Extrait
n° 3
FIDEL
CASTRO, CUBA ET LES ETATS-UNIS
Salim Lamrani
2 mai 2007
Salim Lamrani :
M. le Président, depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont
déclaré la « guerre contre le terrorisme ». Quelle
est la position de Cuba par rapport à cette nouvelle doctrine de
« guerre permanente » établie par l’administration
Bush ?
Ricardo Alarcón de Quesada :
Nous vivons dans un monde complexe. Il est fort possible que nous
soyons à l’aube d’un conflit militaire mondial conçu en
termes d’un supposé affrontement contre le terrorisme.
Cependant, sur ce thème, nous faisons
face à une situation assez ironique. Comme l’a expliqué le
congressiste McGovern, Cuba apparaît sans aucune justification
sur la liste des Etats terroristes du Département d’Etat des
Etats-Unis. Tant que Cuba fera partie de cette liste, il ne sera
guère possible d’établir un minimum de normalité dans les
relations entre nos deux pays.
Par ailleurs, Cuba a essayé pendant de
nombreuses années de mettre en place une coopération avec les
Etats-Unis pour combattre le terrorisme. La réaction étasunienne
a toujours été de refuser tout dialogue ou accord bilatéral sur
cette question, malgré le fait que Cuba ait été l’objet
d’attentats terroristes organisés depuis le territoire nord-américain.
Salim Lamrani : Cuba a longtemps dénoncé
le terrorisme qui a frappé aussi bien des objectifs économiques
que la population.
Ricardo Alarcón de
Quesada : Pas très loin
d’ici [du siège de l’Assemblée nationale], une bombe a
explosé à l’hôtel Capri. Dans l’édition du New York
Times du 12 juillet 1998, Luis Posada Carriles explique en
première page, dans une interview, qu’il a organisé ces
attentats et que le tout a été financé par la FNCA.
Il s’y vante de pouvoir fréquemment
entrer et sortir du territoire étasunien sans être dérangé par
les autorités.
Le
cas des cinq prisonniers politiques cubains
Salim Lamrani : Le gouvernement cubain
n’a-t-il jamais essayé d’alerter les autorités étasuniennes
sur ces actes terroristes ?
Ricardo Alarcón de
Quesada : Peu après
cette interview, une réunion à La Havane entre des hauts
fonctionnaires du FBI et les autorités cubaines a eu lieu. Lors
de cette rencontre, on a remis au FBI des documents, des
informations, des données et les dossiers de 64 individus qui
sont des terroristes en activité et qui résident dans la ville
de Miami.
Le
FBI a promis d’ouvrir une enquête sur ces personnes, mais il
n’y a jamais eu de réponse. Du moins, la réponse a été
autre.
Salim Lamrani : C’est-à-dire ?
Ricardo Alarcón de Quesada :
En septembre 1998, cinq Cubains furent arrêtés à Miami et accusés
d’être des agents du gouvernement de Cuba, ou plutôt de ne pas
s’être inscrits comme tels.
On les a présentés comme étant des
personnes impliquées dans des supposées activités
d’espionnage ou, plutôt, dans une conspiration en vue de
pratiquer l’espionnage, ainsi que d’autres charges.
Salim Lamrani :
Evoquons ce cas particulier en détail.
Ricardo Alarcón de Quesada :
Le 17 juin 1998, nous avons remis au FBI un mémorandum sur les
actions terroristes commises contre Cuba à partir de Miami.
Permettez-moi de citer le gouvernement
des Etats-Unis lui-même : « En juin 1998, suite à une
série d’attentas et de menaces d’attaques à la bombe contre
des citoyens cubains, une équipe du FBI s’est réunie à La
Havane avec les autorités cubaines. Les discussions se sont centrées
sur les accusations selon lesquelles des résidents étasuniens
auraient participé à une conspiration terroriste relative à des
attentats à la bombe. A cette époque, les autorités cubaines et
le FBI ont échangé des preuves qui devaient être analysées à
Washington DC ».
Voilà l’exacte déclaration des
autorités étasuniennes.
Salim Lamrani :
Que s’est-il passé ensuite ?
Ricardo Alarcón de Quesada :
Au lieu de procéder à l’arrestation des personnes impliquées
dans le terrorisme international contre Cuba et de les mettre hors
d’état de nuire, le FBI a eu un comportement pour le mois étrange.
Le samedi 12 septembre, très tôt le
matin, il a informé les congressistes Ileana Ros Lehtinen et
Lincoln Díaz Balart, deux personnes liées à la mafia terroriste
cubaine de Miami, qu’il venait d’arrêter cinq supposés
espions résidant en Floride. Bien que la délégation du Congrès
de Floride soit composée de 25 personnes, aucun autre membre
n’a été averti d’avance par les enquêteurs.
