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The Guardian
La Zone C remplit d'effroi les
Palestiniens,
alors que des maisons sont détruites
Rory McCarthy
Des Palestiniens regardent un
bulldozer israélien détruire une maison palestinienne
dans un village de Cisjordanie. (Photo: Ahmed Gharabli/AFP/Getty
images) Far'un, le 15 avril 2008
article original :
"Area C strikes fear into the heart of Palestinians as homes
are destroyed" Les Israéliens
défendent des règles qui rejettent 94% des demandes non-juives
de permis de construire En fin de compte, cela s'est ramené
à une lettre d'une seule page, écrite en hébreu et en arabe,
remise en mains propres par un officier de l'armée israélienne
qui a frappé à la porte. La lettre annonçait la destruction
imminente de la maison de trois niveaux, blanchie à la chaux, et
du petit jardin bordé d'arbres pour lesquels Bassam Sulaiman a
mis si longtemps à économiser et qu'il a ensuite construit avec
sa famille il y a dix ans.
C'était un ordre de démolition définitif, avec instruction
d'évacuer la maison dans les trois jours.
Si Sulaiman avait le moindre doute des intentions de l'armée
israélienne, il n'avait qu'à regarder par la porte de derrière
de sa maison où de grandes piles de gravats et de béton fracassé
marquent les restes des sept maisons de ses voisins qui ont été
démolies de la même façon l'année dernière.
"Que ressentiriez-vous lorsque vous avez passé 20 ans pour
achever le projet de toute votre vie ?" a dit Sulaiman, un
professeur de 38 ans. Il a commencé à déménager ses meubles
après avoir reçu la lettre le 31 janvier, envoyée par
l'administration de Judée et de Samarie, le département du
ministère de la défense responsable de la Cisjordanie occupée
par les Israéliens. A présent, il y a juste deux chaises en
plastique dans son salon et, dans l'entrée, les tapis sont
roulés, prêts à être déménagés. Les vêtements sont empilés sur
le sol et les étagères sont vides, à l'exception d'une pile de
documents retraçant l'histoire de la démolition imminente. Son
frère, Husam, a déjà quitté l'appartement du rez-de-chaussée,
mais la nouvelle machine à laver et le nouveau réfrigérateur
sont toujours enveloppés dans leur plastique. Sulaiman, sa femme
et leurs deux enfants attendent les bulldozers.
"Tout ce que j'ai fait dans ma vie a été pour cette maison et à
présent elle va être détruite", dit Sulaiman. "C'est très
difficile pour moi de trouver un autre endroit pour vivre".
Les autorités israéliennes soutiennent que la maison de Sulaiman
a été construite dans une partie de la Cisjordanie connue sous
le nom de zone C, une désignation de l'époque des Accords
d'Oslo, qui signifie qu'Israël en a le contrôle administratif et
militaire total. Pour pouvoir construire, un Palestinien doit
demander un permis aux autorités israéliennes. S'il n'y a pas de
permis - comme dans le cas de Sulaiman - la construction est
susceptible d'être démolie.
Illégal
La zone C couvre 60% de la Cisjordanie, où habitent environ
70.000 Palestiniens. C'est aussi la partie dans laquelle la
plupart des colonies juives, toutes illégales selon la loi
internationale, sont construites. Une preuve statistique
accablante montre que les colonies continuent de croître
rapidement, tandis qu'il est extrêmement difficile pour les
Palestiniens d'obtenir des permis de construire.
Les recherches de l'association israélienne La Paix Maintenant
ont découvert qu'entre 2000 et septembre 2007, 94% des demandes
de permis de construire déposées dans la Zone C par les
Palestiniens ont été refusées. Seuls, 91 permis de construire
ont été accordés [pendant cette période] aux Palestiniens, alors
que 18.472 unités d'habitation ont été construites dans les
colonies juives. En conséquence des ordres de démolition, 1.663
constructions palestiniennes ont été démolies, contre seulement
199 dans les colonies. "Les refus de permis de construire aux
Palestiniens à une telle échelle fait craindre l'existence d'une
politique spécifique par les autorités pour encourager le
'transfert silencieux' de la population palestinienne de la zone
C", a déclaré La Paix Maintenant.
Cette année, selon le bureau de l'ONU pour la coordination des
affaires humanitaires, il y a une augmentation prononcée des
démolitions : 138 entre janvier et mars, la plupart dans la zone
C, à comparer avec les 29 démolitions au cours des trois
derniers mois de l'année dernière. En conséquence, depuis le
début de l'année, 400 Palestiniens ont déjà été déplacés. A un
moment où le processus de paix est relancé pour créer un Etat
palestinien indépendant, la réalité de la Cisjordanie est que
les colonies juives croissent et que les démolitions des maisons
palestiniennes sont en augmentation.
