Cuba
Cuba
et la sauvegarde de l’environnement
Salim Lamrani
Mercredi 7 février 2007
Le 2 février
2007, le président français Jacques Chirac a lancé un appel « à
la mobilisation générale contre la crise écologique ».
Signé par 46 pays, l’Appel de Paris fait suite à la
publication d’un rapport alarmant sur le réchauffement de la
Terre du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution
du climat (GIEC) de l’ONU1. Près de 30% des espèces
de la planète courent un grave danger de disparition, d’où la
proposition de créer notamment une organisation des Nations unies
pour l’environnement (ONUE)2.
« Aujourd’hui, le temps de la lucidité est venu »,
a déclaré le président français, cinq ans après son discours
à Johannesburg au cours duquel il avait lancé un cri d’alarme
au sujet de la « maison qui brûle ». « Chaque
jour qui passe aggrave les risques et les dangers », a
signalé Jacques Chirac qui a stigmatisé « quelques
grands pays qui doivent être convaincus et qui, enfermés dans
une espèce de mythe libéral, refusent en réalité d’accepter
les conséquences de leurs actes3 ».
« L’humanité est en train de détruire, à une
vitesse effrayante, les ressources et les équilibres qui ont
permis son développement et qui déterminent son avenir »,
affirme l’Appel de Paris. « Nous sommes parvenus au
seuil de l’irréversible, de l’irréparable »,
poursuit le texte, qui appelle « à prendre les mesures
qui s’imposent pour conjurer des périls qui menacent la survie
même de l’humanité4 ».
Plus de 200 délégués de 70 nations se sont réunis dans
la capitale française dont les Etats-Unis, qui n’ont pas signé
l’Appel. Washington refuse d’ailleurs toujours de signer les
accords de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre alors
qu’il est responsable de plus de 25% des émissions mondiales de
dioxyde de carbone. Les conclusions du GIEC insistent sur la
responsabilité humaine dans les changements climatiques5.
Le commissaire européen pour l’Environnement, Stavros
Dimas a fait part de son « énorme préoccupation »
au sujet du dernier rapport du GIEC et a lancé un appel en
faveur d’un nouvel accord mondial pour mettre un terme au réchauffement
de la planète. La hausse des températures provoque inévitablement
une augmentation du niveau de la mer, des précipitations
abondantes, des vagues de chaleur et des cataclysmes naturels de
plus en plus fréquents et violents. Par exemple, les glaciers de
l’Himalaya ont perdu 21% de leur superficie depuis 19626.
Mais, cette prise de conscience écologique arrive un peu
tard. En effet, Cuba avait lancé un avertissement sur les dangers
qui menaçaient l’environnement il y a près de quinze ans. Le
12 juin 1992, Fidel Castro prononçait son discours lors de la
conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement :
« Une
importante espèce biologique court le risque de disparaître à
cause de la liquidation rapide et progressive de ses conditions
naturelles de vie : l’homme […].
Il
est nécessaire de signaler que les sociétés de consommation
sont les responsables fondamentales de la destruction atroce de
l’environnement […]. Avec seulement 20% de la population
mondiale, elles consomment les deux tiers des métaux, les
trois-quarts de l’énergie que l’on produit dans le monde.
Elles ont pollué les mers et les fleuves, elles ont pollué
l’air, elles ont affaibli et perforé la couche d’ozone, elles
ont saturé l’atmosphère de gaz qui altèrent les conditions
climatiques avec des effets catastrophiques dont nous commençons
à souffrir.
Les
forêts disparaissent, les déserts s’étendent, des milliards
de tonnes de terre fertile finissent chaque année dans la mer. De
nombreuses espèces disparaissent […].
Si
l’on veut sauver l’humanité de cette autodestruction, il faut
mieux distribuer les richesses et les technologies de la planète.
Moins de luxe et moins de gaspillage dans quelques pays pour
qu’il y ait moins de pauvreté et moins de faim sur une grande
partie de la Terre […]. Appliquons un ordre économique
international juste […] Payons la dette écologique et non la
dette externe […]. Demain il sera trop tard pour faire ce que
nous aurions dû faire il y a longtemps7 ».
