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UJFP
Quelques
remarques pour une déclaration anti-guerre
Rudolf Bkouche
Rudolf Bkouche
10 novembre 2007
Il importe de distinguer la lutte contre la guerre
de tout soutien à un régime, en particulier le régime iranien.
En effet la guerre sera un désastre moins pour les régimes que
pour les peuples et c'est un point qu'il faut mettre avant.
Il faut rappeler à ceux qui soutiennent la guerre au nom de
l'exportation de la démocratie, que l'Occident n'a jamais souhaité
que des régimes démocratiques s'établissent au Moyen-Orient, ce
qui aurait porté atteinte au pouvoir des sociétés pétrolières
d'une part et imposé aux Etats occidentaux d'accepter un échange
équitable avec les démocraties régionales.
Il faut rappeler la volonté d'établir une démocratie en Iran
dans les années cinquante avec Mossadegh. Pour des raisons pétrolières,
la tentative de Mossadegh a été combattue et les grandes
compagnies pétrolières, soutenue par les gouvernements
britannique et américain, ont imposé le retour du Shah.
Il faut rappeler aussi que le discours anti-islamiste n'est qu'un
prétexte. On critique l'intégrisme iranien moins en ce qu'il est
intégrisme qu'en ce qu'il est anti-occidental, alors que l'on
accepte l'intégrisme de l'Arabie Saoudite, alliée de l'Occident,
dont les gouvernants participent au côté des occidentaux à la
mondialisation financière.
Il ne faut pas oublier les questions géopolitiques régionales
qui se jouent au Moyen-Orient entre la puissance montante qu'est
l'Iran, perse et chiite, et les puissances traditionnelles arabes
et sunnites aujourd'hui alliées de l'Occident. Ces conflits régionaux
remettent en question le rôle de l'Arabie Saoudite et l'alliance
entre celle-ci et les Etats-Unis et d'autant plus fortement que
d'une part l'Arabie Saoudite a besoin d'alliés pour maintenir son
pouvoir à la fois sur le plan religieux et sur le plan économique,
et que les Etats-Unis ont besoin de bastions avancés au
Moyen-Orient, l'Arabie Saoudite étant considéré comme l'un de
ces bastions. On peut penser que le plan saoudien de règlement du
conflit entre Israël et les Palestiniens a pour objectif moins
les droits des Palestiniens que le maintien des puissances
traditionnelles arabes et sunnites et de leur prééminence dans
un monde musulman dans lequel ils sont minoritaires. Le soutien
aux Palestiniens apparaît alors comme une arme idéologique qu'il
faut savoir mettre en avant lorsque nécessaire, mais point trop
n'en faut comme l'a montré le refus des banques saoudiennes de
remplacer l'UE lorsque cette dernière a suspendu son aide à
l'Autorité Palestinienne ; le prétexte invoqué était le danger
de mesures de rétorsion américaines, alors que les placements
financiers saoudiens lui permettraient de faire pression sur les
banques occidentales. Mais ces placements rapportent et sont plus
importants que le développement de l'économie palestinienne.
Enfin, que la guerre soit imminente ou que les discours
bellicistes ne soient qu'une forme d'intoxication, la question est
essentiellement celle de la mise en place de ce que certains
appellent le "choc des civilisations", construction idéologique
qui a pour premier objet d'assurer la place privilégiée de
l'Occident (Etats-Unis, Union Européenne, et leur bastion avancé
au Moyen-Orient, l'Etat d'Israël) dans la mondialisation. C'est
contre cette idéologie que nous devons lutter.
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