Les problèmes du village de Far'un, au sud de Tulkarem, sont
complexifiés par la grande barrière de Cisjordanie, qui coure
ici loin de la ligne de cessez-le-feu de 1949, qui dépare Israël
des territoires palestiniens. La large clôture métallique qui
passe à juste quelques dizaines de mètres de la maison de
Sulaiman, coupe le village d'une partie de ses terres agricoles
et des ses nappes phréatiques et a transformé cette zone en un
endroit très dangereux : en décembre 2006, une palestinienne de
14 ans, qui jouait non loin, a été abattue par un soldat
israélien.
La maison de Sulaiman et celle de son voisin Emad Hassahsi, qui
a reçu lui aussi un ordre de démolition, ont été construites
avant que la barrière ne soit installée, dans une zone où on
leur a dit - et ils ont de nombreuses lettres qui semblent
soutenir leur revendication - qu'elle se trouvait en zone B,
dans laquelle les Palestiniens ont le contrôle administratif et,
par conséquent, ils pensaient quelque part qu'ils pouvaient
construire en toute sécurité. Ce n'est que plus tard que les
Israéliens ont soutenu qu'il s'agissait en fait de la zone C.
Ailleurs en Cisjordanie, il y a des conflits similaires sur la
délimitation exacte des différentes zones.
L'administration civile d'Israël n'a fourni aucune explication
pour la croissance des démolitions et voici ce qu'elle a déclaré
au Guardian : "Les procédures qui sont menées avant la
matérialisation d'un ordre de démolition incluent : l'émission
d'un ordre pour cesser de construire, qui est habituellement
émis au début de la construction ou des fondations, de
nombreuses délibérations au haut comité de planification et de
découpage par zones, et, bien sûr, une porte ouverte vers la
cour suprême de justice. Ces procédures sont valables de façon
identique, à la fois pour les Palestiniens et les Israéliens".
Elle dit que les constructions démolies à Far'un ont été
"construites illégalement sans les permis requis".
Un effet des restrictions strictes programmées est de limiter la
croissance des villages palestiniens. "Si vous regardez la façon
dont les Israéliens mettent en application cette planification
et ces régulations de construction, vous voyez qu'elles ne sont
appliquées que dans un sens", a dit Avi Berg, directeur de
recherche de l'association B'Tselem, leader en matière des
droits de l'homme, qui a travaillé sur l'affaire de Far'un.
La croissance des colonies se poursuit rapidement malgré le fait
que les pourparlers actuels de paix soient basés sur la Feuille
de Route américaine, en vertu de laquelle Israël doit geler
l'activité de colonisation. Dans un autre rapport, La Paix
Maintenant a déclaré que depuis que les pourparlers ont commencé
à Annapolis en novembre dernier, Israël construisait toujours
500 logements en Cisjordanie et avait émis des appels d'offre
pour 750 logements dans les colonies de Jérusalem-Est. Ces
rapports semblent indiquer que 1.400 logements supplémentaires
seront construit dans deux colonies à Jérusalem-Est et en
Cisjordanie.
Le gouvernement israélien prend la défense de la construction
continue de colonies, en particulier dans les colonies majeures
qu'il appelle des "centres de population", disant qu'il ne
construira pas de nouvelles colonies ou expropriera plus de
terres. "Dans les centres de population et à Jérusalem, la
réalité sur le terrain, dans le futur, ne sera pas la même
qu'aujourd'hui", a déclaré le Premier ministre Ehoud Olmert le
mois dernier. "Il y aura plus de constructions supplémentaires,
ce qui fait partie de la réalité de la vie et c'est quelque
chose qui a été expliquée… "
Tous les cas de démolitions n'impliquent pas que des logements.
En janvier, les forces israéliennes ont déraciné 3.200 arbres,
détruit des citernes d'eau et quelques terrasses de pierre dans
des champs, à proximité de Beit Ula, proche d'Hébron, au sud de
la Cisjordanie. Une fois encore, c'était dans la zone C.
L'administration civile a dit que cette démolition était une
"mesure d'application de la loi", entreprise après les
avertissements légaux.
Mais dans ce cas, la cible était un programme de 64.000 € de la
commission européenne qui a commencé il y a deux ans, pour
apporter un moyen de subsistance aux villageois, dont plusieurs
d'entre eux ont mis aussi leur propre argent dans cette
plantation.
"Cela a été une tragédie pour nous", a dit Sami al-Adam, 46 ans,
un agriculteur qui a mis dans ce programme 45.000 shekels. "Ils
m'arrachent par les racines. Ils veulent détruire les
agriculteurs palestiniens psychologiquement et économiquement".
Traduction : JFG/QuestionsCritiques
Publié
le 18 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Questions
Critiques
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