Cuba a depuis longtemps fait de la protection de
l’environnement une priorité nationale. Par exemple, la
superficie des forêts a augmenté de 33 631 hectares en 2006
et représente désormais 24,54% du territoire national. L’île
dispose ainsi de 2 696 589 hectares de forêts, sans
compter les 170 253 hectares de jeunes plantations de moins
de trois ans. Grâce au programme national d’amélioration des
sols, 515 000 hectares ont été traités en 2006, ce qui a
permis de diminuer de 3,8% la pollution de l’environnement par
rapport à 2005. Cuba est l’un des seuls pays du monde dont la
superficie forestière actuelle est supérieure à celle d’il y
a 50 ans8.
Le savoir-faire cubain en matière de préservation de la
nature est reconnu par de nombreuses institutions internationales.
Le projet cubain d’énergie renouvelable de l’Université d’Oriente
a ainsi obtenu en 2006 le prix mondial Energy Globe qui récompense
chaque année les initiatives destinées à favoriser une
utilisation plus efficace et durable des ressources naturelles
dans le domaine de la consommation d’énergie. Ce prix est décerné
conjointement par plusieurs institutions mondiales telles que les
Nations unies, le Conseil Européen de l’Energie renouvelable et
la Banque mondiale, entre autres9.
En 2006 encore, World Wild for Fund, la plus
importante organisation internationale pour la protection de
l’environnement avec plus de 5 millions d’adhérents et une présence
dans plus de 100 pays, a souligné dans son rapport annuel Planète
Vivante 2006 que Cuba était la seule nation du monde
à avoir atteint un développement durable :
« Le
développement durable est un engagement à ‘améliorer la
qualité de vie humaine tout en vivant dans les limites de la
capacité de charge des écosystèmes qui nous font vivre’.
L’Indice
de Développement Humain est utilisé par le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) comme indicateur de bien-être
et l’empreinte est une mesure de la demande sur la biosphère.
Les progrès des nations vers un développement durable peuvent
donc être mesurés en croisant l’IDH et l’empreinte. L’IDH
est calculé sur la base de l’espérance de vie, de l’alphabétisation,
de l’éducation et du PIB par personne. Le PNUD considère
qu’un pays a un indice de développement humain élevé si sa
valeur d’IDH est supérieure à 0,8. Pour l’empreinte, on
considère qu’une empreinte inférieure à 1,8 hectare global
par personne, c’est-à-dire la biocapacité moyenne disponible
par personne, est indicative d’une durabilité à l’échelle
globale.
Un
développement durable réussi implique au moins que le monde,
dans son ensemble, réponde conjointement à ces deux critères
[…]. Ni le monde dans son entièreté, ni aucune région prise séparément
ne répond conjointement aux deux critères de développement
durable. Seul Cuba y parvient, d’après les données que ce pays
fournit aux Nations Unis10 ».
En matière de protection de l’environnement – tout
comme en matière de santé, d’éducation, de massification de
la culture et de la pratique du sport –, le monde a beaucoup à
apprendre de Cuba. Ce petit pays sous-développé, confronté à
des sanctions économiques extrêmement sévères de la part des
Etats-Unis, a démontré qu’en mettant la science et la
technologie au service de l’homme et de l’environnement, il était
possible de préserver la nature. Il est temps d’ouvrir les yeux
à travers le monde et de prendre exemple sur l’Archipel des
Caraïbes pour sauver la planète. Il en va de la survie de
l’espèce humaine.
Notes
1
Intergovernmental Panel on Climate Change, Climate Change 2007:
The Physical Science Basis. Summary
for Policymakers, Paris,
février 2007.
2
Reuters, « Chirac sonne la mobilisation générale
pour l’environnement », 3 février 2007 ; Alicia
Rivera, « Cambios climáticos alteran la tierra. En peligro
30% de las especies », Granma, 31 janvier 2007.
3
Ibid.
4
Hervé Kempf, « Quarante-six pays appellent à créer une
ONU de l’environnement », 6 février 2007.
5
Granma, « La Tierra en serio peligro por cambios climáticos »,
3 février 2007.
6
Ibid.
7
Fidel Castro Ruz, « Discurso pronunciado por el Comandante
en Jefe en la Conferencia de Naciones Unidas sobre Medio Ambiente
y Desarrollo, en Río de Janeiro, Brasil, el 12 de junio de 1992 »,
Granma, 3 février 2007.
8
Granma, « La superficie des forêts augmente dans
l’île », 27 décembre 2006.
9
Energy Globe, « National Energy Globe Winners »,
2006 ; Agencia Cubana de Noticias, « Le projet
cubain d’énergie renouvelable gagne le Prix mondial ‘Energy
Globe’ », 29 janvier 2007.
10
World Wild for Fund, Rapport Planète vivante 2006, 2006,
p. 21.
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