernières années2.
En revanche, contrairement aux autres nations victimes de
la fureur de la nature, Cuba n’a eu à déplorer aucune perte
humaine. En effet, Cuba est le seul pays de la région frappée
par le cyclone où aucun civil n’a perdu la vie. L’Agence
France-Presse note que « seuls des blessés et aucun mort
n'était […] dénombré à Cuba3 ». De son
côté, Associated Press remarque que « même si Gustav a
tué au moins 122 personnes, y compris 26 aux Etats-Unis, Cuba
n’a déploré aucun mort grâce aux évacuations obligatoires4 ».
Pourtant, l’ouragan qui a détruit une partie de l’île était de
catégorie 4 alors qu’il était redescendu en catégorie 2 lors de
son arrivée sur les côtes étasuniennes.
Comment s’explique cette spécificité
cubaine ? Elle se résume en deux phases : la « phase
informative » et la « phase d’alerte cyclonique ».
Tout d’abord, l’ensemble de la population est parfaitement
informée des dangers représentés par les cyclones et les
ouragans et sait parfaitement comment réagir en cas d’alerte de
la Défense civile. Les médias jouent un rôle fondamental et la
discipline sociale des citoyens est remarquable. Dès le
déclenchement de l’alarme cyclonique, les autorités organisent
minutieusement les déplacements des habitants et des touristes
en zone sûre. Rien n’est laissé au hasard. Les services sociaux
et les comités de Défense de la révolution, qui sont présents
dans chaque quartier, disposent de listes des personnes à
mobilité réduite et viennent à leur secours dans les plus brefs
délais. Ainsi, près d’un demi-million de personnes ont été
évacuées en prévision de l’arrivée de Gustav5.
A Cuba, aucune personne n’est abandonnée à son sort par
les autorités. L’exemple des cinq pêcheurs perdus en haute mer
est illustratif. N’ayant pas pu rentrer à temps, cinq marins
cubains ont été pris dans l’œil du cyclone et ont vu leur bateau
réduit en miettes. Pendant deux jours, malgré les énormes dégâts
causés par le vague cyclonique et les innombrables autres
urgences, La Havane n’a pas lésiné sur les efforts et a dépêché
à leur recherche 36 bateaux, trois hélicoptères et deux avions,
et les naufragés ont pu finalement être sauvés. Alors que
d’autres pays auraient peut-être abandonné les recherches, il en
a été autrement dans la plus grande île des Caraïbes6.
En guise de comparaison, on ne peut pas dire qu’il en
soit de même aux Etats-Unis, pourtant la nation la plus riche au
monde. La terrible tragédie Katrina qui a causé la mort de 1 800
personnes en 2005 à la Nouvelle-Orléans et dans les Etats
voisins fut l’exemple le plus dramatique de l’incurie des
autorités fédérales, qui avaient abandonné toute une population
à son triste sort.
Cette fois, le gouvernement fédéral s’était préparé et
avait lancé un appel à l’évacuation de la zone. Contrairement
aux Cubains pris en charge par les autorités et relogés
gratuitement dans des écoles, auberges, et autres
infrastructures, les citoyens étasuniens ont dû assurer
l’évacuation et leur relogement à leurs frais dans des hôtels.
La presse occidentale rapporte qu’« aucun hôtel n'a baissé
ses tarifs en ces circonstances exceptionnelles7 ».
Le maire de la Nouvelle-Orléans Ray Nagin a
décrété un couvre-feu pour empêcher les pillages. Les médias
internationaux ont relaté la «fuite éperdue des habitants de
la Nouvelle-Orléans8 ». Malgré les
précautions prises, pas moins de 26 personnes ont péri lors du
passage de l’ouragan Gustav dans le sud des Etats-Unis9.
Alors qu’à Cuba, la Défense civile se déployait pour
porter secours à la population, aux Etats-Unis, 2 000 gardes
nationaux armés jusqu’aux dents patrouillaient en compagnie de
la police la région pour prévenir les pillages. En théorie, la
priorité était donnée à la protection des vies humaines mais
c’est bien la sauvegarde des biens matériels qui a été
privilégiée10.
L’ensemble de la région sujette aux catastrophes
cycloniques – y compris les Etats-Unis – serait avisée de
prendre quelques leçons du côté de La Havane. Une petite nation
du tiers-monde, victime en outre de sanctions économiques
anachroniques et inhumaines, démontre qu’il est possible de
préserver la vie de tous les citoyens s’il y a une véritable
volonté politique à cela.
Notes
1
Agence France-Presse, « Gustav : l’Espagne aide Cuba et
Jamaïque », 31 août 2008 ; El Nuevo Herald, « La peor
tormenta de los últimos 50 años », 31 août 2008. Pour le nombre
de décès aux Etats-Unis voir Will Weissert, « EEUU ofrece
100,000 dólares en ayuda de emergencia a Cuba », The
Associated Press/El Nuevo Herald, 5 septembre 2008.
2
Fidel Castro, « Un golpe nuclear », Granma, 3 septembre
2008 ; Ronald Suárez Rivas, « Housing, the Greatest Challenge »,
Granma, 2 septembre 2008.
3
Glenn Chapman, « Ouragan Gustav : fuite éperdue des habitants de
la Nouvelle-Orléans », Agence France-Presse, 31 août
2008.
4
Will Weissert, « EEUU ofrece 100,000 dólares en ayuda de
emergencia a Cuba », op. cit.
5
Luz María Martínez & Marta Hernández, « Record mundial en
protección humana al paso de Gustav », AIN, 3 septembre
2008.
6
Fidel Castro, « Un golpe nuclear », op.cit. ; El Nuevo
Herald, « Cuba se recupera; hallan a pescadores
desaparecidos », 2 septembre 2008 ; EFE, « Logran
rescatar a cinco pescadores desaparecidos », 2 septembre 2008.
7
Sylvain Cypel, « A Lafayette, en Louisiane, ‘rien n’a changé
depuis Katrina’ », Le Monde, 3 septembre 2008.
8
Glenn Chapman,
« Ouragan Gustav : fuite éperdue des habitants de la
Nouvelle-Orléans », op. cit.
9
Will Weissert, « EEUU ofrece 100,000 dólares en ayuda de
emergencia a Cuba », op. cit.
10
Robert Tanner & Vicki Smith, « Alcalde de Nueva Orleáns pide a
evacuados que no regresen aún », The Associated Press / El
Nuevo Herald, 2 septembre 2008.
Salim Lamrani est enseignant, écrivain
et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et
les Etats-Unis. Il a notamment publié Washington contre Cuba
(Pantin : Le Temps des Cerises, 2005), Cuba face à
l’Empire (Genève : Timeli, 2006) et Fidel Castro, Cuba et
les Etats-Unis (Pantin : Le Temps des Cerises, 2006).
Il vient de publier Double Morale.
Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme (Paris :
Editions Estrella, 2008).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
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