Malgré le fait que les congressistes
mentionnés n’occupent pas de poste en rapport avec la sécurité
ou l’intelligence, ils ont eu le privilège d’être informés
en priorité. Il y avait une raison et un objectif à cela :
déclencher une campagne médiatique afin de stigmatiser immédiatement
les accusés.
Pour vous faire une idée des intérêts
que défendent Ros Lehtinen et Díaz Balart, sachez tout
simplement qu’un immense portrait de Fulgencio Batista orne le
bureau de Lincoln Díaz Barlart. Ces personnes représentent la
frange la plus récalcitrante de l’extrême droite cubaine des
Etats-Unis.
Salim Lamrani :
Qui sont exactement ces cinq Cubains ?
Ricardo Alarcón de Quesada :
Ils s’appellent Gerardo Hernández Nordelo, Ramón Labañino
Salazar, Fernando González Llort, Antonio Guerrero Rodríguez et
René González Sehweret. Ils travaillaient et vivaient aux
Etats-Unis depuis de nombreuses années.
Gerardo Hernández avait 33 ans, et il
est diplômé de l’Ecole de Diplomatie de Cuba.
Ramón Labañino avait 35 ans et avait
obtenu la mention « Très bien » à son diplôme d’économie
à l’Université de La Havane.
Antonio Guerrero avait 40 ans. Il est né
aux Etats-Unis car ses parents travaillaient en Floride. Il est
ingénieur, diplômé de l’Institut de Kiev en Ukraine. Il est
également poète.
Fernando González avait également 35
ans. Il a lui aussi reçu une formation de diplomate.
Quant à René González, il avait 42
ans. Il est né à Chicago et ses parents ont longtemps travaillé
aux Etats-Unis avant de retourner à Cuba. Il est pilote dans
l’aviation civile, diplômé à la fois à Cuba et aux
Etats-Unis. Il est également écrivain.
Salim Lamrani :
Quand ont-ils été mis en examen, avec présentation des
accusations de manière formelle ?
Ricardo Alarcón de Quesada : Dès le début, il était
évident qu’il s’agissait d’une opération à caractère
politique, destinée à satisfaire le secteur le plus agressif qui
a transformé le sud de la Floride en une base pour sa guerre
contre Cuba.
Ainsi, le FBI a attendu quatre jours
pour notifier l’accusation formelle aux accusés, ce qui
constitue en soi une violation juridique.
Isolement
arbitraire et illégal
Salim Lamrani : Que s’est-il passé après
leur arrestation ?
Ricardo Alarcón de Quesada : Dès les premiers
instants de leur arrestation, et jusqu’au 3 février 2002,
c’est-à-dire 17 longs mois durant, ils ont été maintenus en
cellule d’isolement, isolés entre eux et isolés des autres détenus.
Ils ont été enfermés au « mitard », et aux
Etats-Unis, cela signifie les pires conditions de détention, avec
un traitement particulièrement cruel.
Ils se trouvaient dans une cellule sans
fenêtres. Les portes étaient métalliques et ils ne pouvaient
rien voir de ce qui se passait dehors. Une petite ouverture
permettait aux gardes d’introduire la nourriture. Les lumières
étaient allumées 24 heures par jour, si bien qu’il leur était
impossible de distinguer le jour de la nuit.
C’était un endroit extrêmement étroit,
et on pouvait à peine y effectuer quelques pas. Ils étaient
maintenus pieds nus, avec leurs sous-vêtements et tee-shirt pour
uniques vêtements. Ils n’ont eu droit à aucun livre, aucun matériel
imprimé, rien. Il y avait même un panneau sur la porte où il était
écrit qu’il était interdit de leur adresser la parole, ni de
communiquer avec eux par écrit.
Salim Lamrani : Leur comportement avait
peut-être justifié ces mesures radicales.
Ricardo Alarcón de Quesada : A aucun moment, ils
n’ont fait preuve d’indiscipline.
Personne ne pourrait croire que dans
cinq pénitenciers différents, dans cinq Etats différents, cinq
Cubains aient eu une conduite justifiant un tel traitement. Le
hasard n’est pas crédible.
Préface
d’Ignacio Ramonet
280
pages
Editions
Le Temps des Cerises
Prix :
15€ (12€ pour les associations)
Ce
livre est disponible auprès :
-Le
Temps des Cerises : contact@letempsdescerises.net
, 01 49 42 99 11
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www.fnac.fr
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l’auteur pour dédicace : lamranisalim@yahoo.fr
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